Mouloud Hamrouche n'est pas candidat à l'élection présidentielle du 17 avril. L'ancien chef de gouvernement estime que l'Algérie est dans «l'impasse» et appelle l'armée à s'impliquer pour instaurer «un Etat démocratique». Tarek Hafid - Alger (Le Soir) Les «hamrouchiens» subissent une douche froide. Mouloud Hamrouche a annoncé, jeudi, sa décision de ne pas se présenter à l'élection présidentielle. L'homme des réformes s'excuse. «Je demande pardon à celles et à ceux qui ont cru comprendre que ma précédente déclaration était un acte de candidature et je les remercie d'avoir montré tant de confiance, de disponibilité et d'enthousiasme», a déclaré Hamrouche à l'ouverture d'une conférence de presse animée à l'hôtel Safir. Dans sa déclaration liminaire, il estime «que les facteurs de blocage sont toujours là, avec ou sans renouvellement de mandat. Ces blocages sont des risques sérieux. Ce sont des impasses qui recèlent de graves menaces, exacerbent les facteurs de division, paralysent les institutions et soumettent les hommes à des pressions impossibles. Jusqu'à quand l'encadrement de nos forces de défense, de sécurité, nos cadres et acteurs économiques resteront soumis, à chaque échéance présidentielle et à chaque changement de responsables, à d'intolérables pressions, interrogations et examens de consciences ?». Pendant une heure, il tentera d'expliquer aux journalistes sa vision des choses. «Ces impasses sont dues à un système de gouvernance dépassé par le temps et le développement. Aujourd'hui, il est arrivé à un point où il ne peut permettre la gestion d'un pays de la taille et de la force de l'Algérie. Ce système ne peut garantir les intérêts, la sécurité et la politique du pays.» Tantôt optimiste, souvent pessimiste, Mouloud Hamrouche n'est ni pour ni contre un quatrième mandat en faveur de Abdelaziz Bouteflika (il lui souhaite un prompt rétablissement), refuse de soutenir son adversaire Ali Benflis et évite de se ranger dans le camp des responsables politiques qui ont appelé à un boycott actif. Il se place au-dessus de tous les acteurs politiques et refuse de donner du crédit au processus électoral tel qu'il est pratiqué en Algérie. «L'histoire de l'humanité et des Nations est là pour nous enseigner que seules les sociétés libres où les hommes sont libres ont eu la chance d'édifier des Etats forts et avoir des outils de gouvernance efficaces et avoir des gouvernements efficients. Et c'est cette liberté qui leur permet d'avoir une adhésion permanente de leur peuple, adhésion soumise périodiquement à un test : les élections. Les élections sont des mécanismes qui nous viennent de pays démocratiques, ce n'est pas une production nationale ou régionale. Elles nous viennent de pays occidentaux. Mais nous n'avons pas préparé au préalable notre environnement. Dans un pays comme l'Algérie, le processus électoral s'est transformé en un système d'exclusion, ce n'est plus un mécanisme qui permet au peuple de choisir entre plusieurs candidats, entre des visions différentes.» Mais l'homme politique ne propose aucune solution de sortie de crise. Le colonel à la retraite s'est contenté de pointer le doigt vers l'institution militaire. «Les armées des nations libres ont gagné toutes les guerres. Les hommes engagés dans l'armée ont ce sentiment de défendre un pays libre et de défendre leurs concitoyens qui sont tout aussi libres. L'histoire de l'humanité nous enseigne aussi que le déclin des empires et des civilisations a toujours été causé par un problème de gouvernance. J'ai des sentiments particuliers pour l'armée car c'est ma maison. Des militaires à la retraite et de nombreux autres encore en poste étaient mes collègues. Voilà pour le plan personnel. Mais sur le plan politique, j'ai toujours dit que toute solution consensuelle dûment étudiée nécessite la participation de l'institution militaire. N'oublions jamais que la mission principale de l'armée est la défense du pays, son territoire et son peuple. Donc si le peuple choisit la liberté, je suis profondément convaincu que les militaires le soutiendront», soulignera-t-il. Mouloud Hamrouche a fermé, jeudi, la parenthèse ouverte par la lettre qu'il avait rendue publique le 17 février. Dix jours de suspense intense pour annoncer... une non-participation. T. H. POLEMIQUE SUR LES «GROUPES ET MINORITES» «Chacun de nous avait son identité locale» Hamrouche s'est expliqué sur la question des «groupes et des minorités» qu'il avait évoqués dans sa première lettre. «Dans ma première lettre, j'ai usé d'un langage inhabituel en prenant le risque d'être attaqué de toute part car j'ai parlé de vérités. J'ai parlé de groupes et de minorités. Nous sommes des Algériens et c'est une identité qui a été récupérée que récemment. Il faut se rappeler qu'il y a cinquante ans, nous n'avions pas le droit de nous appeler Algérien car nous n'avions pas le droit à cette identité et à cette nationalité. Chacun de nous avait son identité locale. Aujourd'hui, c'est cette identité nationale qui nous permet de discuter. Pour préserver cet acquis, il faut que les droits de tous les Algériens, de l'ensemble des régions, de l'ensemble des groupes et de l'ensemble des minorités soient garantis par l'Etat.»