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Changer notre vision de la raison d'être de l'homme
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 12 - 2014


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«Avez-vous supposé que Nous vous avons créés sans but ?»
(Coran, «al-Mû'minûn», v. 115)
«Le pouvoir de l'Homme a secondé celui de la nature»
(Buffon)
La question de la raison d'être de l'Homme sur la Terre remonte aux origines du monde, mais ni la religion ni la science n'y a répondu de manière satisfaisante, d'où sa récurrence. Pour ne pas continuer à tourner en rond comme dans l'agaçant casse-tête de l'antériorité de la poule ou de l'œuf, nous y verrions peut-être un peu plus clair en inversant la question : qu'auraient été Dieu, la Terre, les règnes minéral, végétal et animal si l'Homme n'avait pas existé ? Existeraient-ils ? Auraient-ils un sens ? Et qui en aurait témoigné ? Comprendre la raison d'être de l'Homme sur la Terre c'est comprendre les desseins de Dieu ou du hasard qui occupe sa place dans les thèses évolutionnistes. Sans l'Homme la «sélection naturelle» n'aurait pas eu plus de sens puisqu'aucune forme d'intelligence alternative n'a vu le jour depuis la duplication de la première bactérie unicellulaire il y a trois milliards et demi d'années. L'Homme est toujours son unique vecteur et producteur.
Pourquoi Dieu a-t-Il créé l'Univers pour ensuite le vouer à la destruction ? L'a-t-Il fait pour les besoins spécifiques de l'Homme comme il est dit dans le Coran : «Ne voyez-vous pas que Dieu vous a soumis ce qui est dans les cieux et sur la Terre ; qu'il vous a prodigué ses bienfaits apparents et cachés...» («Loqman»,57e-31e, v.-20) et «Pour vous Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle révolution» («Ibrahim», 72e-14e, v.33) ? Y a-t-il dans l'Univers d'autres formes de vie intelligente concernées au même titre que nous par la Création et que nous ne connaissons pas encore ? Est-ce elles que le Coran vise à travers ces mots où il est question du «jour où la Terre sera remplacée par une autre et les cieux également...» («Ibrahim», v. 48) ou cet autre verset : «S'il le voulait, il vous remplacerait par de nouvelles créatures» (v. 19) ?
Le genre humain quittera la Terre un jour, cela est une certitude absolue, mais quand et dans quelles conditions, nul ne le sait tant les scenarii possibles sont nombreux. Nos congénères la quitteront soit parce que l'Heure de la fin du monde aura sonné, soit par suite d'un évènement contre lequel ils n'auront rien pu (chute d'un gros astéroïde, attaque virale pandémique, accident nucléaire majeur, catastrophe écologique ou, au plus tard, à la fin de la vie du soleil), soit de leur propre gré dans des vaissaux spatiaux filant à une vitesse proche de celle de la lumière à travers des «trous de ver» en direction d'une planète où ils auraient trouvé le gîte. Mais avant de nous intéresser à l'avenir post-terrestre (à distinguer de l'«Au-delà») de l'Homme, voyons comment et pourquoi il s'est trouvé sur la Terre. La science et la religion ne sont pas loin d'être d'accord sur les origines extraterrestres de l'Homme puisque selon certaines théories (panspermie), il serait venu des confins de l'Univers sur une comète ou une météorite, tandis que, selon les religions monothéistes, il est descendu du paradis céleste (par quels moyens ?) d'où il a été expulsé par Dieu après un acte irréfléchi : voler une pomme selon la Bible, commettre un attentat à la pudeur selon le Coran.
A la suite de cette assignation à résidence, voilà Adam et Eve sur la Terre où ils vont donner naissance à une humanité formée de deux mâles, Abel et Caïn. Pour des raisons non élucidées, le premier tue le second. On ignore comment et par quelles voies, puisqu'il n'y avait qu'un mâle esseulé à la surface de la Terre, mais bientôt l'humanité va essaimer partout et prospérer. Il va sans dire que Dieu est extraterrestre puisque l'Univers est son œuvre.
