La lutte antiterroriste connaît un regain d'intensité depuis l'enlèvement et l'exécution sauvage du ressortissant français Hervé Gourdel par un groupe terroriste ayant prêté allégeance à l'organisation de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Accompagnées d'une médiatisation adéquate, les opérations militaires menées ces derniers jours et celles toujours en cours témoignent d'un front intérieur encore loin d'être totalement sécurisé. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) En Kabylie, dans le massif imposant et escarpé du Djurdjura, lieu du rapt du randonneur français, l'armée s'est déployée en masse. On évoque une mobilisation de 1 500 soldats pour mener la traque à la cellule locale de l'EIIL, dirigée par le sinistre Abdelmalek Gouri. La progression des hommes en vert engagés dans cette traque s'est soldée, pour l'instant, par la découverte d'un campement terroriste. Un campement qui aurait été évacué à la hâte par Abdelmalek Gouri et ses acolytes, en témoignent les objets retrouvés sur place. En même temps que cette grande offensive militaire dans le massif du Djurdjura, d'autres opérations sont menées par l'ANP un peu partout dans ce périmètre géographique qui regroupe les trois wilayas du Centre, Tizi-Ouzou, Bouira et Boumerdès. La plus spectaculaire de ces opérations est celle qui a permis l'élimination de 8 terroristes au total à Lakhdaria, dans la wilaya de Bouira. L'opération est toujours en cours. Autant que le ratissage qui a lieu dans le massif du Djurdjura, l'opération antiterroriste de Lakhdaria est largement médiatisée. Une médiatisation qui fait ressentir une réorientation de l'effort militaire antiterroriste vers le front intérieur que le discours autour de la réconciliation nationale présentait comme grandement sécurisé, voire totalement apaisé. La promotion de la réconciliation nationale et le leitmotiv de «la paix revenue» ne pouvaient s'accommoder du feu des canonnières sans souffrir la contradiction. Dès lors que le discours officiel devait vanter la réussite de l'option réconciliatrice, imaginée dès 1999 comme substitut au tout sécuritaire, l'engagement militaire sur le terrain devait apparaître considérablement réduit. Cet état de fait a presque réussi à créer l'illusion de maquis grandement dégarni. En même temps que cette illusion, la dégradation de la situation aux frontières, suite aux guerres que connurent le Mali et la Libye et le basculement de la Tunisie dans l'insécurité, fournit suffisamment de contenus pour alimenter la rubrique sécurité. L'urgence apparaissait, en effet, dans la sécurisation diligente des frontières. Et pour ces digues sécuritaires sur les larges bandeaux des frontières, il était nécessaire de mobiliser un surcroît de soldats, d'autant que ce qui y est appréhendé est plus important que celui que présentaient les poches terroristes restant encore dans les maquis intérieurs. Or, la réconciliation nationale, plutôt que de prémunir contre la résurgence de la menace terroriste, n'a fait que baisser la vigilance générale, laquelle s'est accompagnée du rétrécissement du renseignement. Conséquences : des maquis terroristes se sont régénérés à l'ombre de la réconciliation nationale et des diverses amnisties qu'elle a générées. L'on découvre avec Jund Al Khalifah la cellule locale de l'EIIL, que des terroristes amnistiés dans le cadre de la réconciliation nationale ont repris le maquis en compagnie de nouvelles recrues. Le chef de Jund Al Khalifah, Abdelmalek Gouri, a fait partie des terroristes qui ont repris le maquis après avoir bénéficié de la clémence. Natif de Si-Mustapha, il a repris les armes immédiatement après sa sortie de prison en 2000, après avoir purgé une peine de 3 ans pour activités terroristes.