Par Me Bouter Khélifa, notaire Quel cadre juridique choisir pour l'hôpital relevant du secteur «privé»? L'annonce de la création prochaine de l'hôpital de statut «privé», relayée par une importante contribution développée longuement par M. le professeur Sanhadji, parue dans Le Soir d'Algérie du lundi 12 mai, a retenu toute mon attention au point que j'ai choisi d'y joindre mon point de vue à titre de contribution, portant sur le cadre juridique qui me paraît le mieux adapté à cette nature d'activité réglementée. Il semble que sa création soit l'initiative de praticiens libéraux et résidents, avec le concours de «bailleurs de fonds» appelés à assurer le financement de sa création. L'idée est louable à plus d'un titre, dès lors qu'elle tend à développer une «clientèle» à la recherche de soins de qualité et rapides, prodigués par des praticiens ayant capitalisé un crédit professionnel reconnu, éventuellement avec la coopération technique de confrères étrangers. La cohabitation de l'hôpital «privé» ne semble pas, d'après le professeur Sanhadji, incompatible avec l'hôpital «public» auquel il revendique, toutefois, la préservation du principe de l'égalité d'accès aux soins des concitoyens sur lequel l'Etat doit veiller, dans le cadre du statut qui lui sera octroyé par la prochaine loi sur la santé. Il est clair, que le fait d'initier le projet de création, à «plusieurs», avec le concours de bailleurs de fonds va devoir entraîner, pour ses promoteurs, le choix d'une forme «sociétale» organisant et définissant leurs droits dans ce cadre. Alors, quelle forme de société à proposer ? Ce cadre juridique va devoir distinguer deux types d'associés, les uns étant des professionnels de la santé, les autres ne seront que des bailleurs de fonds c'est-à-dire qui auront à assurer son financement en recevant en échange des actions émises par la société à créer. Il faut bien noter que cette interposition n'est valable que si la société à mettre en place présente comme caractéristique essentielle une «limitation de responsabilité». Il en va ainsi de la Société à responsabilité limitée (Sarl) ou de la Société par actions (SPA), l'une et l'autre, de forme commerciale, prévues et organisées par les dispositions du Code de commerce. 1- La Société à responsabilité limitée (Sarl) Elle est généralement peu appréciée des bailleurs de fonds (ou investisseurs), au moins pour deux raisons : - La procédure d'agrément, d'ordre public, instituée par le Code de commerce, en cas de cession de parts sociales à des tiers étrangers à la société, constitue un obstacle majeur à la liquidité de la participation détenue par le bailleur de fonds, qui peut souhaiter son retrait après quelques années de présence dans la société. - L'impossibilité pour elle d'exister avec plus de 20 associés et surtout d'émettre des valeurs mobilières auxquelles il est souvent nécessaire de recourir (emprunt obligataire...) durant la vie sociale. Pour ces raisons, la forme de la Société à responsabilité limitée (Sarl) est rarement retenue pour des investissements importants, car le bailleur de fonds peut estimer devoir rechercher la liquidité de sa participation. D'autres incidences de nature fiscale ou à caractère social méritent d'être relevées. 2- La Société par actions (SPA) Elle entre dans la catégorie des sociétés de capitaux, autorisée à «émettre» des valeurs mobilières prévues par le Code de commerce et à prétendre à une introduction en bourse, suivant un processus défini par la loi. En matière d'agrément, en cas de cession d'actions : Les actionnaires de la société peuvent opter pour l'instauration d'une «clause d'agrément statutaire» uniquement en cas de cession des actions, représentatives d'une participation dans le capital, à un tiers ne possédant pas la qualité d'actionnaire. Il est à noter que la clause d'agrément proposée ne peut viser la cession d'actions entre les actionnaires de la société, comme il est bon de savoir que le statut fiscal et social des dirigeants de la Société par actions (SPA) présente des caractéristiques à ne pas négliger. Quant à son capital social, il devrait être proche du montant de l'investissement préalablement arrêté par les promoteurs du projet dans le cadre d'un protocole d'accord conclu avec les bailleurs de fonds. Enfin, il convient de rappeler la nécessité de prévoir, par des clauses «extrastatutaires», une souplesse de fonctionnement tenant aux règles de la majorité, pour certains types de décisions, notamment à l'aspect «management» motivé par la qualité des actionnaires fondateurs. Pour conclure, il peut être suggéré aux promoteurs du projet le choix de la Société par actions (Spa), qui devra tenir compte de «l'action spécifique» dévolue à l'Etat en raison de la vocation de la structure hospitalière assurant une mission d'intérêt public.