Le Coran propose plusieurs explications à la raison d'être de l'Homme dont celle qui fuse en premier de la bouche de tout alem déjà étonné et furieux que vous ne le sachiez pas : «Je n'ai créé les hommes et les djinns que pour qu'ils m'adorent» («adh-Dhariyat», 67e-51e, v.56). Quel besoin avait Dieu de créer le cosmos s'il n'y avait que l'Homme à loger ? En quoi avait-il besoin de cet être dérisoire qu'un simple microbe peut tuer, de ses pratiques rituelles sans conséquences sur l'Univers et d'une adoration généralement intéressée, versatile et hypocrite, lui qui affirme aussi dans le Coran : «Allah peut se passer de tout l'Univers» («al-Ankabût»,85e-29e, v.6) ; «Ô hommes ! c'est vous qui avez besoin de Dieu... S'il veut, il vous fera disparaître et vous remplacera par de nouvelles créatures» («Fatir», 43e-35e, v. 15, 16) ; «Les sept cieux, la Terre et ce qui s'y trouve célèbrent Sa gloire.
Il n'est rien qui ne célèbre Sa gloire et Ses louanges. Mais vous ne comprenez pas leur façon de Le glorifier» («al-Isra», 50e-17e, v. 44). L'adoration de Dieu comme raison d'être de l'Homme sur la Terre n'aurait appelé aucune question s'il n'y avait que notre planète dans l'Univers et que le face-à-face se limitait à eux deux. Or, il y a le reste, l'Univers en expansion exponentielle dans lequel la Terre n'est des milliards de milliards de fois rien. Il n'y a pas de mot, de mesure, d'image ou de comparaison capable d'exprimer l'insignifiance, presque le non-sens de la Terre dans l'Univers : un atome dans une immensité en croissance continue, un grain de sable dans un désert grand comme notre galaxie, une goutte dans l'ensemble des mers et océans... Si Dieu ne joue pas aux dés comme l'a dit Einstein, il n'est pas non plus un gaspilleur comme le craignait Giordano Bruno. «Nous n'avons pas créé le ciel et la terre et ce qui existe entre eux en vain» («Sâd», 27), confirme le Coran. Veut-il dire par là que cette étendue infinie d'espace-temps est nécessaire à l'éclosion de la vie sur Terre et à son évolution ? Que cette immensité démesurée constitue une «profondeur stratégique» en prévision du moment où l'homme ne pourra plus vivre sur sa planète ou dans le système solaire ? Cela rappelle l'aphorisme africain («Il faut tout un village pour élever un enfant») qu'Hilary Clinton a donné pour titre à l'un de ses livres. En raisonnant par analogie, on peut essayer de comprendre les motivations d'un «créateur». L'Homme par exemple crée pour «sauver sa peau», pour subsister (agriculture, industrie agroalimentaire), s'abriter (bâtiment, villes), se vêtir (industrie textile), se soigner (médecine, pharmacie), se défendre (industrie militaire), élever son savoir (enseignement, recherche fondamentale), pour son plaisir (arts, cinéma, culture, télévision), son confort (transports rapides), pour communiquer (médias, internet, satellites, NTIC). Mais peut-on l'imaginer créant des objets inertes ou des entités douées d'intelligence (robots, automatismes, ordinateurs, miniaturisation...) à seule fin qu'ils l'adorent ? Si ces objets et entités procèdent de son bon vouloir, s'ils sont prédéterminés et «prédestinés» au rôle qu'il leur a assigné, en quoi aurait-il besoin qu'ils l'adorent, qu'ils se prosternent en l'invoquant, qu'ils le craignent pendant tous les instants de leur vie programmée ? L'homme a domestiqué les règnes minéral, végétal et animal, édifié des civilisations, exploité les sources énergétiques naturelles et mis au point de nouvelles, développé des ressources économiques à partir de ses inventions, élevé le niveau de son savoir, vaincu beaucoup de maladies, conçu la technologie destinée à l'emmener dans l'espace...
