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L'entretien de la semaine Nadia Chaïd, psychologue scolaire, au soirmagazine :
«Il est regrettable de constater que l'école est un lieu propice au stress»
Dans cet entretien, Nadia Chaïd, psychologuescolaire, explique le stress et son impact sur la vie d'un écolier. Elle dissèque le programme chargé et propose des solutions pour l'épanouissement de l'élève. Soirmagazine : Qu'est-ce qu'on entend par stress ? Nadia Chaïd : En psychologie, le terme stress est utilisé pour évoquer les multiples difficultés auxquelles l'individu a du mal à faire face. En biologie, c'est l'ensemble des réponses physiologiques et psychologiques de l'organisme qui est soumis à des pressions ou contraintes de la part de son environnement. Le stress peut être un facteur positif lorsqu'il permet de mobiliser son énergie pour réussir ou à affronter un problème ou l'éviter. Par contre, il peut être négatif lorsqu'il est quotidien, associé toujours à des exigences, ou que l'on a des difficultés à affronter un problème. Alors, toutes nos capacités sont bloquées jusqu'à ce que l'organisme s'épuise et que surgissent les manifestations somatiques. Que signifie le stress scolaire ? Le stress scolaire n'a pas une signification spécifique à lui, on le définit selon la définition donnée dans ma première réponse. C'est juste qu'on parle beaucoup du stress en milieu professionnel et on aborde très peu le stress à l'école. C'est parce que nous, les adultes, on a du mal à imaginer que l'enfant et l'adolescent aussi peuvent être sujets au stress tout simplement parce que, eux aussi, sont soumis aux exigences parentales, scolaires et sociales. Parentales de par l'éducation et la réussite. Scolaire de par les obligations de l'institution scolaire, les programmes denses, le rythme scolaire, les examens, les performances à accomplir... Et enfin, social de par la situation familiale dans laquelle baigne l'enfant : crise économique, chômage, rupture familiale... La journée d'un élève est remplie de sources de stimulation et de défis, certains arrivent à jongler avec les hauts et les bas de la vie, d'autres, en revanche, éprouvent des difficultés à maintenir un équilibre. Et ces difficultés se manifestent par un trouble du comportement. Quel sont les facteurs qui engendrent le stress scolaire ? Il est regrettable de constater que pour beaucoup d'élèves, l'école est un lieu propice au développement du stress. Les enfants à l'école sont les premières victimes de cet état. Les causes de ce stress sont multiples, la plus fréquente c'est la pression de la réussite et l'évaluation. Tous les enfants se doivent de réussir, c'est pour cela qu'ils vont à l'école. Le système scolaire peut être mal adapté aux besoins de l'enfant. Celui-ci dès la première année du primaire durant laquelle il commence à peine son apprentissage de l'écriture et du calcul, il lui est imposé encore d'autres matières comme la technologie, l'éducation civique et islamique. Sans parler des autres matières qu'il aura en plus en troisième année du primaire jusqu'à la cinquième. Ceci sans évoquer ce qu'il aura à subir au collège et au lycée comme programme dense, un temps scolaire très long et concentré qui ne laisse pas le temps aux enfants de vivre le présent, de mûrir chaque étape de leur vie. On gave nos enfants d'informations dès l'âge de six ans, et on arrive à la conclusion que notre système scolaire cherche, comme dit Montaigne, «Des têtes bien pleines plutôt que des têtes bien faites». Le stress peut aussi venir du côté des enseignants, eux aussi peuvent être générateurs de stress de par leur autorité, leur incapacité de gérer une classe et leur méthode d'enseigner. Certains sont apaisants, d'autres provocateurs dans leur apparence, leur façon d'être et leur langage. Le stress peut être provoqué également par les élèves eux-mêmes. Il peut y avoir le rejet, les insultes, le harcèlement... Il y a aussi la recherche continue de la performance (évaluation, concurrence, compétition avec ses notations et ses remarques..). D'autant plus que les contrôles continus se font, pour la plupart, sur les leçons apprises, c'est-à-dire l'élève doit apprendre par cœur des informations et les recracher. On demande toujours à l'enfant d'être productif, toujours plus de devoirs, toujours travailler sans discuter avec un minimum de temps entre les cours. Il faudrait imaginer la pression pour un enfant de six ans ou pour celui de onze ans, nouvel élève au collège, ou bien encore pour un enfant de quinze ans nouveau au lycée. C'est la même spirale mais qui s'empire parce que vient ensuite le stress de l'orientation et du métier. Certains parents valorisent trop l'école, ils mettent la pression sur l'enfant pour qu'il réussisse à tout prix, surtout s'il est en classe d'examen. Si l'enfant sent qu'il n'a pas