Tout en condamnant l'appel au meurtre émis par le fanatique Hamadache Zeraoui contre Kamel Daoud, le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, estime que l'auteur de «Meursault, contre-enquête» doit prouver au peuple algérien qu'il n'est pas en passe d'être «récupéré par un lobby sioniste international hostile à l'islam et l'algérianité». Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) Même si le ministre des Affaires religieuses a qualifié, hier à Alger, de «dérapage dangereux» les menaces et l'incitation au meurtre du chroniqueur et écrivain Kamel Daoud, il a néanmoins réduit la fatwa de l'intégriste Hamadache Zeraoui à un «acte virtuel lancé sur le réseau social Facebook». Pour rappel, le prêcheur de la mort était pourtant intervenu à plusieurs reprises sur des chaînes TV privées non agréées mais tolérées par les pouvoirs publics, pour réaffirmer son appel au lynchage. Sur ce même chapitre, Mohamed Aïssa dit d'abord ne pas reconnaître le statut de mufti à l'individu en question, et ce, avant de préciser qu'une fatwa émane essentiellement d'une autorité religieuse. «Je ne trouve la trace de Zeraoui ni dans les universités des sciences islamiques en Algérie, ni au sein des établissements de formation des imams, ni parmi les imams que compte le ministère», a-t-il relevé. Il ajoute à ce propos, qu'on ne peut juger Kamel Daoud sans avoir lu son œuvre, faisant ainsi allusion au meneur du mouvement salafiste fantoche Sahwa (l'éveil) des mosquées. Mais le ministre, lui, juge, sinon s'inquiète pour le cas Kamel Daoud. Même s'il lui reconnaît le statut de «brillant chroniqueur» et de «talentueux écrivain», allant jusqu'à le considérer comme «ami», il l'appelle, toutefois, à «ne pas tomber sous le charme d'un sionisme rampant». Il préconise dans ce sens, et afin de mettre fin à tout amalgame, que Kamel Daoud «doit faire l'effort de prouver au peuple algérien qu'il n'est pas en passe d'être récupéré par un lobby sioniste international hostile à l'islam et l'algérianité». Cela dit, il insiste entre-temps sur le fait que l'auteur de «Meursault, contre-enquête» doit «respecter les règles fondamentales de l'écriture au nom de l'Algérie et le principe du sacré». «Radicalisme rampant...mais virtuel» ! Mais le ministre des Affaires religieuses, qui a lancé quelques piques au chroniqueur et écrivain sujet à polémique, justifie ses propos par le simple fait de l'inquiétude. Celle envers une intelligence algérienne (Kamel Daoud), qu'un certain Bernard Henri-Lévy tente de récupérer, selon le conférencier. «Depuis quand BHL fréquente nos quartiers ?», s'est-il interrogé, tout en indiquant que «l'Algérie a besoin d'une compétence comme Kamel Daoud, et qu'elle peut aussi la contenir au sein de la famille algérienne, l'assister et l'accompagner». Toujours sur le même chapitre et sur la question de savoir si l'Algérie ne connaît pas un radicalisme rampant, le ministre estime que «cette menace reste pour l'instant virtuelle». Il précise, à ce propos, que les 15 000 mosquées algériennes sont couvertes à 200%, soit une moyenne de deux imams par mosquée. «Il n'y a pas une seule mosquée Daesh en Algérie, et ces institutions religieuses sont bien contrôlées, non pas par les services de sécurité mais par la population elle-même qui veille à son référent religieux», souligne-t-il, non sans avouer qu'«il existe des idées Daesh à la périphérie des mosquées». M. M. Vers une loi d'orientation religieuse Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, a annoncé hier, à Alger, un projet de loi d'orientation religieuse. Ce texte, qui permettra de déterminer le référent religieux algérien et de renouer, selon le ministre, avec l'islam tolérant tel que pratiqué avant la montée du radicalisme en Algérie, sera élaboré à l'horizon 2019. «Le contenu de ce texte de loi a besoin dans un premier temps d'être exposé, expliqué et débattu avec le peuple algérien, avant son adoption finale», explique le ministre. Il souligne, au passage, que cette loi permettra dans l'avenir au ministère des Affaires religieuses d'enclencher une action en justice contre les prêcheurs de la haine et de la mort.