Youcef Merahi [email protected] Entre le courage et la lâcheté, il y a toujours un juste milieu. C'est ce que la vie m'a appris, souvent à mes dépens. Pour cela, j'utilise ce qui me reste de raison dans un pays, souvent, dans la déraison totale. Mon cher Azouz64, je ne voudrais vous convaincre de mon courage, même si je comprends votre déception, par le fait que je n'ai pas cité le ministre qui aurait dit des énormités à propos de Yennayer. Et ses collègues qui se réclament de la République ont-ils bougé le moindre cil de leur regard amétrope ? Amar Ghoul, puisque c'est de lui qu'il s'agit, vient de démentir ce que la presse a rapporté ; il va plus loin, il demande à ce que cette fête millénaire soit instituée fête nationale, à l'instar du premier janvier et du awal mouharram. Demande que je fais depuis, au moins, une dizaine d'années, dans le cadre de mes anciennes activités professionnelles. Parfois, je me dis qu'il est désormais inutile de se justifier s'agissant de l'amazighité en général. Actons l'événement. Fêtons le premier jour de l'an berbère. Comme le faisaient nos ancêtres. Tôt ou tard, le reste viendra. Le «jamais» n'existe pas en politique. Souvenez-vous du «jamais, jamais» de notre Président à Tizi, il y a de cela quelques années. Et alors ? Tamazight est langue nationale, même si on peut redire de sa traduction sur le terrain du vécu social. Nul n'est éternel, surtout en politique. Les élections arrivent, à point nommé, pour redonner les cartes et les échéances. Un peu moins chez nous. Ou pas du tout. Cependant, il arrivera le jour où Yennayer sera fête nationale et tamazight langue officielle. Bien sûr, il y a encore ceux qui, utilisant la langue de bois et les formules préfabriquées, veulent cacher le soleil avec un tamis. J'observe Zahia Benarous, membre du bureau politique du TAJ, le parti de Ghoul, s'engager dans une leçon d'histoire qu'elle ne semble pas maîtriser. «L'Islam nous a arabisés», aurait-elle dit. Tiens, tiens, tiens. J'ai toujours pensé que l'arabisation, avec ses travers, a commencé avec 1962, au moment où Ben Bella criait, à qui voulait l'entendre, que nous étions des Arabes. Arabisés depuis le septième siècle ? L'Algérien met du temps à s'en satisfaire. Et tamazight, Madame ? Et le français qui est langue seconde à l'école ? Laissons, vous et moi, les spécialistes dire leur mot. Puisqu'il s'agit d'un montage de la presse, encore un, je dis à Amar Ghoul «Chiche ! Allez au bout de votre logique. Faites une proposition de loi pour Yennayer et signez une circulaire, seulement une, pour cette gare qui devra s'appeler «Yennayer» ; là, je vous applaudirai. Pour le moment, je reste sceptique. Au lecteur qui m'a interpellé sur le courage, je voudrais lui proposer, à mon tour, un proverbe bien de chez nous : «Win yettrouzoun assalu, yettedu aken youfa, maci akken yebgha.» Entre le courage et la lâcheté, il y a toujours un juste milieu à trouver. A adopter. A profiler. Pour ne pas tomber dans l'excès. L'excès en tout est mauvais. C'est du moins mon opinion. Puis, pour être dans le sillage de l'histoire de notre pays, une histoire à portée de mémoire, rappelez-vous qu'en avril 80, il a été dit que des Kabyles avaient brûlé le drapeau algérien. Si, si, je m'en rappelle. Pour tuer son chien, on l'accuse de porter la rage. Depuis, de l'eau a coulé sous le pont de la Soummam, et point de drapeau brûlé. Encore moins d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Pourtant, le tribunal spécial a siégé à Médéa et a condamné des Algériens, de patriotes, aux bagnes de Berrouaghia et de Lambèse (Tazoult). L'Algérie officielle, de l'époque, avait fait son sale boulot. On a interdit à Mouloud Mammeri de parler. Voilà le crime ! Bien plus tard, en Octobre 88, les communistes algériens ont été arrêtés préventivement, avant que les émeutes n'éclatent. Rappelons-nous de ces journées de terreur et de