Le chantre de la chanson sétifienne, Abdelkrim Belkheir, communément appelé Samir Staïfi, est décédé avant-hier dans la soirée des suites d'un cancer du pancréas, au Centre hospitalo-universitaire Saâdna-Mohamed-Abdenour de Sétif où il était hospitalisé depuis plusieurs semaines au service de médecine interne. Le défunt était âgé de 66 ans. Samir Belkheir est l'un des plus célèbres chantres du genre sraoui qui a, en fait, inspiré la plupart de ses chansons depuis le début de son parcours, il y a plus d'une quarantaine d'années. Plus connu sous le pseudonyme de Samir Staïfi, il était sans doute le chanteur sétifien le plus en vogue. C'est en 1979 que le nom de Samir Staïfi a été propulsé au-devant de la scène. «Mon regretté père avait un magasin de disques et d'électroménager. A temps perdu, j'y allais donc pour écouter de la musique et des chanteurs de renom de ce temps-là ; et c'est comme cela que la chanson m'a collé à la peau et, depuis, alors que je n'avais que 12 ans, je ne m'en suis plus séparé», nous a-t-il confessé un jour. C'est par l'interprétation de sa première chanson «El Aâzba Staïfia», qui deviendra très célèbre, que la carrière de Samir sera complètement lancée. Pour ce vieux routier de la chanson sétifienne qui croisa un jour le regretté Mohamed Benchaïb, un enfant de la ville, et qui déjà chantait l'amour de sa ville avec une merveilleuse interprétation, «Ya Stif El-Ali», les choses n'en restèrent pas là, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives à Samir qui se mit, du coup, à fouiner dans les profondeurs d'un patrimoine qu'il adoptera, chantera et tentera sans cesse de préserver. Samir Staïfi se mit alors à aller vers toutes les fêtes sétifiennes pour écouter attentivement ces sublimes voix de femmes qui débitaient, à gorge déployée, le merveilleux message du sraoui pour exprimer le message de l'amour, celui de la souffrance, mille et une paroles qui faisaient exploser les poitrines. Né peut-être d'un cri, le chant sraoui a véhiculé, précisément, le cri de douleur des femmes de cette région, à la fin des années trente, lorsque leurs enfants leur furent brutalement arrachés par l'armée coloniale pour être conscrits de force. «El machina el kahla» ou «le train noir», ce lugubre convoi où l'on entassait la chair à canon algérienne, en est une illustration. Interprété également, à gorge déployée, lors des fêtes familiales, ce chant puissant qui ne s'accommodait, à l'origine, d'aucun instrument musical, repose sur la puissance de la voix et la force du souffle de son interprète. Samir Staïfi est devenu, de par le nombre impressionnant de «tubes» qu'il a enregistrés, une véritable icône de la chanson sétifienne. C'est qu'il est aujourd'hui difficile d'évoquer le sraoui et le genre «staïfi» sans faire référence à cet artiste qui a su s'imposer, à l'expert comme au profane, comme un authentique ténor dont la voix aux trémolos chevrotants tire sa vigueur de ce chant dont les complaintes ont longtemps fait écho aux gémissements du vent sur les hautes plaines. Avec plus de trois cents chansons interprétées, il est de loin l'artiste le plus prolifique du côté des Hauts-Plateaux. Beaucoup de ses couplets figurent parmi les plus fredonnés dans tout le pays : «Khali ya khali», «Kahlouchi», Khatem sobeï», «Harat Zemmour el âalia», «Moul echache», «Ouaynek ya Aïn El Fouara» ou «Meddi yadek lel'henna» et bien d'autres. Des amis et artistes, compagnons de route du chanteur Samir Staïfi, saluent «l'artiste exceptionnel» à la carrière pleine, marquée par son engagement envers la chanson sétifienne. Bekakchi Khier, autre icône de la chanson sétifienne, a fait part de sa tristesse et rappelé les «qualités exceptionnelles» du défunt, «un des plus célèbres chanteurs sétifiens». Samir Staïfi a été enterré hier mercredi au cimetière de Sid-El-Khier.