Il est véritablement sur les traces du Créateur, il a pleine conscience qu'il est en train de remonter lentement, à travers telle découverte ou telle application technologique, la grande construction de Dieu au pied de laquelle il est resté pendant des millénaires impuissant et misérable. Il sait maintenant qu'il est bien engagé sur la voie de reproduire le processus créatif divin et qu'il l'appliquera au-delà de l'horizon terrestre. Dieu a créé l'Univers (âgé d'environ 14 milliards d'années) longtemps avant la Terre (âgée d'environ 4 milliards d'années) et l'Homme, qui n'est devenu un acteur de l'Histoire que depuis l'Antiquité, soit quelques dizaines de siècles. Que représente ce laps de temps par rapport à l'âge de la Terre et les quatre ou cinq milliards d'espérance de vie du système solaire ?
Il est sur la Terre depuis des centaines de milliers d'années mais n'est entré dans l'âge technologique, dans la phase créatrice, que depuis quelques décennies. Que représentent quelques poignées d'années au regard des milliards d'années passées et à venir ? Que ne fera l'Homme à l'avenir ? Il y a donc depuis peu dans l'univers un autre créateur, infiniment plus petit certes, mais qui n'a pas moins créé la vie (naissances in vitro, clonage), qui a acquis des pouvoirs qui évoquent à une échelle dérisoire pour le moment les pouvoirs divins : rallonger la vie, rendre la vue et l'ouïe, remplacer des organes naturels par des organes de sa fabrication (membres, dents, cœur, foie, peau...), marcher sur la Lune et envoyer des sondes à des milliards de kilomètres de ses bases. Il ne crée pas «toute chose à partir de l'eau» (Coran) comme Dieu, mais à partir de matériaux de sa conception.
Avec le progrès des sciences et la transposition de leurs résultats au monde pratique, il est devenu un créateur au sens propre et figuré.
Pour les objets et les systèmes intelligents qu'il ne cesse de perfectionner (automatismes, mécanismes électroniques, organes artificiels...), s'ils avaient la faculté de raisonner et de se poser des questions, l'Homme leur apparaîtrait dans le rôle où nous apparaît à nous Dieu : il occuperait à leurs yeux la position du Seigneur Tout-Puissant, de l'Etre suprême qui donne la vie et la mort, du Juge de leurs actes (performances, efficacité, rendement), de celui qui les sanctionne en les jetant à la casse (mort) ou en les recyclant (résurrection).
Pourquoi Dieu a-t-il conçu le projet de construire l'Univers dont les proportions sont proprement affolantes pour y placer une humanité au nombre dérisoire, à la vie courte et portée à la rébellion ? La manière la moins risquée pour un créateur d'être contrarié, mal adoré ou même abjuré, n'est-elle pas de s'abstenir de créer lui-même le «corps du délit» ? Ou alors de faire comme l'Homme, c'est-à-dire doter ses créations d'une intelligence mais pas de la liberté de faire à discrétion le bien et le mal ; les programmer pour servir sans possibilité pour elles d'aller à l'encontre de ses vœux.
Or, l'Homme, lui, a assassiné ses frères, à commencer par Caïn, tué des centaines de millions de ses congénères dans les guerres tout au long de son histoire, porté atteinte aux autres espèces végétales et animales, s'est donné les moyens de détruire la planète et l'a polluée en attendant. Dieu a-t-il, comme l'Homme, créé à la fois le bien et le mal ? Lui n'était pas dans la position de l'Homme inclinant au mal en pensant agir pour son bien (combattre ceux en qui il ne se reconnaît pas, accaparer les biens de son prochain, privilégier son intérêt, duper les autres...) et convaincu que les autres font ou feraient pareil et autant.
L'homme va créer dans le futur de plus en plus de mécanismes électroniques, de systèmes de commande à distance, de logiciels, d'intelligence artificielle, mais il se gardera de doter ses «créatures» d'un libre arbitre, de la possibilité pour elles d'exécuter ou de désobéir à ses ordres, de s'opposer à ses projets. Le célèbre astrophysicien Stephen Hawking vient d'adresser à la communauté scientifique une mise en garde dans ce sens : l'intelligence artificielle pourrait se retourner contre l'espèce humaine et la détruire.
