Histoire racontée par Skype et par un copain typé, qui habite à moitié à Poitiers, en France, et qui certifie l'honnête véracité de ce qui suit : hier, je suis entré dans un grand magasin. Pendant qu'il enfermait mon sac dans un autre sac pour que je ne puisse rien chaparder, le vigile, un grand black, barbe canonique blanchissante, me dit à la volée, entre deux répliques d'un dialogue qu'il menait avec un collègue de l'autre comptoir : vous faites le Ramadhan ? Je crus d'abord qu'il s'adressait à son confrère, auquel cas le vouvoiement semblait saugrenu. Quand je compris que c'était à Bibi qu'il causait, mon sang berbère ne fit qu'un tour ! Inquisition salafiste, m'insurgeai-je en mon for intérieur ! Cependant civilisé en extérieur, je répondis calmement : - Ça vous intéresse? Je lui déversai in situ l'histoire en plusieurs volumes de la laïcité, celle du respect d'autrui, lui rappelai la réserve à laquelle sa fonction l'astreignait. J'écumai en cherchant à savoir ce qu'il lui faisait supposer que j'avais quelque chose à voir avec le Ramadhan. Il me dit : «Vous êtes arabe, non ?» Ah, le faciès ou plutôt l'auto-faciès ? Mais j'aurais pu être Juif chevronné, Kabyle dé-jeûneur, Kurde agnostique, Copte en vadrouille, Maronite décalé, banlieusard paganisé ou adepte sans confession du sandwich grec... Ça peut se ressembler, tous ces gens, tu sais ! Non, dès qu'il voit qu'on n'est pas Viking, lui, il tire. «C'était juste pour vous souhaiter bon Ramadhan dans le cas où vous le feriez», ricana-t-il à la fin. L'occasion de te taire, mon ami, ne reviendra pas de sitôt ! Arris Touffan