De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Aujourd'hui, les voix des Algériens de là-bas se mêleront à celles d'ici. Ou le contraire, ce qui revient au même. Le processus électoral qui a débuté pour ceux de l'exil samedi de ce mois et se termine le 17, a déjà livré quelques enseignements. Le vote pro-Benflis, une modeste participation et une peur bleue de la fraude. Akli d'Anvers résume ainsi la situation «il faut que l'on accède au statut de devenir des ... gens, «ki-ennass»... Zineddine de Louvain-la-Neuve, matheux, est encore plus affirmatif «frauder, c'est encore vouloir voler et corrompre». Les votants et les non-votants s'accordent tous sur le point que la fraude serait une tentation dangereuse et porteuse de toutes les catastrophes. Les Algériens ne comprendraient pas et n'accepteraient pas aussi facilement la fraude cette fois-ci. «Rien ne le justifie», dit Abdelkader, rencontré à Bruxelles. «Hier, on nous a sorti un bébé moustachu (RND - ndlr) au nom de la sauvegarde de la nation. On connaît le résultat et les conséquences...» «On est devenu, ajoute-t-il, la risée du monde, le seul pays où l'administration possède son parti et les partis possèdent une administration». Salim est nostalgique de l'époque Boumediène «Lui, au moins, n'était pas un menteur. Il gouvernait au nom de principes et disait aux Algériens son programme d'édification nationale, il ne les menait pas en bateau en organisant des élections truquées et bidon. Ce n'était pas un démocrate, certes, mais il ne réalisait pas des films sur le vote...» C'est vrai que la présidentielle actuelle présente quelque chose, un sentiment, quelque part, diffus que les experts en fraude risquent de perdre la main. Pour les Algériens d'Europe qui ont bien voulu s'exprimer et d'autres qui ont même de par leur propre chef voulu prendre la parole afin qu'elle soit «écrite dans votre journal», Benflis a levé un espoir, fait bouger les lignes et peut gagner. «Ce n'est pas le candidat pour lequel j'aurais voté en d'autres circonstances, mais cette fois-ci je lui ai donné ma voix». Pourquoi ? «C'est la seule alternative actuelle à Bouteflika, le seul bulletin qui permettra à Bouteflika de se soigner tranquillement et à l'Algérie de reprendre son souffle». «Je ne comprends pas le système algérien, estime, quant à lui, Mourad, restaurateur à Liège, «il peut se permettre une évolution avec Benflis, qui est des leurs, quand-même, ce n'est pas un révolutionnaire ou quelqu'un qui leur cherchera des poux sur la tête et refuse cette alternative correcte, sans casse.» Son ami venu de France avec sa petite copine spécialement pour dîner chez Mourad dans son établissement où l'on «mange» et surtout «boit» bien. Très bien même pour ceux qui boivent, tiens la réponse «tu crois qu'ils vont lâcher ? Ils sont capables de marcher sur Benflis, de torpiller l'Algérie, de même accepter son éclatement pour rester au pouvoir. Pour eux, c'est vital. Soit le pouvoir, soit la prison». «Benflis n'est pas malin, reprend Mourad, il aurait dû déclarer qu'il ne les poursuivra pas, qu'ils peuvent aller à l'étranger en toute quiétude et profiter des immenses fortunes qu'ils ont amassées en volant l'Algérie». La petite copine de l'ami de France, belle et taiseuse jusqu'à cet instant, prend la parole «tu crois qu'ils sont bêtes à ce point ? Ils ne le croiraient pas (Benflis, ndlr) et puis s'il dit qu'il va leur pardonner, les autres Algériens le prendront pour une andouille, et ils le soupçonneront même d'être complice». La petite copine que j'ai sous-évaluée s'appelle Samia. Aujourd'hui jeudi 17, les Algériens en Europe seront nombreux à suivre les opérations de dépouillement. Les gens croient à une sortie par les urnes de Bouteflika. Il faut, pour cela, défaire «les experts».