Débat à sens unique, hier lundi, au forum du quotidien El Moudjahid où les pourfendeurs de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC évoluaient sur du velours en l'absence d'avis contraire. M. Kebci - Alger (Le Soir) Autant parler d'un monologue, même si celui-ci a été l'oeuvre de trois intervenants qui ont, certes, avancé leurs arguments, mais n'ont pas été au bout de leur logique car «dérapant» sur le plan politique qu'ils redoutent vraisemblablement. Car le conseiller du SG de la Centrale syndicale aux affaires économiques, par exemple, interpellé sur le fait que ce soit le président de la République qui ait invité le gouvernement à «accélérer les procédures d'adhésion du pays à l'OMC», a tout simplement botté en touche, faisant ainsi l'économie d'un avis visiblement pas très opportun à émettre. Ceci, même si Mohamed-Lakhdar Badreddine se dit «convaincu» que le président de la République, auquel le dernier mot reviendra comme le ministre du Commerce le soutenait il n'y a pas longtemps, «ne prendra pas de décision qui aille à l'encontre de l'intérêt national». Accusant ceux qui défendent cette adhésion de «manquer d'arguments», allant jusqu'à parler de «certains membres du gouvernement» qui insistent sur cette option, le conseiller de Abdelmadjid Sidi-Saïd aux affaires économiques délitera son argumentaire. «Ce qui intéresse les membres de l'OMC, c'est notre marché sans contrepartie, les normes de production, ce sont eux qui les définissent», non sans relever le veto des pays ayant un excédent de production qu'ils voudraient bien exporter. Et de rappeler l'accord d'association avec l'UE que «l'UGTA a désapprouvé» lequel, de l'aveu même d'un ministre des Finances, «a causé au pays la perte de milliards de dollars». Affirmant qu'il s'agit de discuter du comment y aller, Badreddine s'interrogera sur «qui paiera la facture d'une adhésion dans l'immédiat, relevant que ce n'est pas l'Algérie qui refuse d'adhérer à l'OMC mais c'est cette dernière qui veut imposer davantage de conditionnalités dont la suppression des subventions». Et d'inviter à un débat public, «nous qui aimons tous l'Algérie de la même façon», sans estimer que «l'Algérie n'a aucun intérêt à adhérer à l'OMC». Une adhésion qui se traduira, poursuivra-t-il, inévitablement «par des crises sociales graves». Pour lui, avant d'aller à l'OMC, faudra-t-il au préalable réhabiliter l'industrie nationale comme retenu à l'issue de la dernière tripartite, surtout que, selon lui, «nous avons un tissu industriel extraordinaire». Partageant cette prudence, l'économiste Chafik Ahnine détruira le «postulat» selon lequel le libre-échange signifiait la garantie de la croissance. Convoquant l'histoire économique, il affirmera que «les pays développés ont réussi leur prouesse grâce au protectionnisme». «Les pays riches doivent leurs richesses au protectionnisme et aux subventions», poursuivra-t-il, estimant que le libre-échange est un «leurre» et «qu'il n'existe pas dans l'absolu». Les Anglais ont «durant trois siècles pratiqué le protectionnisme qui a toujours dominé», plaidant lui aussi, pour une stratégie de développement national et d'industrialisation où tout est planifié. Pour sa part, le professeur universitaire Chamseddine Chitour recadrera le débat en affirmant que la question de l'adhésion ou non à l'OMC «n'est qu'un détail parmi tant d'autres». Car, selon lui, l'OMC n'est qu'une petite partie d'une problématique beaucoup plus complexe», s'interrogeant sur la nécessité ou pas de «se tenir le ventre à chaque fois que le prix du baril du pétrole baisse». Estimant qu'il faut un état des lieux et mettre tout à plat, il dira qu'il est temps que le pays se dote de «ses propres défenses immunitaires», d'opter pour «l'économie de la connaissance» et aller vers une «transition multidimensionnelle». Et de s'interroger : «Avons-nous une ambition pour ce pays ou continuerons-nous à être rentiers avec 400 000 importateurs et seulement 200 exportateurs ?» Chitour soutiendra également que l'exploitation annoncée du gaz de schiste est une «utopie», plaidant pour une «sobriété énergétique» avec son corollaire, le «sens de la mesure».