Un Etat de droit se construit avec un système judiciaire indépendant et efficace. Un pays comme l'Algérie dont la justice est paralysée par de nombreux dysfonctionnements ne peut pas assurer le fonctionnement démocratique de ses institutions. Dans un tel contexte, les citoyens perdent confiance en leurs élus, et la crédibilité de la justice est sérieusement entamée. Cette situation fait le lit de la corruption avec toutes les conséquences sociales, politiques et économiques qu'elle engendre. Garantir l'indépendance de la justice suppose une exigence de probité pour le corps des magistrats, des juges et des auxiliaires de justice. Une justice indépendante, compétente et intègre peut à son tour être garante de l'efficacité du dispositif légal de lutte contre la corruption. Le principe d'indépendance protège les institutions judiciaires des pouvoirs exécutif et législatif et constitue l'essence même du concept de la séparation des pouvoirs. La consécration de ce principe ne s'accompagne pourtant pas toujours de la reconnaissance de la justice en tant que pouvoir distinct par rapport à l'exécutif et au législatif. Allégeance au pouvoir politique Le principe d'indépendance ne se limite pas seulement à protéger les magistrats contre d'éventuelles pressions de l'exécutif, mais s'applique aussi à toutes les autres formes de pressions possibles. En Algérie, et dans beaucoup d'autres pays, les pressions subies par les juges, volontairement ou à leur corps défendant, sont d'origines diverses et ne proviennent pas seulement du pouvoir politique ou des autres pouvoirs constitutionnels. L'intégrité des magistrats, incompatible avec une quelconque forme d'allégeance au pouvoir politique ou à d'autres forces de pression, est consubstantielle à leur indépendance. Dans la pratique, en dépit de la consécration généralisée du principe d'indépendance du juge, on constate qu'il est très souvent fréquent de porter atteinte à sa neutralité par de nombreux procédés qui sont souvent liés à son statut : nomination, mutation, promotion, déroulement de carrière, formation, etc. Il est donc essentiel que les magistrats, tout en disposant des garanties que la loi confère à tous les fonctionnaires, bénéficient d'un statut adapté à leur fonction. Encore faudrait-il que l'administration ne piétine pas ce statut. L'influence des supérieurs hiérarchiques Cette influence des chefs sur la conduite des magistrats est particulièrement aisée en ce qui concerne les magistrats du parquet. Ceux-ci ne bénéficient pas de la règle d'inamovibilité et relèvent d'une structure hiérarchisée qui est souvent placée sous l'autorité directe du pouvoir politique. Ce dernier peut être tenté d'user de l'autorité hiérarchique pour protéger certaines personnes ou faire pression sur d'autres. Dans le domaine de la lutte contre la corruption en particulier, l'autorité politique peut donner des instructions pour empêcher la poursuite d'auteurs d'infractions notoirement connus ou, à l'inverse, salir la réputation d'opposants politiques par l'engagement de poursuites injustifiées à leur encontre. Dans d'autres cas, la poursuite de telles infractions ne peut être déclenchée que sur ordre exprès de l'autorité politique, ce qui met à l'abri tous ceux qui bénéficient de protections politiques. L'ensemble de ces éléments contribue à créer un environnement propice ou non à l'indépendance du corps de la magistrature et, de manière subséquente, à favoriser ou non la corruption dans l'appareil judiciaire. Au-delà des règles mises en place, il faut aussi préciser que la valeur personnelle du juge est souvent déterminante, les principes d'indépendance et d'intégrité étant aussi une question d'état d'esprit individuel.