Adel est un jeune dynamique et sportif qui, contrairement à ses amis de 23 ans, travaille tous les jours même durant ce Ramadhan. Il se lève tôt et rejoint son poste de travail comme magasinier dans une entreprise de distribution de produits pharmaceutiques. Les journées se terminent ainsi à seize heures et Adel ne se laisse nullement terrasser ni par la faim ni par la fatigue. En revanche, sa grande faiblesse est la soif car durant les journées de jeûne, le jeune homme n'a qu'une seule obsession : avaler une boisson glacée, dont il emplirait son gosier sitôt l'appel du muezzin entendu. Et à seule fin d'apaiser cette envie folle de se désaltérer, à sa sortie du boulot, Adel écume les magasins en quête de la boisson qui sera dégustée ce jour-là. Deux litres de soda au cola, un pack de jus de fruits, un fardeau d'eau gazeuse et parfois un litre ou deux de citronnade cherbet sont le lot quotidien de ce jeune homme qui s'empresse de mettre tout cela au congélateur. Car pour apprécier ces breuvages, Adel exige une température proche du zéro ; les liquides commençant à se cristalliser et forment, pour les connaisseurs comme Adel, le summum de la saveur d'une boisson gazeuse ou plate, qu'elle soit sucrée, édulcorée ou juste nature. Ce jour-là, comme à l'accoutumée depuis le début du mois de Ramadhan, aux alentours de dix-sept heures, Adel a mis toute une panoplie de boissons ainsi qu'une bouteille de petit-lait au congélateur afin qu'elles atteignent, à l'heure de la rupture du jeûne, la température parfaite. Il a également pris la peine de mettre quelques raisins et deux pêches à côté de ses bouteilles pour que tout soit prêt aux fins de désaltérer sa bouche asséchée. Il est 20h08, la table est dressée, les dattes et le lait servis et Adel commence à déballer ses provisions ; il sort la grande bouteille de soda et les fruits qu'il pose délicatement sur la table, il choisit un grain de raisin bien charnu qui a l'air, à ses yeux, tout droit sorti du Paradis, il se sert un grand verre de limonade car il ne reste qu'une seule minute avant l'appel à la prière. Deux secondes s'écoulent, la télé diffuse son habituelle lecture du Coran qui précède l'Adhan. Adel, sûr de lui, prend le grain de raisin et le croque savoureusement puis entame le soda glacé, au même moment, toute la famille, occupée à attendre la rupture du jeûne le regarde, ébahie, sa sœur rigole et son père le fustige du regard car Adel a mangé avant l'appel du muezzin. A cause de son impatience il avait confondu la lecture du Coran avec l'adhan.