Huit présidents-directeurs généraux se sont succédé à la tête du groupe Sonatrach depuis 1999. En quinze ans, la gouvernance Bouteflika a imposé une certaine instabilité au management de la compagnie pétrolière qui a perdu progressivement de son autonomie. Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) Créée fin 1963, la Société nationale de transport et de la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) a été dirigée depuis par plusieurs directeurs généraux ou présidents-directeurs généraux. Certes, la direction générale de Sonatrach a été assez stable entre 1964 et 1979, soit durant la gouvernance des défunts présidents Ahmed Ben Bella et Houari Boumediène. En effet, la compagnie a été dirigée par Belaid Abdesselem entre 1964 et 1966 et par Sid-Ahmed Ghozali entre 1966 et 1979 qui lui ont impulsé une forte dynamique de développement, stimulée par la nationalisation des hydrocarbures. Par la suite, plusieurs managers, généralement issus du secteur énergétique et certains ayant même exercé des activités ministérielles, se sont succédé à la tête de la société pétrolière durant la décade 1980, soit sous la présidence du défunt Chadli Bendjedid. Et ce, dans le contexte notable de fluctuation des prix du pétrole, la mise en œuvre d'un programme de restructuration de la compagnie pétrolière et le développement progressif du partenariat à l'international. Une option couplée à la stimulation de la production que les managers successifs de Sonatrach durant la décade 1990, notamment Abdelhak Bouhafs de 1989 à 1995 et Nazim Zouiouèche de 1995 à 1997, ont bien poursuivie, nonobstant le contexte sécuritaire, politique et social prévalant alors. Œuvrant selon une vision, ces managers ont lancé diverses actions plus ou moins abouties en matière de modernisation, développement des ressources humaines et formation. Mais c'est durant les années 2000, soit durant les trois premiers mandats du président Abdelaziz Bouteflika, que le management de Sonatrach a été assez instable. Lors de l'élection en avril 1999 du chef de l'Etat, Sonatrach était dirigée depuis déjà deux ans par un ingénieur Abdelmadjid Attar. Engagé dans une dynamique de développement à l'international et de réorganisation de la holding Sonatrach, Abdelmadjid Attar continuera d'exercer, assez difficilement, ses fonctions jusqu'à la fin 2000 pour être remplacé par Abdelhak Bouhafs. Aux commandes de la société jusqu'en février 2001, Abdelhak Bouhafs a tenté d'insuffler un nouveau rythme en termes de modernisation et relance stratégique de Sonatrach, avec une efficacité toutefois moindre et une action davantage réactive, défensive. En effet, cette impulsion a été contrariée par la suite, avec l'arrivée en tant qu'intérimaire à la tête de l'entreprise de Chakib Khelil, alors ministre de l'Energie et des Mines depuis la fin 1999. Cumulant deux fonctions, Chakib Khelil engagera une intense politique de restructuration sectorielle, de libéralisation et d'ouverture à l'international, dans le contexte de la révision attendue de la loi des hydrocarbures, et une politique que d'aucuns qualifieront de destructrice, dangereuse pour la préservation des intérêts de la compagnie. A la tête de Sonatrach, Chakib Khelil cédera en mai 2003 ses fonctions au défunt Djamel-Eddine Khène qui, malade, n'a pu exercer son management et concrétiser ses engagements que pendant deux mois, dans la mesure où il est décédé en juillet 2003. Et c'est Mohamed Meziane qui exercera le rôle de P-dg de Sonatrach dès septembre 2003 jusqu'en janvier 2010, une période où la compagnie pétrolière a poursuivi la stratégie d'intensification de la production, de libéralisation sectorielle à la faveur des amendements de la loi des hydrocarbures. Mais une période également marquée par de multiples affaires de corruption et de malversation impliquant d'une certaine manière le staff dirigeant de la compagnie et même le ministre de tutelle, et qui ont provoqué début 2010 la démission de Mohamed Meziane et la mise en place d'une direction intérimaire pendant cinq mois, assurée par le vice-président Aval, Abdelhafidh Feghouli mais sans influence réelle sur l'activité de l'entreprise. Dès mai 2010, Sonatrach est confiée à un nouveau P-dg, Noureddine Cherouati, à la personnalité velléitaire mais qui tentera vaille que vaille de gérer les répercussions de ces affaires et de relancer la compagnie, dans un contexte pétrolier fluctuant et une productivité domestique assez tendue, voire déclinante. Toutefois, Noureddine Cherouati n'exercera ses fonctions que jusqu'à la fin 2011, limogé et remplacé depuis par Abdelhamid Zerguine qui s'efforçait encore de relancer la production pétrolière domestique, gérer l'impact des perturbations du marché gazier mondial et insuffler un souffle autre à l'entreprise. Ainsi, ce sont huit présidents-directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de Sonatrach durant ces quinze dernières années. Au-delà de leurs compétences intrinsèques et de leurs mérites, des managers dont la marge de manoeuvre s'est avérée toutefois étroite. Dans la mesure où les orientations et options énergétiques sont fixées par le ministre de tutelle, les managers de Sonatrach n'ont pas toujours eu une capacité d'action évidente. Si certains managers ont pu exercer leurs fonctions de manière quelque peu autonome durant la décade 1999, il n'en sera pas le cas pour leurs successeurs, confrontés tant aux velléités du chef de l'Etat qu'à celles du ministre de l'Energie, nonobstant les différences entre Chakib Khelil et l'actuel titulaire du poste, Youcef Yousfi. Ainsi, la gouvernance Bouteflika a imposé une certaine instabilité au management de la compagnie pétrolière qui perdra progressivement son autonomie. Un management soumis à un manque d'orthodoxie et de conformité aux us internationaux en matière de mode de désignation, éviction des responsables et transmission de fonction, voire aux velléités et humeurs des ministres de tutelle. Ce qui constitue de fait une source de traumatisme pour la compagnie pétrolière.