Une nouvelle revue culturelle vient de voir le jour sur la Toile. Naf'ha, dont le nom est tiré du mot dialectal signifiant «coup de cœur», a pour ambition de décrypter l'actualité culturelle en Algérie sous le slogan «Fais-toi ta propre opinion». Cette revue arabophone a été mise en ligne en décembre dernier. Cinéma, littérature, arts plastiques, musique, polémiques et politique culturelle y sont analysés et décryptés à travers des chroniques, des interviews et des articles factuels. Dans le texte de présentation, les initiateurs de cette publication expliquent que malgré la profusion des titres de presse et des journaux électroniques dont le contenu est largement et continuellement partagé sur les réseaux sociaux, la création d'un magazine culturel demeure tout de même une plus-value pour le paysage médiatique. Ils soulignent, en effet, que leur projet part du principe qu'un événement ne se suffit pas à lui-même, qu'il induit une diversification des lectures et des analyses et que Naf'ha ne se contentera donc pas de rapporter l'événement mais décryptera le contexte et les facteurs qui l'ont engendré. Les rédacteurs, estimant que l'actualité n'est pas le terrain exclusif du journaliste, donnent également à leur revue un caractère citoyen en ce sens qu'il fait appel à des signatures qui ne sont pas forcément impliquées de manière directe dans la profession. Le premier numéro de la revue est extrêmement riche en points de vue et analyses. On y retrouve une chronique signée par l'écrivain et journaliste Saïd Khatibi, intitulée «Apostasier l'esprit», dans laquelle il traite du «retour en force des takfiriste en Algérie comme au Maroc». Il évoque les menaces reçues par Zayneb Razhaoui, la seule journaliste «arabe» à Charlie Hebdo, accusée donc de traîtrise et d'inféodation à l'Occident par de nombreux lecteurs. Il raconte également un débat télévisé sur une chaîne privée algérienne opposant deux journalistes, l'un moderniste et laïc, l'autre «chauviniste» et conservateur. Saïd Khatibi relate l'extrême agressivité de ce dernier, son discours quasiment inquisiteur et presqu'en faveur du terrorisme islamiste. L'auteur fait aussi le parallèle avec un Ali Benhadj qui brûle le drapeau français lors de la manifestation anti-Charlie à Alger. Ces trois exemples illustrent, selon lui, l'éveil des forces takfiristes qui non seulement reviennent avec une certaine légitimité dans le débat public mais font office d'interlocuteur «incontournable» lorsqu'il s'agit d'analyser l'actualité dans de nombreux médias algériens. Naf'ha compte également parmi ses chroniqueurs le journaliste Salah Badis qui choisit d'écrire en arabe algérien et signe un billet dans lequel il revient sur la manifestation anti-Charlie à Alger. Avec un humour caustique, l'auteur évoque les slogans islamistes largement repris dans cette marche et y voit une certaine nostalgie des années 1990 ; mais il estime par ailleurs que cette manifestation révèle davantage l'incapacité du jeune Algérien à se réapproprier l'espace public de façon sereine et responsable, qu'une réelle volonté d'instaurer l'Etat islamique. La revue propose plusieurs rubriques dont une consacrée à l'actualité internationale, où l'on peut lire une contribution du journaliste algérien du quotidien Le Monde, Khaled Si Mohand qui relate ses trois semaines de détention dans une prison syrienne en 2011 et les sévices qu'il y a subis. La rubrique «Rythme» est dédiée à la musique et on y revient sur la conversion à l'islam de la chanteuse de rap française Diam's, mais aussi sur une précieuse interview d'El Anka réalisée par Kateb Yacine, ainsi qu'un portrait de Chebba Fadhila, la «Billie Holliday algérienne». On retrouve également dans ce premier numéro un article consacré au cinéma en Algérie et notamment l'expérience d'une nouvelle génération dont les films incarnent un souffle nouveau, à l'instar de Lyès Salem, Nadir Moknèche, Tariq Teguia, Fatma-Zohra Zamoum...