Or, Dieu ne nous a pas créés comme nous créons les automates à notre usage. Il ne nous a pas conçus pour lui mais pour nous-mêmes, pour nous donner du pouvoir sur la Terre mais aussi sur l'Univers car l'Homme ayant quasiment achevé l'exploration et l'exploitation de sa planète, cherche ailleurs un lieu habitable, de nouvelles sources d'énergie, des minerais et des matières premières satisfaisant à sa frénésie créatrice, à ses projets de voyages interstellaires et intergalactiques. Il n'y a donc pas un «conflit d'intérêts» entre Dieu et l'Homme. Dieu avait à son service un peuple, des armées d'anges, entités énergétiques faites de «lumière» («nour», Coran), êtres non biologiques créés à partir d'un «feu sans fumée» (Coran) et qui ont la particularité de ne pas se nourrir, se reproduire ou posséder de libre arbitre. Quand il décida de créer l'Homme, il pensa à les informer de son intention et un dialogue s'engagea avec eux, provoquant une émeute comme celles que nous connaissons tant en Algérie.
C'est dans sourate «Sâd» (38e-38e), lue dans l'ordre chronologique, que nous trouvons pour la première fois mention de ce dialogue (répété de multiples fois dans d'autres sourates) qui a notamment inspiré au grand penseur allemand Goethe le «Prologue dans le ciel» sur lequel s'ouvre Faust : «Lorsque ton Seigneur dit aux Anges «Je vais créer d'argile un être humain ; quand je l'aurai bien formé et lui aurai insufflé de mon Esprit, jetez-vous devant lui, prosternés», tous les Anges se prosternèrent à l'exception de Satan qui se montra hautain et fut ainsi du nombre des infidèles.
Dieu dit alors : «Ô Iblis, qu'est-ce qui t'empêche de te prosterner devant ce que j'ai créé de mes mains ? T'estimes-tu plus grand ou de rang plus élevé ?» «Je suis meilleur que lui, dit Iblis, tu m'as créé de feu et tu l'as créé d'argile.» «Hors d'ici, te voilà banni ; et sur toi sera ma malédiction jusqu'au jour de la Rétribution...» (v.71 à 78). Notons qu'il est question de la «nature» dont a été créé l'Homme (l'argile dans laquelle Dieu insufflera de Son Esprit) et de sa préséance sur les Anges, mais pas encore de sa vocation. Jusque-ici tous les éclairages fournis sur la création de l'homme étaient d'ordre biologique, embryologique : «Il vous crée dans les ventres de vos mères, création après création, dans trois ténèbres» («az-Zoumar»,59e-39e, v.6) ; «Vous passerez par des états successifs» («al-Inshiqâq», 83e-84e, v.19) ; «Il vous a créés par phases successives» («Nûh», 71e-71e, v.14) ; «... Pour vous faire renaître en ce que vous ne connaissez pas» («al-Wâqi'â», 46e-56e, v.61). N'est-ce pas autant de clins d'œil à la théorie de l'Evolution ?
Notons à ce stade un autre point essentiel à l'idée de réforme de la vision du monde des musulmans : un débat s'est ouvert entre Dieu et une de Ses créatures qui ne s'est pas conclu par une mise à mort, par la répression du faible par le fort, de l'opposition par le pouvoir, mais par un compromis, un «consensus national» : «Seigneur, dit Satan, laisse-moi en vie jusqu'au jour où ils seront ressuscités» ; Dieu dit : «Tu seras du nombre de ceux à qui il sera accordé un délai jusqu'au jour de l'instant connu de Nous.» «J'en jure par ta puissance, dit Satan, je les séduirai tous, à l'exception de tes serviteurs sincères» ; Dieu dit : «En vérité, J'emplirai l'Enfer de toi et de ceux d'entre eux qui t'auront suivi» («Sâd», v. 79 à 85). S'inspirant de ces versets, Goethe prête au Seigneur dans le Prologue ces répliques versifiées à Satan : «Ecarte cet esprit de sa source première, mais si tu perds tu devras bien rougir, en voyant qu'un mortel parmi la foule obscure peut discerner le droit chemin. Va, mon fils, remplis ta tâche, c'est de tous les démons toi que je hais le moins, l'activité de l'homme est sujette au relâche, et pour l'aiguillonner j'ai besoin de tes soins...» En effet, Dieu n'a pas éliminé l'opposition à sa décision de créer l'Homme en exigeant de surcroît des anges qu'ils le reconnaissent comme leur étant supérieur, mais accepté le défi de Satan de pervertir l'Homme. Voilà donc que Dieu consacre à l'aube des temps le «principe démocratique», qu'il consent à l'introduction du ferment de la contradiction dans la Création, la Nature et l'Histoire (j'ai émis cette observation dans une émission télévisée en 1990 et ai été heureux de constater par la suite que des leaders islamistes la reprenaient à leur compte sans bien sûr renvoyer à la source). Le principe dialectique, le principe de contradiction est nécessaire au fonctionnement de l'univers, de la Création et de l'Evolution. Comme dans un préambule, on lit dans sourate «al-Balad» (35e-90e, v. 4) une indication sur la fonction sociale attendue de l'Homme au début de la prédication islamique : «Nous avons certes créé l'homme pour une vie de lutte». Qu'est cette lutte ? Le «djihad» ? Il n'en sera question que plusieurs années plus tard, à partir de la 86e sourate et de l'Hégire en 622.
