Corruption, évasion fiscale, blanchiment d'argent, détournement de fonds, etc. : chaque année, dénonce l'ONG One, ce sont au moins 1 000 milliards de dollars qui échappent aux pays pauvres ou émergents. Les pays du Sud sont victimes d'un «casse du siècle» au coût très élevé. Une poignée de mesures permettrait d'engranger jusqu'à 64 milliards de rentrées fiscales Le rapport de One, rendu public début septembre, expose le véritable coût humain de ce scandale et explique comment il pourrait être enrayé. La mise en place de politiques spécifiques, visant à accroître la transparence et à lutter contre la corruption dans trois domaines clés – le secret financier, les transactions liées aux ressources naturelles et le blanchiment d'argent — pourrait réduire considérablement ces pertes financières massives. À la clé, de nombreux avantages pour les pays en développement, parmi lesquels l'accroissement des investissements directs étrangers (IDE) et une hausse du produit intérieur brut (PIB) allant jusqu'à 0,6% par an. Là où la corruption prospère, elle freine les investissements privés, réduit la croissance économique, accroît le coût des transactions commerciales et risque d'engendrer une instabilité politique. Dans les pays en développement, la corruption tue. Lorsque des gouvernements sont privés de leurs revenus qui auraient pu être investis dans les soins de santé, la sécurité alimentaire ou les infrastructures essentielles, des vies sont perdues et ce sont les enfants qui en payent le plus lourd tribut. One estime que pas moins de 3,6 millions de décès pourraient être évités chaque année dans les pays les plus pauvres du monde si des mesures étaient prises pour mettre fin au secret qui permet à la corruption et à la criminalité de prospérer. Les revenus récupérés pourraient ensuite être investis dans les systèmes de santé. La nécessité de changements politiques et réglementaires Le problème vient principalement des personnes corrompues vivant dans des pays industrialisés et en développement. De mauvaises politiques peuvent toutefois également faciliter la corruption. Pour One, l'estimation de ces chiffres du «casse du siècle» est «conservatrice». Le rapport le reconnaît pourtant : c'est une estimation indicative — et non définitive — de l'ampleur de la corruption et de ses impacts. «Vu les défis inhérents à la quantification de la corruption, les résultats présentés dans cette étude s'appuient sur un grand nombre d'hypothèses (ampleur des flux financiers illicites, blanchiment d'argent, corruption, décisions d'investissement...) dont la validité doit encore être testée.» L'estimation de One tente de croiser diverses méthodologies. Comme celle du think tank Global Financial Integrity qui, en 2011, évaluait à 947 milliards de dollars de capitaux perdus pour les pays en développement. Ou encore celle du FMI à partir desquelles One évalue que le blanchiment d'argent lié aux pays du Sud pourrait s'élever à 1853 milliards en 2014. Des préconisations ? De la transparence, à l'instar d'autres réseaux en pointe, tel que Tax Justice Network qui chiffre, lui, à 32 000 milliards de dollars le montant des sommes abritées dans les paradis fiscaux. D'abord, lever le voile sur les sociétés-écrans en rendant publiques les infos sur les propriétaires réels des sociétés ou des trusts. Ensuite, instaurer un partage automatique des données fiscales. Enfin, introduire une législation pour que les gouvernements publient le montant des contrats d'extraction de leurs ressources naturelles — un combat initié voilà douze ans par la coalition internationale d'ONG Publish What You Pay (Publiez ce que vous payez — et qu'ils informent les citoyens en généralisant «l'open data» (*). A la clé, de nombreux avantages pour les pays en développement, parmi lesquels l'accroissement des investissements directs étrangers (IDE) et une hausse du produit intérieur brut (PIB) allant jusqu'à 0,6% par an. Des changements politiques et réglementaires peuvent toutefois changer la donne. Les dirigeants du G20, qui se réuniront en novembre à Brisbane, en Australie, peuvent aider à mettre fin au scandale à mille milliards de dollars. One les appelle à agir. LSC (*) «L'open data» : l'ouverture des données (en anglais «open data») représente à la fois un mouvement, une philosophie d'accès à l'information et une pratique de publication de données librement accessibles et exploitables. Elle s'inscrit dans une tendance qui considère l'information publique comme un bien commun dont la diffusion est d'intérêt public et général