Par Kader Bakou Elle est vraiment étrange cette histoire de «bougnoule». Pour certains, elle est née en Europe est pour d'autres, en Afrique. Prenons la première piste. «Bounhoule» (prononcez bounioule) était un nom de famille très répandu dans l'arrière-pays de Marseille. Les citadins marseillais se sont mis à appeler «bounioule» les campagnards qu'ils voyaient «débarquer» en ville. Vers 1850, c'est devenu un adjectif pour désigner l'étranger. Vers 1920-1930, devant l'afflux d'Asiatiques à Marseille, cet adjectif sera réservé aux Asiatiques. Ne perdons pas le nord ! On dit aussi que le mot «bougnoule» aurait désigné les Allemands, par les Français. D'autres disent le contraire : ce sont les Allemands qui considéraient les Français comme des bougnoules parce que durant la Grande Guerre, il y avait beaucoup de Noirs et de Nord-Africains dans l'armée française. Et nous voilà de retour en Afrique ! «Bougnoul» (sans e) en wolof (langue du Sénégal) signifié «noir», tout simplement. Vers 1890, ce mot sera utilisé par les Français du Sénégal pour désigner les Noirs du pays. Il va grandir et désigner tous les Noirs africains, puis tout ceux qui dans les colonies n'étaient pas français. Il a pu voyager en métropole et s'appliquer aussi à des paysans, à des Bretons, bref à tout ce qui n'était pas parisien. Au XXe siècle et dans le contexte de la guerre de Libération algérienne, le terme se spécialise pour les Nord-Africains et prendra ensuite une tournure raciste et xénophobe. Jusqu'où «voyagera» le mot «bougnoule» ? K. B.