L'élection présidentielle du 17 avril, de par sa singularité liée à la candidature d'un Bouteflika impotent, aura peut-être le seul mérite de forcer à des conglomérats politiques enfourchant tous la perspective de changement du système. L'attitude par trop provocante du pouvoir a fait prendre conscience aux uns et aux autres qu'il n'est point de salut dans les aventures partisanes solitaires. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Dès les préliminaires de l'élection présidentielle, des partis et des personnalités politiques ont pris sur elles d'imaginer puis de structurer une initiative visant à disqualifier politiquement un scrutin qui ne devait point surprendre quant à ses résultats. La Coordination nationale pour le boycott, qui rassemble des partis politiques d'obédiences diverses et des personnalités acquises à l'idée du changement, a constitué le premier bloc d'opposition non seulement à la candidature de Bouteflika mais aussi et surtout au processus électoral. Rebaptisé, au lendemain du scrutin du 17 avril, Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, le front du boycott, formé du RCD, MSP, Jil Jadid, Ennahda et FJD et de personnalités politiques, à l'instar de l'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour, a pour ambition de parvenir à imposer un changement, en passant par une phase de transition. La CNLTD peut déjà réclamer un statut de force politique prépondérante, puisque, même à prendre en compte les chiffres officiels de l'élection présidentielle, elle peut se targuer d'avoir convaincu un électeur sur deux à ne pas se rendre aux urnes. La construction de la CNLTD est parée contre les procès d'intention, tant est qu'elle est constituée de partis et de personnalités qui se recrutent dans des sèves idéologiques diverses, voire antinomiques. Ce qui, soumis à l'analyse politique, permet d'affirmer que le pouvoir en place a réussi à faire consensus contre lui. Un point de vue dont la pertinence se vérifie aussi à travers la constitution du Pôle des forces du changement regroupées autour de l'ancien chef de gouvernement Ali Benflis, candidat malheureux à l'élection présidentielle. Le Pôle des forces du changement, tout comme la CNLTD, est acquis à l'idée du changement du système. Une convergence intéressante, tant est que dans l'un comme dans l'autre des deux regroupements ont pris place des partis ou des personnalités qui ont été, à un moment donné, partie intégrante du pouvoir. Que des partis ou des personnalités prennent ainsi congé d'un système qu'ils ont fréquenté atteste de l'impasse vers laquelle conduit la gouvernance de Bouteflika. Un Bouteflika qui, quinze ans de règne durant, a agi sur le levier de la rente pour s'offrir des clientèles parmi la classe politique et la société civile. Cependant, cette façon d'entretenir une cour, n'a pas été tellement opérante, puisque d'aucuns parmi ses partisans d'hier s'en sont démarqués, ayant fini par entrevoir l'impasse qui risque d'être coûteuse pour le pays. A trop désirer rester au pouvoir, Bouteflika a réussi, malgré lui, à faire liguer contre son pouvoir non seulement ses adversaires de toujours mais aussi ses partisans d'hier. Plus qu'à des partis à l'action limitée mais à des blocs d'opposition qu'il aura affaire. Pour une fois, il aura affaire à une adversité forte, surtout si l'opposition parvient à fédérer ses actions. Ce qui n'est pas exclu.