Le Coran nous répond immédiatement : c'est accomplir des efforts pour s'élever au-dessus des mœurs en vigueur à l'époque où le paganisme régnait encore ; c'est, indique-t-il au Prophète et aux premiers musulmans, «affranchir un esclave, nourrir un orphelin ou un pauvre, croire et endurer, s'enjoindre mutuellement patience et générosité» (v.13 à 17), autrement dit en mettant progressivement et pacifiquement fin à un ordre social inique. Le récit de la création de l'Homme va se poursuivre dans la sourate qui vient après «Sâd» dans l'ordre chronologique, c'est-à-dire sourate «al-Âaraf (39e)», alors que dans l'ordre où se trouve le Coran depuis plus de quatorze siècles on la retrouve à la 7e place. Nous voyons là encore l'intérêt de l'ordre chronologique sur lequel nous avons appelé l'attention dans une précédente contribution : «Ô Adam, habite le paradis avec ton épouse... Mais n'approchez pas de l'arbre que voici ; sinon vous seriez du nombre des injustes.» Satan, pour leur rendre visible ce qui leur était caché (leur nudité) leur chuchota, disant : «Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre que pour que vous ne soyez ni anges ni immortels»... Lorsqu'ils eurent goûté à l'arbre leur nudité leur apparut et ils se mirent à la couvrir de feuilles du paradis. Leur Seigneur les appela et leur dit : «Ne vous avais-je pas interdit cet arbre et ne vous ai-je pas dit que Satan était pour vous un ennemi ?» — «Seigneur, dirent-ils, nous avons fait du tort à nous-mêmes»... — «Descendez ! ordonna Dieu, vous serez ennemis les uns des autres. Vous aurez un asile sur terre et y jouirez un temps. Là vous vivrez, là vous mourrez et de là on vous fera sortir» (v. 19 à 25). Mais Dieu va Se montrer généreux et miséricordieux : «Adam désobéit à son Seigneur et s'égara. Puis son Seigneur le recueillit, agréa son repentir et le mit sur la bonne voie. Il dit : "Si vous recevez de ma part une bonne direction, quiconque la suivra ne s'égarera ni ne sera malheureux"» («Tâ Hâ», 45e-20e, v.121 à 123). Selon le Coran, le couple adamique péchera une seconde fois : «C'est lui qui vous a créés d'un seul être. Il en a tiré une épouse pour qu'il trouve de la tranquillité auprès d'elle. Lorsqu'il eut connu cette épouse, celle-ci conçut et sa grossesse fut pendant quelque temps facile... Puis, lorsqu'il les eut gratifiés d'un enfant sain, tous deux donnèrent à Dieu des associés (polythéisme) dans ce qu'il leur avait donné. Mais Dieu est au-dessus de ce qu'on lui associe» («al-Aâraf», v.189, 190).
Dieu détaille dans cette sourate les informations sur la création d'Adam et de son épouse, revient sur l'affrontement avec Satan et relate l'expulsion de l'Homme du paradis. Nous sommes toujours dans l'exposé des motifs de la Création, de l'enchainement des faits historiques vus sous l'angle coranique. La nudité d'Adam et d'Eve était pendant leur séjour au paradis soustraite à leurs yeux. Cette métaphore peut signifier que la fonction reproductrice leur était inconnue.