les capacités de réussir sa scolarité, c'est encore plus difficile pour lui. Il doit gérer non seulement son propre stress mais aussi celui de ses parents. Il y a aussi certains jugements de valeur négatifs de la part des enseignants par exemple, ou par les parents eux-mêmes qui influencent fortement le parcours scolaire de l'enfant. Il ne faut pas aussi omettre l'ennui dans la classe qui engendre passivité, comportement et attitude non conformes mais aussi étouffement du désir de savoir. Les conditions de scolarité peuvent aussi être source de stress. Un espace scolaire étroit, compartimenté et fermé engendre agressivité, conflit, agitation et malaise. Comment se traduit le stress chez l'enfant ? Il est possible de se rendre compte qu'un enfant vit un stress important par la façon dont il se comporte à l'école. On remarquera que son comportement est irritant, parce qu'il est apparent et dérangeant pour l'ensemble de la classe. Certains peuvent réagir physiquement à divers situations stressantes, telles que les maux de ventre, maux de tête, tic nerveux, se ronger les ongles, entortillage des cheveux, constipation ou diarrhée, grincement de dents, incapacité à dormir, hyperactivité, agressivité. Comme elle peut être une réaction émotionnelle telle que le refus ou la peur d'aller à l'école, les pleurs, l'irritabilité. Par pression, un enfant peut prendre une attitude passive solitaire, cesse d'agir, évite de s'investir, l'absentéisme scolaire ou l'abandon des activités sociales, le manque de confiance en soi qui vient de l'impression qu'il n'est pas à la hauteur et ne cesse de se mettre la pression pour ne pas décevoir. Il y a aussi l'anxiété. L'enfant veut bien faire, il est en quête de perfection par peur de l'échec. Il est à citer aussi l'hyperactivité. Un enfant hyperactif est incapable de rester concentré sur un sujet, de même que l'enfant renfermé sur lui-même. Il est rêveur et passif. Un stress excessif peut avoir un effet dramatique sur l'apprentissage. Il peut nuire aux fonctions exécutives comme l'attention, la mémoire, l'organisation... Comment gérer le stress pour pouvoir le dépasser ? Si les parents remarquent que leur enfant est stressé, il faut entamer un dialogue avec lui, chercher les causes de son stress et reconnaître les sources, parler des moyens et trouver des solutions. Il faut s'assurer qu'il doit suffisamment dormir la nuit et qu'il dispose d'un certain temps de repos dans son horaire. Il faut lui laisser le temps de jouer. Il faut aussi encourager une activité physique. Il faut éviter les mots susceptibles de le blesser ou de le dévaloriser. Eviter surtout les comparaisons. Il y va de la confiance en soi de nos enfants. Lorsque l'enfant se met à travailler à la maison il faut lui donner envie d'apprendre, éveiller sa curiosité plutôt que de lui imposer. Les parents ne sont pas les seuls à éduquer leurs enfants, c'est pour cela qu'il faut communiquer avec les autres co-éducateurs (enseignant, grands-parents, nourrice...). Chaque enfant évolue à son rythme : il peut avoir des blocages, comme il peut avoir des facilités. C'est pourquoi il faut valoriser ses efforts sans se focaliser sur les défaites. Les parents et les enseignants peuvent se montrer autoritaires sans être «écrasants». Certes, un enfant a besoin de repères, d'une autorité mais sans violence, une autorité cohérente expliquée. Incontestablement, il y a pression mais elle est bénéfique lorsqu'elle est adaptée aux compétences de l'enfant, le stress qu'elle peut déclencher est positif. Quelles sont les autres astuces pour évacuer le stress chez l'enfant ? L'école est un passage obligatoire pour tous les enfants, mais il ne faut pas qu'elle soit un poids lourd à porter de par la surcharge du travail scolaire imposé. Il faut qu'on apprenne à l'enfant comment organiser et gérer son temps : les devoirs, les loisirs et le temps de repos. Il est décevant de voir que le seul souci du secteur de l'éducation face à cette surcharge est l'allègement du poids du cartable au niveau des deux premières années de l'enseignement primaire, et négliger de se pencher sur les rythmes scolaires trop élevés dans l'enseignement moyen et secondaire ou l'alternance temps de travail et temps de repos est inégale dans la journée d'un enfant. Il faut que le but de l'école soit d'apprendre aux élèves à apprendre. On ne peut pas leur transmettre toute l'information, c'est comme ça qu'on peut diminuer du temps scolaire et laisser plus de temps à d'autres activités. Notre souhait est qu'on arrive à un système scolaire qui valorise les progrès sans notation afin d'enrayer la recherche de performances et mettre en place le désir de savoir et la recherche de la connaissance. Une pédagogie où l'apprentissage individuel et collectif permet de relier vie et savoir scolaire et n'engendre pas l'ennui et la lassitude.