Par Ahmed Halli [email protected] La famille Ben Laden se porterait plutôt bien, financièrement parlant, puisque l'entreprise saoudienne, impliquée dans tous les grands projets de construction, va édifier la nouvelle Babel. Il s'agit d'une tour haute d'un kilomètre qui est en construction à Djeddah, et qui rabattra son caquet à la tour «Khalifa» de Dubaï qui culmine à 740 mètres seulement, hors antennes. Ainsi, l'entreprise Ben Laden, fondée par le père d'Oussama, va refaire, en quelque sorte, ce que le fils a défait. Un Ben Laden a détruit les plus célèbres gratte-ciel du monde, les Twin-Towers, la famille en édifiera un autre, plus altier encore, en guise de rachat, mais ailleurs bien sûr. Il aurait été inconvenant, en effet, même pour une entreprise internationale de cette taille, de se porter candidate à Manhattan, quoique... Il est notoirement établi que la famille Ben Laden ne met pas ses œufs dans le même panier, et que la division du travail y est établie de manière stricte, aussi stricte que la répartition des dividendes. Sir Laurence étant passé par là, on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un retour à la bonne vieille tradition de l'aristocratie écossaise, pour sauvegarder son patrimoine. Et de ce côté-là, les caprices et les investissements à risques du rejeton Oussama n'ont en rien porté préjudice à la fortune familiale, qui continue de grandir, et de s'élever, dirait-on. Quand on a de tels moyens, l'ambition d'en accumuler davantage, et faute de réussir un débarquement sur la lune, on peut toujours essayer de s'en rapprocher. Au demeurant, et vu les moyens dont ils disposaient, les pauvres «Babéliens» avaient techniquement très peu de chances de monter si haut, et le châtiment divin peut sembler disproportionné au regard des «péchés» actuels. Toujours est-il que sans être physiquement présent, le défunt, ou supposé tel, Oussama va participer au nouveau défi du «peuple de Babel» : donner un coup de tête aux nuages (traduction arabe et un tantinet belliqueuse pour gratte-ciel). Au demeurant, la pratique est sans risques, puisque selon nos bons théologiens, la colère divine ne menacerait plus les constructeurs de tours, mais viserait les femmes qui s'érigent en tours. Toute femme qui ne s'habille pas selon les normes vestimentaires enseignées à la télévision est coupable de se prendre pour une tour («bordj»), et d'en afficher l'attitude hautaine («tabarodj»). Après la télévision et les mosquées, la campagne pour le hidjab s'est propagée au web et prend une tournure inattendue, voire très peu orthodoxe, avec ce nouveau mot d'ordre : «Avec le hidjab, tu es plus belle» (!!!). Ahurissant ! Depuis des décennies les imams du «cachez ce sein que je ne saurais voir» nous serinent que la femme doit passer inaperçue, recouvrir ses cheveux (partie honteuse), etc. Et les voilà qu'ils reprennent l'antienne du Tunisien Ghannouchi, moins hypocrite, qui affirmait que la femme est beaucoup plus belle et plus attirante lorsqu'elle est voilée. L'association des «Ulémas» s'est lancée à son tour dans cette surenchère, en faisant la promotion du hidjab par voie d'affichage dans les quartiers populaires et en parrainant un concours du hidjab. Sur la toile, ce ne sont qu'injonctions et messages comminatoires, du genre : «mets le hidjab volontairement et les yeux ouverts, avant que tu ne le portes, forcée et les yeux fermés» (allusion directe à la mort et au linceul). Sur Facebook, la majorité des messages invective la femme «moutabaridja», une «tour», surtout lorsqu'elle est imprenable. Ils sont signés de noms féminins, mais on devine la «patte» de ceux qui ont des scanners à la place des yeux. Et c'est sans doute pour cela que le niqab et le djilbab y sont dominants pour mieux surexciter les neurones. Quant aux hadiths, les plus récurrents sont ceux qui ont été «authentifiés» par le cheikh Al-Albani, l'un des pères spirituels du terrorisme, qui a inspiré notamment Ben Laden. Ces promoteurs de hidjabs et de tours bibliques, s'égosillent à nous convaincre qu'ils sont partisans d'un «Islam modéré». Mais ils en appellent à l'urgence de voiler la femme, et ils ont paradoxalement les mêmes références théologiques que les mercenaires du Boko Haram. Ces fanatiques qui se font un devoir de convertir leurs captives à l'Islam, avant d'en faire les objets de transactions odieuses. Nos bons penseurs n'arrêtent pas de clamer que ce n'est pas cela l'Islam, mais ils n'en continuent pas moins à être spectateurs de l'horreur, comme le public des arènes qui attend de saluer les vainqueurs. On ne s'étonnera donc pas que des grincheux se plaignent qu'il n'y ait pas de femmes voilées dans le nouveau gouvernement Sellal, et qu'une campagne bassement raciste soit menée contre la nouvelle ministre de l'Education. Ceux qui s'abreuvent à la même source... En dépit de ces influences pernicieuses, l'Algérie occupe une honorable septième place, parmi les pays arabes, en matière de droits de la femme, selon le classement établi par la fondation «Thomson Reuters». L'Algérie arrive juste après la Tunisie (sixième) et avant le Maroc (huitième) dans ce classement, alors que l'Arabie saoudite est vingtième, et devance l'Irak et l'Egypte, respectivement 20e et 21e. Si pour l'Irak, la détérioration de la situation politique et le climat de violence peuvent expliquer le statut précaire de la femme, on comprend moins la place de quinzième qu'occupe la Palestine. Jadis fer de lance du combat contre l'occupation sioniste, les Palestiniennes sont confinées aujourd'hui, notamment à Ghaza, au rôle de «Mater dolorosa», ou de figurantes pour la propagande islamiste. La dernière place dévolue à l'Egypte montre une régression plus dramatique encore par rapport aux positions antérieures conquises de haute lutte par les femmes d'Oum-Eddounia. Dans l'Egypte d'aujourd'hui, il n'est pas étrange que des prédicateurs se livrent aux pires excentricités en matière de religion. La dernière est l'œuvre de Yasser Borhami, le dirigeant salafiste, avec une fatwa pour le moins scandaleuse, mais bien de son époque. Cette fatwa autorise un mari à prendre la fuite, et à laisser son épouse se faire violer au nom de la nécessité de sauver sa propre vie. Inutile de demander à quelle source s'abreuve Yasser Borhami !