De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Après avoir, pendant quatre ans, préparé les peuples européens au démantèlement du régime syrien, à la fin de Bachar, à l'impossibilité de dialoguer avec un «boucher», Bruxelles revoit ses plans. Et prépare sa reconversion. Les pourparlers avec Al Assad ont repris au niveau des renseignements, de la diplomatie secrète et, d'ici peu, les ambassades des 28 ouvriront à Damas. Pour celles qui ont fermé et quitté les lieux. Pour les autres rien ne change, les relations suivront leur cours, normal, naturel. Déjà, l'on n'entend guère plus parler de cette nébuleuse d'Etats «Amis de la Syrie». En définitive, une coalition de régimes brumeux d'Orient et du Maghreb (Arabie Saoudite, Qatar, Maroc) sous la coupe des USA pour en terminer avec une république laïque, moderne, où le religieux est séparé du politique, le chrétien y est l'égal du musulman ou du non-croyant, où la femme est un citoyen à part entière... alors que chez les agresseurs «amis de la Syrie», c'est un être entièrement à part. Il s'est passé quelque chose de fondamental pour que cette évolution ait lieu. En fait, plusieurs choses. Il y a d'abord la résistance héroïque des Syriens dans toutes ses composantes et l'intelligence, travaillée par des millénaires d'histoire et de souffrances des Levantins du pays d'Adonis. Les habitants de ce pays meurtri ont, très vite, saisi la nature et les objectifs des anti-Bachar. Hordes de djihadistes équipés, armés et instruits par la CIA et le Mossad, prédicateurs à l'image du sinistre Qaradhaoui d'Al-Jazeera—Qatar à la solde de l'impérialisme et du sionisme et, il est vrai, aussi, une minorité de Syriens, sincères et honnêtement partisans d'un changement démocratique du régime. Cette dernière catégorie a vite été balayée des terrains de combats et médiatiques. Les commanditaires et exécutants du complot contre la Syrie ont commis une autre erreur d'appréciation. L'armée de Bachar n'a pas éclaté et les officiers félons n'ont pas été nombreux à rejoindre les commandos de la mort, de la destruction, de la sauvagerie. Bachar Al Assad a, au contraire, pu élargir sa base de sympathie auprès d'autres franges de la population qui, au départ, lui étaient hostiles. Aujourd'hui, les chrétiens, toutes chapelles confondues (grecs orthodoxes, Eglises latines d'Orient, Maronites, Assyriens, Chaldéens, Arméniens, Araméens, Coptes, fidèles du pope de toutes les Russies), les musulmans, chiites, sunnites, kharedjites, communautés polythéistes, Yazidis, Yéménites, Houtistes, Egyptiens, les associations de femmes, la petite et moyenne bourgeoisie citadine, les libéraux en charge du commerce international, les universitaires, les populations rurales que le terrorisme djihadiste a ruinées, tout ce monde est acquis au régime. Les djihadistes criminels ne recrutent presque plus dans les populations syriennes. Les hordes sauvages sont alimentées d'ailleurs de l'étranger proche (Turquie, notamment) ou de l'Occident (Europe). La Syrie attend avec impatience le jour où elle en découdra avec les assassins. Ce jour est proche. D'où les inquiétudes des pays de l'Union européenne qui veulent, coûte que coûte, reprendre le fil du dialogue avec Bachar. Les Américains, toujours en avance d'une guerre ou d'une paix, ont déjà tracé la feuille de route. Le processus de normalisation passera par l'Iran ; avec Téhéran c'est presque réglé du point de vue américain. L'Union européenne se retrouve, quand elle s'aligne aveuglément sur les USA, avec une main devant et une main derrière. Bruxelles s'est compliqué la tâche avec Bachar en Orient, s'est fourvoyé en Ukraine, perdu ses relations privilégiées avec la Russie, alors que le grand parrain américain tient toutes les cartes. Dans peu de temps, Obama et Poutine se retrouveront autour d'une table de négociations et trouveront des solutions, pas toutes les solutions, mais des solutions quand même, aux dossiers syrien, iranien et ukrainien. Sans l'Europe. Comme toujours...