Par Hassane Zerrouky On a tout dit ou presque sur ce drame. Mais l'emballement médiatique qu'il a provoqué mérite qu'on s'y arrête de nouveau. Pour aller vite, je ne sais pas si les responsables sportifs et surtout les responsables politiques ont conscience des dégâts causés par la mort d'Albert Ebossé en Afrique et dans le monde. Je me demande s'ils ont conscience que dans le monde d'aujourd'hui, on ne peut plus rien cacher. Il suffit pour s'en convaincre de taper le nom du joueur sur internet pour mesurer l'ampleur du tort causé à l'image du football algérien et, partant, à l'Algérie. Ce crime, car c'en est un, et il ne faut pas continuer à se voiler la face, a effacé le prestige acquis par le football algérien lors de la dernière Coupe du monde. Après les présidents de la Confédération africaine de football (CAF) et de la Fédération camerounaise, la FIFA a également réagi. Même si ces responsables du football au niveau continental et international ont réagi en des termes mesurés, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un mauvais point pour l'Algérie. Déjà, la Fédération malienne de football a demandé la délocalisation du match Algérie-Mali. D'autres équipes africaines vont sans doute faire de même. Ce qui est certain, c'est que les autorités sportives et, surtout, politiques, sont attendues au tournant. La responsabilité des autorités politiques et sportives est d'autant plus grande que le décès d'Albert Ebossé n'est que le résultat logique d'un laisser-aller et d'une indulgence coupable envers les vrais fauteurs de troubles. Car la violence qui gangrène le football algérien ne date pas d'hier. Jets de projectiles et de fumigènes, joueurs agressés, voire poignardés (Lafaoui et Badji), mort de supporters comme à Blida et au stade du 5-Juillet, envahissements de terrain, insultes et invectives racistes, bus caillassés, hymnes nationaux des équipes nationales venant jouer en Algérie sifflés, se répétant depuis des années, se sont banalisés au fil des ans, acquérant une sorte de normalité. A quoi s'ajoute le comportement voyou de certains acteurs du football, relayés et amplifiés par des articles de presse complaisants. Ces faits de violence sont connus. Mais rien qui soit assez dissuasif sur la durée n'a été fait pour au moins l'endiguer et la contenir dans des limites générables. Les raisons sont multiples mais il y en a au moins deux qui méritent d'être relevées : l'argent qui pourrit et gangrène le monde du football, et l'instrumentalisation de ce sport à des fins politiques qui a pris de l'ampleur durant la dernière décennie. A chaque échéance électorale, clubs, joueurs et dirigeants sont convoqués pour soutenir le pouvoir politique. Certains dirigeants de club ont même utilisé leur proximité supposée ou réelle avec le pouvoir politique pour s'assurer une sorte de statut leur conférant une impunité quand des dérapages se produisent. On a vu un dirigeant du Mouloudia, dont les propos ont été relayés et amplifiés par un journal sportif, expliquer que la suspension prononcée à son encontre par la FAF sera levée dès le retour du Président Bouteflika de l'hôpital du Val-de- Grâce ! Et maintenant ? Certes, des mesures ont été annoncées, comme la suspension du championnat jusqu'à nouvel ordre. Une enquête est en cours. Mais, il n'en reste pas moins que le mal est profond : cette violence, signe manifeste d'une non-gestion politique de la sécurité dans les stades, est symptomatique d'une violence sociale qui s'est installée et structurée dans le pays depuis la fin des années 80, violence aggravée de surcroît par l'absence de politiques de développement génératrices d'emplois durables et d'un mieux-être social. Pour l'heure, quelles que soient les sanctions et les mesures qui seront prises, la solution à cette violence ne peut venir que de la société algérienne. La population de Tizi Ouzou, qui a réagi face à ce drame, a montré la voie. Les supporters et habitants des autres villes du pays feront certainement de même.