Cafouillage dans la mise en œuvre de la réglementation régissant l'activité des concessionnaires automobiles. Les domiciliations des commandes de véhicules neufs ont été suspendues par des banques, en l'absence de clarification concernant le contrôle de conformité. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Régie par un décret exécutif pris le 8 février 2015 et par un arrêté du ministère de l'Industrie et des Mines, signé le 23 mars suivant, l'activité des concessionnaires de véhicules neufs pâtit d'un cafouillage. Outre les dispositions portant sur les normes et équipements de sécurité, cet arrêté ministériel fixe l'obligation pour les concessionnaires automobiles de procéder à la domiciliation bancaire des commandes de véhicules (automobiles, remorques, semi-remorques et engins roulants) neufs introduits. Ainsi, des concessionnaires ont pu domicilier leurs commandes au niveau de plusieurs banques tant publiques que privées, par l'ouverture de lettres de crédit notamment. «Nous réalisons normalement nos opérations de domiciliation», assure le patron du groupe Ival, représentant officiel de plusieurs marques et membre dirigeant de l'Association des concessionnaires automobiles d'Algérie (AC2A), Mohamed Baïri. Au-delà des commandes réalisées avant la promulgation du décret exécutif et même la signature de l'arrêté ministériel, les domiciliations bancaires ont été effectuées sans ancrage juridique réel. Certes, «les banques se conforment à la législation et la réglementation en vigueur», assurera, contacté hier, le délégué général de l'Association professionnelle des banques et établissements financiers (Abef), Abderrazak Trabelsi. «Nous sommes dans l'obligation de tenir compte des textes en vigueur», dira-t-il. Néanmoins, les établissements de crédits ont opéré sans que l'arrêté ministériel ne leur soit notifié, d'une manière ou d'une autre. Une absence dont les banques se sont accommodées pour certaines. Certes, l'arrêté a été signé par le ministre de l'Industrie, diffusé sur le site internet du ministère de l'Industrie et des Mines et rendu public par voie de presse. Toutefois, ce texte n'a pas été publié au Journal officiel, aucun numéro de cette publication n'ayant encore paru jusqu'à la date d'hier. Or, dans la mesure où les véhicules neufs concernés par les dispositions de l'arrêté ministériel doivent avoir été introduits sur le territoire national au plus six mois après la publication de l'arrêté, une situation de flou en résulte. Un flou qui profite à certains opérateurs et nuit à d'autres mais au détriment des acquéreurs. Or, cette situation de flou risque de s'exacerber davantage. Le ministère de l'Industrie vient, semble-t-il de signifier aux établissements bancaires qu'il leur revenait de vérifier, contrôler la conformité des véhicules avant de procéder à la domiciliation des commandes. Pourtant, ce contrôle de conformité ne relève pas de la vocation de la banque, observera tant le délégué général de l'Abef que moult professionnels et praticiens du crédit. Ce contrôle de conformité relève plutôt des prérogatives du département d'Abdesselam Bouchouareb, essentiellement la direction des mines et ses ingénieurs habilités, considère-t-on. Un contrôle qui s'effectue actuellement sur un prototype de véhicule, dans des conditions de fiabilité et d'efficience assez incertaines, douteuses. De surcroît, l'Algérie ne dispose pas réellement d'un dispositif efficace d'homologation et de normalisation, une vocation que le laboratoire national d'essais, encore en cours de réalisation, est censé assumer même si elle transcende ses missions. Voire, il revient à la Banque d'Algérie, autorité de contrôle et de supervision bancaire et financier, de trancher en matière d'opérations et transactions bancaires, préservation des deniers publics, contrôle des changes... Dans ce contexte, l'association professionnelle bancaire a décidé, jeudi dernier, de «surseoir» à toute opération de domiciliation des commandes, en attendant que le ministère «définisse les procédures relatives au contrôle de conformité», indiquera le délégué général de l'Abef. Ainsi, les domiciliations des commandes de véhicules neufs ont été suspendues par des banques, en l'absence de clarification concernant le contrôle de conformité. Une question que l'association professionnelle a dû certainement débattre avec le département d'Abdesselam Bouchouareb, lors d'une séance de travail qui devait réunir leurs représentants. Une rencontre lors de laquelle l'Abef a dû certainement exprimer son souci d'arriver à une solution conforme aux intérêts des établissements de crédits, des opérateurs et des acquéreurs. Soit une solution à même de lever la situation de blocage qui prévaut dans quelques ports de déchargement et de permettre aux acquéreurs de réceptionner leurs véhicules. Cela étant, la décision de suspension des opérations de domiciliations a été notifiée par l'Abef aux banques de la place via une correspondance adressée jeudi soir. Une correspondance qui invite les banques à contrôler la présence d'une attestation de conformité délivrée par l'administration des mines dans le dossier de demande de domiciliation. Néanmoins, une décision de suspension qui risque d'être inapplicable, faute d'ancrage juridique (publication de l'arrêté ministériel au Journal officiel....). «Sur quelle base appliquera-t-on cette décision ?», s'interroge un banquier. Les banques joueront-elles toutes le jeu ? Rappelons que la refonte du dispositif régissant l'activité des concessionnaires automobiles neufs a été motivée, selon le ministère de l'Industrie et des Mines, par «les insuffisance relevées sur le terrain», outre «la nécessité de rechercher des retombées industrielles pour un marché en expansion». Or, des insuffisances que le département d'Abdesselam Bouchouareb accentue en imposant le contrôle de conformité aux établissements avant toute domiciliation bancaire. Cela même s'il serait question de rectifier le terme domiciliation par ouverture de lettre de crédits.