Ils devaient rester dans cette ignorance afin de ne pas perturber l'ordre édénique où ils étaient les seuls à ne pas avoir été créés de lumière. Ils vivaient angéliquement, ils vont devoir vivre humainement, péniblement. Plusieurs questions se présentent à l'esprit dans la foulée du récit : Adam et Eve ne devaient-ils pas être immortels là où ils étaient ? Dieu n'avait-Il pas l'intention de créer l'humanité terrestre alors qu'Il avait déjà créé la Terre et l'Univers ? A quelle fin si l'Homme avait vocation à rester au paradis ? Ou n'étaient-ils que des lieux de bannissement comme les prisons créées par l'homme pour confiner les criminels ? Dieu a-t-il créé Adam et Eve en les privant de la possibilité d'engendrer une postérité qui ne pouvait pas résider au paradis parce qu'œuvre de chair humaine ?... Mais voilà que Dieu s'adresse à la descendance d'Adam pour l'informer qu'elle va recevoir une «Direction» : «O fils d'Adam ! Si des envoyés choisis parmi vous viennent pour vous transmettre mes versets, sachez que quiconque aura cru et amélioré sa conduite sera à l'abri de la peur et de l'affliction... Ceux qui auront cru et fait du bien — nous n'imposons à une âme que ce qu'elle peut — seront les hôtes du paradis pour l'éternité...» («al-Aâraf», v. 35, 36). Pourquoi ? Pour que l'Homme revienne, après un cycle terrestre au cours duquel il aurait purgé sa peine, à ses origines ? C'est apparemment le cas puisque ce qui est promis à la descendance d'Adam, si elle croit en Dieu et fait le bien, c'est d'aller au paradis, c'est-à-dire de revenir à son point de départ.
Quelle est finalement la raison d'être, la vocation de l'Homme sur la terre ? On rencontre l'expression «khalifatoun fi-l-ardhi» («successeur», «lieutenant», «remplaçant», «vicaire de Dieu sur la terre») pour la première fois dans sourate «Sâd» (lue dans l'ordre chronologique): «Ô David, nous avons fait de toi un calife sur la terre. Juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas la passion» (v. 26) ; puis dans «al-Âaraf» où Moïse dit : «Il se peut que votre Seigneur détruise votre ennemi et vous donne la lieutenance sur terre et il verra ensuite comment vous agirez» (v.129) ; puis dans d'autres sourates dont «al-Baqara» : «Lorsque Dieu dit aux anges : ‘‘Je vais instituer un vicaire sur la terre'' ils dirent ‘‘Vas-tu y désigner quelqu'un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à te sanctifier et à te glorifier ?'' Il dit : ‘‘En vérité, je sais ce que vous ne savez pas''» (87e-2e, v. 30).
Le musulman, selon les termes mêmes du Coran, est le dernier en date à avoir reçu le Message de Dieu, toujours le même depuis l'apparition des premières communautés, des premiers prophètes et de la Révélation : «Dites : "Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Ibrahim, Ismaïl, Ishaq et Ya'koub, aux douze Tribus israélites, à ce qui a été donné à Moïse, à Jésus, aux prophètes, venant de leur Seigneur. Nous ne faisons aucune distinction entre eux et à Dieu nous sommes soumis''» («al-Baqara», 87e-2e, v. 136) ; «Et ainsi nous avons fait de vous une communauté de juste milieu pour que vous soyez témoins des gens, comme le Messager sera témoin de vous» («al-Baqara», v.143). Ce ne sont pourtant pas les musulmans que Dieu va désigner comme «khalifatouhou fi-l-ardhi». Il n'a désigné à cet office aucune religion, aucune communauté, aucun prophète, mais l'Homme universel, c'est-à-dire l'ensemble des hommes et des femmes de la Création et de tous les temps, en faisant explicitement référence aux détenteurs parmi eux du savoir et de l'intelligence. Ceux qu'Il appelle «dhaoui al-albab», ceux à qui est dû le progrès humain, les penseurs qui ouvrent des horizons nouveaux, les bâtisseurs de civilisations, les grands hommes d'Etat, les pionniers dans tous les domaines. C'est à ceux-là qu'il a donné procuration pour poursuivre son œuvre, et c'est à eux qu'il a délégué certains de ses pouvoirs comme il l'avait fait avec de rares prophètes comme Suleyman (Salomon). Cette créature d'argile allait effectivement répandre le sang, le désordre et la corruption sur la Terre. Les anges n'ont vu que ce risque, que les «dommages collatéraux», mais Dieu les a remis à leur place en leur signifiant qu'il le savait mais qu'eux, par contre, ignorent tout des vraies raisons de la création de l'Homme. Le secret est dans la dernière phrase de sourate «al-Baqara» que nous avons citée plus haut : Dieu n'a révélé ces raisons ni aux anges, ni à Adam, ni aux prophètes ; mais elles sont déductibles de l'étude du Coran à la lumière des «révélations» de la science.
