Jets de projectiles sur l'arbitre et les joueurs, intervention des forces de sécurité, des supporteurs ghanéens évacués à la hâte et une interruption de plus de 35 minutes : la demi-finale entre le Ghana et la Guinée équatoriale (3-0) a été le théâtre de scènes de chaos, jeudi à Malabo. La rencontre a totalement dégénéré après la sortie imprévue des fans du Ghana de leur tribune à dix minutes du coup de sifflet final pour éviter des affrontements avec les supporteurs locaux. Massés derrière l'un des buts tout en étant protégés des jets de bouteilles par les forces de l'ordre, ils ont alors contraint l'arbitre gabonais Eric Otogo à interrompre la partie. La police, aidée d'un hélicoptère de la gendarmerie, a alors chargé et évacué une large partie du stade, usant notamment de gaz lacrymogènes. Il a fallu plus de 30 minutes avant qu'un calme assez précaire revienne, permettant de replacer les Ghanéens dans une tribune opposée, à l'abri des représailles des fans locaux, extrêmement remontés. Le match a ensuite repris pour seulement deux petites minutes, scellant la qualification du Ghana au terme d'une soirée qui ternit pour de bon l'image de cette Coupe d'Afrique. Le penalty de la discorde La tension avait déjà été à son comble dès la mi-temps et l'arbitre et les joueurs ghanéens avaient dû être escortés par les forces de l'ordre à leur sortie du terrain pour éviter les projectiles lancés par le public. Les supporteurs du Nzalang Nacional, particulièrement bouillants dès le coup d'envoi, n'ont, en effet, pas digéré le penalty sifflé par le directeur de jeu à la 41e minute en faveur de Black Stars et transformé par Jordan Ayew. Le deuxième but inscrit juste avant la pause par Wakaso Mubarak (45e+2) n'a fait qu'envenimer la situation et alourdir un peu plus l'atmosphère, les fans du pays hôte criant «arbitre dehors» en déversant sur la pelouse tout ce qu'ils avaient sous la main. Le retour des vestiaires n'a pas calmé le public malgré les appels du speaker et ses menaces d'interruption du match. La rencontre a ensuite repris mais la tension est restée extrême jusqu'au bout dans les gradins et sur la pelouse où les coups n'ont cessé de pleuvoir entre les joueurs, avec en fond sonore le bruit des sirènes de police et d'ambulances et le bourdonnement incessant d'un hélicoptère des forces de sécurité au-dessus du stade. Jusqu'à cette sortie inopinée des fans ghanéens qui a rendu la situation totalement ingérable. Cinq jours après la qualification controversée de la Guinée équatoriale contre la Tunisie (2-1, a.p.) marquée par une grossière erreur d'arbitrage qui a valu une suspension de six mois au Mauricien Seechurn Rajindraparsad de la part de la Confédération africaine de football, ce match n'a pas été la meilleure des publicités pour l'organisateur ni pour la CAN. «Contexte tendu» Il faudra voir quelle sera l'attitude de la CAF vis-à-vis d'un pays qui l'a sortie d'une très mauvaise passe en prenant mi-novembre le relais du Maroc après sa défection pour cause de virus Ebola. La configuration du minuscule stade de Malabo, d'une capacité d'à peine 15 000 places, ne se prêtait sans doute pas à l'organisation d'une rencontre du pays hôte, surtout dans un tel contexte avec une pression énorme sur l'arbitre. La CAF avait déjà décidé de délocaliser à Bata, qui possède une enceinte de 30 000 sièges, le quart de finale de la Guinée équatoriale, initialement prévu à Ebebiyin. Mais elle avait refusé de répéter la même opération pour les demi-finales pour ne pas être accusée de favoriser le pays organisateur. La Guinée équatoriale aura encore une autre partie à disputer dans sa capitale, aujourd'hui face à la RD Congo, pour le gain de la troisième place. Mais sa sortie du tournoi a écorné pourde bon l'image d'une compétition qui avait déjà connu un épisode rocambolesque avec un tirage au sort organisé à la hâte et dans une totale improvisation pour départager la Guinée et le Mali au premier tour. «Je suis vraiment triste», a expliqué le sélectionneur argentin du Nzalang Nacional Estéban Becker alors que l'attaquant Emilio Nsue a déclaré «être désolé au nom de toute l'équipe». «Je n'avais jamais joué dans ce genre d'ambiance», a-t-il ajouté. Le Ghana, qui a ajouté un troisième but par André Ayew (76e), a, lui, gagné le droit de défier en finale la Côte d'Ivoire, demain soir à Bata, et va tenter d'ajouter une cinquième couronne à son prestigieux palmarès, 33 ans après la dernière. Mais il se souviendra longtemps de cette soirée mouvementée.