Par Maâmar FARAH [email protected] L'un des grands problèmes auquel furent confrontés les scientifiques a été celui de la création de l'univers. Plusieurs théories ont été exposées dont certaines, reposant sur des découvertes et des recherches importantes, avaient plus de consistance que d'autres. Grosso modo cependant, il se dégageait deux tendances fortes : primo, l'école matérialiste ou darwiniste (du nom de Darwin, père de l'évolutionnisme) qui a toujours avancé l'idée d'une évolution du monde en désordre, suivant une lente modification qui l'a conduit du néant à l'univers que nous connaissons aujourd'hui. Secundo : l'école des créationnistes qui rejettent globalement cette conception car, disent-ils, à l'instar de Voltaire, cette mécanique complexe dont le fonctionnement est si parfait doit avoir un «Horloger». Les premiers avancent que l'univers n'a pas de point de départ car il existerait depuis un temps infini, c'est-à-dire éternel et n'a pas, non plus, de limite dans le futur ! A ce titre, ils refusent l'idée qu'il a été créé puisqu'il n'a pas de début. Selon leur point de vue, l'univers a évolué à travers des étapes confuses qui n'obéissaient à aucun modèle clair, ni schéma d'aménagement et ne saurait, par conséquent, être l'œuvre d'un concepteur suprême unique. S'appuyant sur les grandes découvertes du dix-neuvième siècle, cette approche élimine donc toute idée d'intelligence supérieure derrière la bonne marche de l'horloge. Mais, à la suite de la découverte du fameux «Big Bang», explosion qui a donné naissance à l'univers, beaucoup de scientifiques se ravisèrent. L'une des principales théories des matérialistes tombait. Notre monde n'est pas une matière qui évolue toute seule dans l'infinité temporelle. Il a son origine, — le «big bang» — , et sa construction ultérieure s'est faite conformément à une vision intelligente, logique, claire. Et lorsque les conditions de vie ont été réunies sur Terre, des créatures apparaîtront avant l'arrivée de l'homme. Ni avant, ni après. Il n'est pas possible que l'existence de ces conditions, telle que l'atmosphère, les équilibres physiques et météorologiques, les réserves d'eau et toutes les richesses naturelles utiles pour le développement de l'humanité soient le fait du hasard, d'une simple coïncidence ! Les chercheurs de notre siècle qui ajoutent quotidiennement de grandes découvertes au chapitre de la science (récemment, des savants européens ont complété le chaînon manquant à la théorie du Big-Bang et certains y ont vu la preuve de l'existence de Dieu), prouvent à leur manière le bien-fondé de cette conception de l'univers. Du plus grand détail au plus petit, tout a été étudié et planifié pour fonctionner correctement. Lorsqu'on observe la ronde parfaite des planètes autour du Soleil ou qu'on examine la vie sociale exemplaire des fourmis, on aboutit à la même conclusion. Toute cette perfection ne pourrait résulter d'un hasard, d'une conjonction d'éléments disparates accomplie par la pure des coïncidences ! Quant aux êtres humains, ils seraient, selon la vision darwiniste, un accident de la nature, des animaux qui auraient évolué fortuitement pour aboutir à ce qu'ils sont aujourd'hui. Cette vision n'est pas celle de toutes les religions monothéistes qui voient en l'homme la raison d'être de l'univers et établissent sa supériorité originelle sur le reste du règne animal. A la vision pessimiste et dénuée de fondement de ceux qui se basent sur la nature, et elle seule, pour expliquer le monde, s'oppose une conception plus dynamique qui, sans renier la science et ses découvertes, nous propose de voir l'univers comme une merveilleuse création de l'Artiste suprême et l'Homme comme le centre de ce monde, un être intelligent et bâtisseur, capable du pire comme du meilleur. Cette dernière vision est celle d'un monde en progression constante parce que mu par cette intelligence qui a la capacité de le transformer. Vision d'optimisme et d'action partagée par un très grand nombre de chercheurs : 10 000 scientifiques américains et environ 100 000 dans le monde ont rejeté le darwinisme pour la vision créationniste. Ces derniers sont convaincus que la vie a un sens contrairement aux darwinistes qui clament que celle-ci n'a aucun but car étant le fruit du hasard. Ces scientifiques qui pratiquent quotidiennement leur métier sur la base d'expérimentations et d'observations précises, ne veulent pas s'enfermer dans une vision nihiliste, déprimante et, en définitive, destructrice. Ils rejettent globalement l'idée d'un désordre ayant donné naissance au monde. Il est impossible, affirment-ils, que l'harmonie et l'ordre qui règnent dans notre univers soient le fait du hasard. D'ailleurs, en faisant le choix de la raison, il leur arrive de s'interroger face à certains phénomènes et d'exposer, à travers des questions dérangeantes, leur inquiétude et leur incertitude. Ainsi en est-il de Voltaire qui s'était exprimé violemment dans son célèbre poème sur le tremblement de terre meurtrier de Lisbonne. Interrogatif, il pose le problème du bien et du mal sous l'éclairage d'une force supérieure qui ordonne tout, et va jusqu'à se révolter : «Si tout est arrangé, pourquoi tant de malheurs ?» «Tout est bien», y compris le mal sur la terre, est une vieille philosophie fataliste qu'essaye de combattre Voltaire en invitant les hommes à réfléchir et à espérer. Espérance, le mot est lâché ! Si le monde est moche, ce n'est pas parce que l'intelligence supérieure qui l'a façonné l'a voulu ainsi. Il appartient à l'homme d'agir pour le transformer et le rendre meilleur, en propageant le bien et en faisant reculer le mal. Et les hommes les mieux indiqués pour mener cette mission avec efficience et responsabilité sont justement les scientifiques qui activent, chacun à son niveau, pour améliorer les conditions de l'humanité et lui permettre de réaliser tous ses rêves. Et qu'est-ce nos religions monothéistes sinon un ensemble de codes et de règles qui doivent nous mener vers cette vie meilleure, abstraction faite de certaines situations qui, n'étant plus valables au vingt-et-unième siècle, devraient être revues et corrigées par un «Ijtihad» conséquent ? Je ne vois aucune contradiction entre une spiritualité bien assumée, intelligente et éloignée des extrémismes et un esprit scientifique entier, éclairé et rigoureux. En ces temps d'incertitude, la science nous apporte chaque jour davantage de découvertes qui ajoutent à notre angoisse face au futur. Nous pouvons déraper facilement si nous faisons nôtre l'explication matérialiste du monde, porteuse de pessimisme et de défaitisme. Nous pouvons également nous enliser si nous accordons trop d'importance aux thèses réactionnaires des intégristes qui sont fondamentalement opposés à la science et au progrès. Entre ces deux extrémismes, il existe la voie du milieu, celle qui nous permet, tout en assumant notre passé, de ne pas voir dans le futur une sombre ère de catastrophes et de frayeurs. Dans cette trajectoire tracée par l'Horloger, l'homme est loin d'être une marionnette incapable d'agir sur le cours des événements. Créé comme un être supérieur, il est le petit horloger qui continue de concevoir de si merveilleuses œuvres, essayant d'imiter la perfection absolue de son Maître.