C'est par un acte de liberté que Dieu a créé l'Homme : pour qu'il soit lui-même libre, qu'il gagne sa vie à la sueur de son front, qu'il construise son habitat et ses bases sur la Terre puis ailleurs en vue de la mission à laquelle il est destiné et qui ne nous apparaît pas encore clairement. Elle nous apparaîtra ultérieurement, peut-être dans plusieurs millénaires car telles sont les unités de compte de Dieu (un jour chez Lui correspond à 1 000 ans dans un cas et à 50 000 ans dans un autre chez nous). Cette mission aura nécessairement pour cadre le vaste Univers, pas la Terre, d'où le verset : «Ô peuple des hommes et des Djinns ! Traversez si vous pouvez les espaces célestes et terrestres ! Mais vous ne le ferez qu'avec un pouvoir émanant de Dieu» («ar-Rahman», 97e-55e, v.33). Ce pouvoir, l'Homme en tient déjà un bout.
L'Homme a été préféré à tous les êtres de la Création : «Nous avons honoré les descendants d'Adam, nous les avons portés sur terre et sur mer, nous leur avons donné la précellence sur la plupart de nos créatures» («al-Isra», 50e-17e, v.70).
Cet honneur fait à l'Homme ne consiste-t-il pas dans le transfert de certains des pouvoirs de Dieu via le don qui lui a été fait de la raison et des facultés cognitives ? Il l'a honoré en regard de ce qu'il peut accomplir, de la mission qu'il lui a dévolue d'être le continuateur de sa Création, le propagateur du bien moral et matériel ainsi que de l'intelligence dans l'Univers. N'est-ce pas cette qualité qui est visée par les versets relatifs à l'Esprit insufflé par Dieu dans l'homme, «l'esprit saint de Dieu mis en l'homme» ? N'est-ce pas ce qu'il faut comprendre du message évangélique rectifié a posteriori par le Coran : Jésus n'est pas le fils de Dieu mais le réceptacle de son «Esprit saint», ce pourquoi Il n'a pas permis qu'il soit tué mais «rappelé», «enlevé» par Lui.
Un être destiné à devenir le «remplaçant de Dieu sur la terre» ne peut pas se contenter d'accomplir des devoirs religieux comme prier et jeûner, il doit «faire le bien», expression qui n'est jamais dissociée dans le Coran de la croyance, ce qui passe par l'édification de systèmes sociaux efficients et de civilisations technologiquement très développées. La science que l'homme est en train de compiler et d'accroître au jour le jour lui permettra de connaître les mystères de l'univers, de son fonctionnement, de l'infiniment petit et de l'infiniment grand, de la vie et de la mort.
Depuis longtemps les hommes pressentaient que l'Univers était trop parfait pour être l'œuvre du hasard ; il y ont décelé très tôt un «argument téléologique», un «dessein intelligent», un «principe d'intentionnalité» selon l'expression du révérend William Paley (XIXe siècle) et que l'astrophysicien Brandon Carter appellera en 1973 le «principe anthropique» : tout a été calculé au plus près dans l'Univers pour qu'il convienne à l'Homme, pour qu'il puisse y vivre, travailler et créer. «Wallahou a'lam» !
N. B.
Lundi prochain : changer notre regard sur les autres.


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