Voilà neuf ans, El Hachemi, que tu es parti. C'était par une funeste journée caniculaire du 2 août 2005 ! Depuis, la planète a sensiblement changé. Peut-être, plus profondément que son écorce. Mais qui peut nous dire aujourd'hui où l'on est et dans quel sens l'on va. L'avenir est incertain et volatil. A vrai dire, sans toi nous sommes souvent saisis par le désespoir. Il est difficile de se résigner au statu quo et d'accepter l'immobilisme. Nous ne sommes pourtant pas, tu le sais, de nature pessimiste et nous ne vivons pas les évènements les bras ballants. Nous nous sentons toutefois dépassés par un monde pris de fortes convulsions et le décrypter devient de plus en plus ardu. L'on perçoit cependant que le monde a perdu le sens de l'humain et qu'il glisse inexorablement vers une situation explosive. En un mot, la terre vacille. C'est une planète où s'est évanouie l'idée de l'Homme et s'est perdu le sens des principes. Pour te résumer les choses, en voici quelques faits saillants. La finance internationale plus que jamais dicte sa loi d'airain aux Etats et les banques, bien que responsables de la crise actuelle, saignent les peuples et écrasent de leur arrogance tout espoir de justice. La planète est un champ de bataille où a triomphé la barbarie et s'expérimentent les projets les plus déments. Des Etats-nations sont aujourd'hui champ de ruines. La Somalie a disparu, le Soudan est sectionné en deux, la Libye a éclaté en lambeaux, aux portes de Damas et de Baghdad l'internationale islamiste armée menace de destruction l'Irak et la Syrie en tentant de leur porter la dernière estocade et d'y recréer le califat. Voilà comment les acquis de plus de cinquante ans de luttes du mouvement de Libération nationale arabe ont été dilapidés par des régimes totalitaires qui de tout temps ont broyé leurs peuples dans la misère et l'ignorance et n'ont jamais œuvré à la construction d'Etats démocratiques. L'équation palestinienne n'a jamais été aussi complexe. L'unité et le contenu démocratique de la résistance palestinienne ont été laminés par un mouvement islamiste subtilement épaulé par un Etat colonial, Israël, et généreusement financé par les Frères musulmans. Le courant démocratique étranglé et trahi, le conflit met en avant la plus belle créature d'Israël, Hamas qui se présente au reste du monde comme une victime en envoyant la population de Ghaza, et plus particulièrement femmes et enfants, à l'abattoir. Plus qu'une terre spoliée, le combat de la Palestine est usurpé, ses symboles sont confisqués et dans le fracas des bombes on n'entend plus que les gémissements d'une population, otage d'un mouvement fasciste dont le seul objectif est d'ensevelir la Palestine entière dans le linceul de la bannière noire du salafisme. Les frontières sahariennes brûlent et leur feu risque d'embraser le continent africain. Les Etats-Unis et l'Europe n'ont qu'un seul but : redessiner en leur faveur la carte du globe pour avoir toujours la main sur ses richesses et garantir la paix à Israël, un Etat oppresseur qui tue dans le silence, piétine les résolutions internationales et bafoue les droits des Palestiniens depuis plus d'un demi-siècle. Dans ce contexte, l'Algérie survit dans sa fragilité et ses doutes. Le terrorisme «résiduel» continue de frapper comme vient de le montrer l'attentat qui a coûté la vie à trois soldats et quatre gardes communaux dans la commune de Sidi Chaïb, à Sidi-Bel-Abbès. La bombe à retardement du M'zab risque d'être le détonateur d'une déflagration généralisée si les pouvoirs publics n'y accordent pas l'attention méritée. Ce n'est pas en abreuvant la scène politique de discours lénifiants que l'on mettra fin aux flambées de violence et que l'on construira la paix civile dans la vallée du M'zab. N'étaient-ce les clameurs du stade et la brillantissime prestation de l'équipe nationale de football, les jours auraient coulé comme d'habitude dans la monotonie la plus morne. Toi qui aimes le sport, El Hachemi, tu aurais été en pleine communion avec ton peuple. Notre cœur a vibré pour une étincelante équipe algérienne dans le feu d'artifice d'un mondial qui l'a portée aux nues. Epoustouflante de classe, elle a su tutoyer les plus grandes nations de football ! Le football, cette brèche par laquelle a respiré tout un peuple, cette bulle