tortures ! Azouaou est encore là pour en témoigner, il a laissé un bras. D'autres ont laissé leur vie, comme Nassim O. Est-ce le courage ou la lâcheté qui s'est exprimée, en ce temps-là ? Dans tout cela, ça a toujours été «la main de l'étranger», jamais la main algérienne, la nôtre, ya Sidi. Jusqu'à hier, seulement hier, à Ghardaïa, la main de l'étranger a encore fait des siennes, comme si nos mains sont percluses de rhumatismes. Quand le politique refuse de reconnaître ses erreurs, cela retombe toujours sur le peuple. Ou sur des éclaireurs. On nous chante sur tous les toits que le terrorisme est vaincu et qu'il y a réconciliation populaire. Personnellement, je ne vois rien de cela. A mois que je ne sois aveugle. Presbyte, je le suis. On nous chante sur tous les toits que Bouteflika en est le père. Après trois mandats, cela fait combien d'années, c'est le moins que nous puissions lui exiger. Le minimum, vraiment. Mais est-ce une raison pour déifier son action ? Et Zeroual, alors ? Et Boudiaf ? On nous chante sur tous les toits que, pour avril, nous avons le choix entre Bouteflika et personne. Haya Sidi, laissons personne gérer ce pays, et on verra, puisque nous sommes une Algérie qui revient de maintes expériences. Personnellement, je vote pour personne, puisque je n'ai pas un autre choix. Et voilà qu'en 90, les intégristes ont négocié l'occupation de places à Alger et qu'ils défilèrent comme des commandos, je les ai vus à la place du Premier-Mai. La situation était insurrectionnelle, je me trompe ? Que les porte-voix actuels me le disent ! Ceux qui lorgnent du côté des ors de la République doivent se gratter la tête. A l'époque, Ali Benhadj était devenu incontournable. Indispensable. Alors qu'il était incontrôlable. Mais les cimetières sont pleins d'indispensables. Faut-il donc que l'Algérie supporte cette malédiction ? Pour chaque époque, il lui faut un messie. Eh ben non ! Rappelez-vous de Moubarak en Egypte, malade, épuisé, jugé sur une civière ! D'El-Kadhafi, lynché sous le regard du monde entier ! Du Tunisien, Ben Ali, fuyant son pays vers une terre d'asile ! On nous chante sur tous les toits qu'on a réalisé, qu'on a fait, qu'on va faire, qu'on va...Va... Va... Et alors, Seigneur, leur faut-il des remerciements, en plus ? Bla mezzyet-koum ! C'est votre job, messieurs. Arrêtez de fanfaronner. Faites votre boulot et taisez-vous. Laissez le peuple faire vos louanges. Houhou, yechkar fi rouhou. J'ai entendu un ministre de la République dire à la radio de Tizi, hein, qui c'est ?, il s'agit de Boudiaf (ministre de la Santé) aux Tigzirtois : «Je vous fais un cadeau, je vous donne un centre d'hémodialyse. Vous me faites un choix de terrain d'ici une semaine, ou j'annule.» C'est une erreur de tact et de diplomatie. Vous ne nous faites aucun cadeau, Monsieur le ministre, vous ne faites que votre boulot pour lequel vous êtes payé. Puis, un choix de terrain dans sept jours pour un mouchoir de poche comme cette daïra du littoral, cela relève du miracle. Pourtant, vous connaissez la région, rappelez-vous. Le wali de Biskra aurait refusé l'autorisation à des associations de M'chounèche de célébrer Yennayer. Faut-il une autorisation pour ce faire ? Cela me rappelle l'histoire du référendum sur tamazight. Est-ce vrai ? Ou est-ce un montage de la presse ? Encore un, monsieur le Wali. Pourquoi demander une autorisation ? Quel est le texte, législatif ou réglementaire, qui l'exige ? Qu'on éclaire ma lanterne. Pourquoi dans telle wilaya ? Tizi-Ouzou. Oran. Tébessa. Béjaïa... Pourquoi pas à Biskra ? Zone autonome, wala wach ya Sidi ? Si ce fait s'avère exact, je prends mon courage à deux mains et crie la gravité du geste administratif. J'écrivais, la semaine dernière, que le problème identitaire n'est pas encore réglé en Algérie. Pourquoi donc chercher notre bédouinité ailleurs ? On décrète notre être, voilà le crime, a Laâliche a gma.