Enseigner la lutte contre la corruption est plus que nécessaire si on veut faire des progrès, c'est même devenu une urgence. Dans nombre de pays où il existe une forte volonté politique contre ce fléau, des initiatives ont été lancées dans les milieux universitaires, les grandes écoles et les entreprises. Au niveau des Nations unies, on essaye aussi de faire bouger les choses dans ce sens. Quand l'idée d'un Pacte mondial a été lancée en janvier 1999 à l'instigation des Nations unies, ses créateurs n'avaient aucunement l'intention d'inclure la corruption dans les 9 premiers principes. Les ONG de lutte contre la corruption un peu partout dans le monde furent alors un vecteur déterminant pour rajouter un 10e et dernier principe qui porte sur la lutte contre la corruption. En effet, en signant le Pacte mondial, «les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds et les pots-de-vin». Le Pacte mondial a donc fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille. En s'associant aux PRME («Principles for Responsible Management Education»*), le Pacte mondial vise à utiliser l'enseignement comme modalité de lutte contre la corruption. Sous l'égide des Nations unies, un groupe d'experts internationaux a été constitué en 2010/2011 aussi bien dans des pays développés que des pays émergents. Pour faciliter les enseignements contre la corruption, les Nations unies élaborèrent une boîte à outils à disposition gratuite des formateurs. L'idée d'une boîte à outils On peut y découvrir différents thèmes de cours en rapport avec la corruption : les concepts de base, l'économie de la corruption, le cadre légal, les comportements frauduleux, la corruption dans l'achat et la logistique, la lutte contre la corruption... Pour chaque thème sont donnés une brève description du contenu, des objectifs pédagogiques, des questions de réflexion, des textes de lecture et d'autres supports pédagogiques. Il existe aussi une partie très intéressante sur les méthodes pédagogiques qui permettent à tout formateur de découvrir la variété des méthodes disponibles et d'avoir des exemples concrets. Le public visé est celui des formateurs qui, eux-mêmes, peuvent enseigner auprès d'étudiants adultes aussi bien dans les institutions d'enseignement supérieur que dans les entreprises. Les comportements des responsables d'entreprise ont évolué ces dernières années. Cet enseignement pourrait contribuer à renforcer la lutte contre la corruption dans le commerce transnational. Efforts de façade ? Les gouvernements, les médias, la société civile, les chercheurs ont largement fait évoluer les attitudes vis-à-vis de la corruption. La Convention de l'OCDE de 1997 et sa transposition dans différents droits nationaux permettent de dater le point de basculement entre un avant et un après. Avant, les entreprises utilisaient allégrement la corruption pour conquérir des marchés étrangers. Maintenant, le cadre légal est devenu enfin contraignant et les premières condamnations ont fait frémir le monde de l'entreprise. En 2008, les procès contre Siemens ont coûté à cette société plus d'un milliard d'euros. C'est indéniablement une affaire majeure pour la lutte contre la corruption, qui a eu pour conséquence l'évolution des mentalités dans les entreprises, enfin prêtes à lutter activement contre ce phénomène. Cependant la vigilance doit être importante car certaines entreprises ne font que des efforts de façade pour être en conformité avec le droit afin de limiter les peines éventuelles futures. Les modalités de lutte contre la corruption sont multiples mais la formation des employés, cadres ou dirigeants est particulièrement efficace pour inciter les individus à avoir des pratiques vertueuses dans les affaires. Cette moralisation de l'entreprise passe par une compréhension des phénomènes de corruption, par une mise en évidence des raisons qui poussent les individus et les organisations à de telles pratiques, par l'analyse des conséquences de ce type de fraude, par des études de cas et, enfin, par la description des manières d'y répondre, tant au niveau individuel qu'organisationnel. D. H. * Le PRME est un consortium de plus de 500 institutions de l'enseignement supérieur dont l'objectif est de contribuer, de manière collective, à des enseignements et des travaux de recherche sur le management, responsable au regard de 6 principes qui s'inspirent de standards internationaux tels que les 10 principes du Pacte mondial.
Convention des Nations Unies contre la corruption Un besoin urgent de progrès La Convention des Nations unies contre la corruption (Uncac) a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 2003. A ce jour, 168 Etats sur les 193 membres de l'ONU ont ratifié la convention. Exceptions notables, l'Allemagne et le Japon, membres du G20, ne l'ont pas fait, de même que la République tchèque et la Nouvelle-Zélande. Depuis 2003, la société civile, partout dans le monde, n'a cessé de militer pour que soit mis en place un mécanisme de suivi par les pairs effectif, transparent et global afin de garantir l'application de l'Uncac. En 2009, un système d'examen périodique a enfin été mis en place, le premier de ce type pour une convention des Nations unies. Ces examens se déroulent en trois étapes : une auto-évaluation conduite par les autorités du pays soumis à examen, une appréciation de cette auto-évaluation par des experts de deux pays tiers qui peuvent procéder à des contrôles sur place et, enfin, un rapport final rédigé par ces experts, en liaison avec les autorités du pays concerné. L'objectif est de mener des examens dans 30 à 40 pays chaque année. En novembre 2013, à l'occasion du rassemblement des 168 pays signataires de la convention à Panama, des ONG anti-corruption ont présenté leur propre rapport sur l'application de la convention dans lequel ont été analysés 60 des 69 rapports-pays produits à ce jour, dont celui de l'Algérie. Principale conclusion, le processus de suivi par les pairs n'est pas assez contraignant. En cause, un manque de suivi effectif et de procédures formalisées de révision. Pour ces ONG, les efforts déployés et les ressources mises en œuvre risquent dès lors de l'être en pure perte. Inclure la société civile dans les processus de révision Par ailleurs, dans la majorité des pays, le processus manque de transparence : dans 60% des cas, les autorités n'en font aucune publicité. La plupart des gouvernements — dont l'Exécutif algérien —, n'ont pas rendu publics les résultats de leur auto-évaluation, ni n'ont accepté de mettre en ligne les rapports complets. Au 31 décembre 2013, seuls 26 auto-évaluations et 20 rapports complets ont été publiés. L'absence de transparence s'accompagne également du refus d'inclure la société civile dans les processus de révision. Ainsi, les ONG ne sont admises ni aux réunions du groupe d'examen de l'application, chargé de superviser le processus, ni à celles des groupes de travail intergouvernementaux sur la prévention et le recouvrement des avoirs. En conclusion de leur rapport, les ONG ont donc appelé au renforcement du processus de révision, notamment en faisant participer des partenaires extérieurs, afin de permettre d'atteindre enfin les objectifs de l'Uncac. Elles n'ont toujours pas été entendues.