d'oxygène à laquelle eut droit toute une jeunesse, vient de redonner des couleurs à un pays déserté par la fête et des honneurs à un peuple humilié par des monarques désignés à vie et méprisants. Aucun kamis, aucune barbe, aucun foulard dans cette foule en délire qui remerciait ses héros pour ces rares moments de faste et la dignité enfin retrouvée. L'espace d'un instant, l'Algérie avait renoué avec la joie de vivre et retrouvé le rêve. Nous nous étions crus, El Hachemi, dans la liesse historique de 62 ! Mais, vois-tu El Hachemi, dans tout bonheur se niche une part de douleur. Un succès, fût-il grandiose, ne peut pas occulter indéfiniment l'état réel d'un pays. Il ne fait que le masquer un moment. Il ne l'efface pas. Le pouvoir vient de recevoir les assassins notoires du FIS et les commanditaires de la décennie noire pour prendre note de... leur avis sur le prochain projet de Constitution !? Le FFS a jeté bas son âme pour ouvrir ses bras à un pouvoir qui vient de se discréditer complètement dans les dernières élections présidentielles. Pourtant, la vie a amplement montré que le système algérien a débordé de sa date de péremption et qu'il s'agit aujourd'hui de le dépasser pour construire la nouvelle République. Comble de l'ignominie, le RCD fait sa lune de miel avec les islamistes et organise un Sant'Egidio bis à Alger dans le déni de l'Histoire et au mépris des dizaines de milliers de victimes du terrorisme islamiste. L'expérience nous a pourtant enseigné dans le sang et au plus vif de la chair que l'essence de l'islamisme est la violence et qu'il porte dans son ADN les germes de futurs désastres. Jusqu'à quand, ces partis démocrates vont-ils frayer dans les eaux fangeuses du système et de l'islamisme politique ? Au lieu de nous enfoncer dans la récession et la régression, nous aurions pu prendre notre essor. Les pays émergents l'ont démontré. Le sous-développement n'est pas une fatalité. Il est possible de venir à bout de ces plaies que sont la corruption généralisée, le chômage, l'exode de la matière grise ou la harga. Au lieu de sceller l'unité au sein de la nation, le pouvoir, par pur calcul électoraliste, a favorisé l'émergence du tribalisme, du régionalisme, divisé la nation en clans rivaux et ouvert la voie à la guerre des religions et des ethnies comme cela se passe aujourd'hui au M'zab, où narcotrafiquants et islamistes, dans une alliance trouble, sèment le désordre et la mort. Quand aucune autorité, aucune institution, aucune personnalité officielle ne peut se prévaloir d'une réelle crédibilité, quand l'Etat est absent, la loi du plus fort s'installe et le pays entier ne peut que basculer vers la violence meurtrière, la tyrannie et le chaos. L'objectif central, El Hachemi, que tu avais assigné au pays est toujours d'actualité : mettre en place une transition républicaine et démocratique pour concrétiser l'avènement de la seconde République. Une lueur d'espoir a fait jour ces dernières semaines. Une dynamique de rassemblement s'est dessinée au sein de la mouvance démocratique. L'un des instruments de sa réalisation est en train de prendre forme. Elle a débouché sur la création du Forum des citoyens pour la deuxième République (FCDR), lequel accueille des courants démocratiques d'horizons divers. Ce cadre rassembleur, dans lequel le dialogue et l'échange ont déjà pris place, se voudrait avant tout le lieu de ralliement sans aucune exclusive de tous les courants d'opinion qui traversent l'ensemble des démocrates. Une première pierre a été posée à l'édifice du grand rassemblement qui reste à bâtir et à consolider. La convergence des démocrates n'en est qu'à ses premiers balbutiements mais par toi, El Hachemi, nous avons appris que la construction du front républicain et démocratique est une œuvre de longue haleine. Celle-ci exigera de nous de la pugnacité et de l'opiniâtreté. La lucidité doit être aussi de rigueur pour ne laisser passer aucune chance de faire et de parfaire le rassemblement des démocrates. El Hachemi ! Sois confiant ! En dépit de tous les obstacles, nous te faisons le serment de poursuivre ton combat et de hisser haut l'emblème de tes rêves. Le PLD et tes ami(e)s te rendront un vibrant hommage là où tu reposes à jamais dans le cimetière de Miramar (Bologhine), le samedi 2 août 2014 à 11 heures.