L'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de manière précipitée serait très préjudiciable pour l'Algérie, pouvant générer des pertes fiscales d'au moins 4 milliards de dollars. Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) «Y «aller vite, c'est la catastrophe prévisible», avertissait hier le consultant international Malek Mbarek Seraï. Intervenant au siège de l'Assemblée populaire nationale (APN) à l'invitation du groupe parlementaire du Parti des Travailleurs (PT), lors d'une journée parlementaire sur les Accords commerciaux internationaux et régionaux, Malek Seraï estime que l'accession «rapide» à l'organisation internationale provoquerait la fermeture d'au moins 42 à 45% du tissu entrepreneurial domestique, la perte d'emplois qualifiés et la main-mise des sociétés étrangères. Or, dans la mesure où 98% de ce tissu est constitué de sociétés publiques et privées «très faibles», le risque d'un effondrement total de l'économie nationale serait avéré selon l'hôte du PT. Voire, l'accession à l'OMC pourrait générer des «pertes sèches» sur le plan de la fiscalité d'au moins 4 à 5 milliards de dollars par an, indique ce consultant. En ce sens, Malek Seraï avertira sur les risques de pertes de capitaux, d'autant que l'application stricte de cet accord commercial induira une latitude plus grande de transfert pour les opérateurs étrangers. Auparavant, Malek Seraï avait justement relevé l'absence d'une économie effectivement productive, dont l'activité industrielle ne progresse que de 0,8% et ne contribue que de 4,5% à la création de richesses contre 20% voila deux décades. Pays grand exportateur d'hydrocarbures qui participent à 40% de la richesse nationale, à 95% des revenus extérieurs et à 60% du budget, mais faible exportateur hors hydrocarbures, l'Algérie est devenu à contrario un important importateur, souvent de produits notamment phytosanitaires invendables ailleurs mais prisés et coûteux ici, évoque ce consultant. Des importations estimées à hauteur de 55 à 60 milliards de dollars et qui génèrent la création de 4,5 millions de postes d'emploi dans les pays d'origine (Union européenne, Chine....), relevait ailleurs le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi-Saïd lors des débats. Une situation qui implique que la capacité de l'économie nationale d'être compétitive en cas d'adhésion à l'OMC, la capacité des produits domestiques de concurrencer les produits étrangers et la capacité de gérer la baisse des droits de douanes induite par le principe du libre-échange risquent d'être nulles. De fait, «l'adhésion à l'OMC n'arrange personne», relèvera le consultant Malek Seraï qui estime qu'elle encouragerait «la perte de valeurs intellectuelles», le consumérisme et la déperdition des compétences. En somme, une accession qui constitue «un suicide à la japonaise», assure la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, qui a développé lors des débats une appréciation critique vis-à-vis de cet accord commercial. Autre accord commercial dont l'évaluation s'avère critique, celui signé en 2002 avec l'Union européenne et en vigueur depuis septembre 2005. Un accord d'association qui a généré des pertes de l'ordre de 9 milliards de dollars à la fin 2013 pour l'Algérie, selon des statistiques communiquées par le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis, relevant des Douanes algériennes). A ce propos, Malek Seraï qui observe que cet accord a «été très mal négocié» pour des considérants notamment politiques, soulève donc la nécessité de «tout revoir», de le «renégocier». Au-delà des inconvénients de la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE) qui ont été également évoqués, la volonté, la vocation de l'Algérie à s'intégrer dans les espaces commerciaux, tant régionaux que mondiaux, semble donc incertaine et bridée par une manque de «solidarité» effective de tous les acteurs sociopolitiques et socioéconomiques, comme le relève le consultant Malek Seraï. Une analyse et une assertion que le président de l'APN, Larbi Ould-Khlifa, avait agréées en considérant que l'Algérie qui «n'est pas dans une position de force», se doit d'être confortée par une synergie des forces locales de manière équilibrée, conforme à l'intérêt national et qui transcende toutes velléités, calculs ou «taghnanent».