Par Ma�mar FARAH http://farahblog.ift.cx Pourquoi l'amnistie g�n�rale ? La question peut sembler saugrenue � un moment o� un large consensus s'est d'ores et d�j� dessin� autour de cette nouvelle entreprise, consid�r�e comme une option fondamentale du nouveau programme pr�sidentiel. Mais, cette question doit �tre pos�e pour plusieurs raisons : d'abord, parce que rien, dans le paysage de l'apr�s 8 avril ne semble justifier pareil choix et l'on aurait pu se satisfaire d'une r�conciliation nationale qui, succ�dant � la concorde, puis � la r�conciliation civiles, �tait largement suffisante pour traduire dans les faits les promesses du candidat Bouteflika. Ensuite, parce que la r�alit� du terrain — et la r�cente d�capitation du GIA est venue le confirmer — a totalement chang� par rapport aux ann�es pr�c�dentes. Par ailleurs, l'amnistie g�n�rale, dans sa philosophie comme dans ses objectifs avou�s, ne semble pas en mesure d'apporter une solution d�finitive au probl�me d'un terrorisme, pour une fois r�ellement "r�siduel". Les quelques troupes d'irr�ductibles qui restent dans les maquis et qui ont d�j� d�clin� toutes les pr�c�dentes offres, ne nous paraissent pas pr�tes � accepter cette �ni�me proposition du pouvoir pour mettre un terme d�finitif � plus de dix ann�es de terrorisme aveugle. Enfin, nous ne voyons pas tr�s bien quel b�n�fice politique pourrait tirer le pouvoir d'une entreprise qui vise, entre autres, � blanchir des criminels qui ont perp�tr� � l'encontre du peuple les crimes les plus abjects et les plus abominables qu'ait connus l'histoire contemporaine. Pourtant, nous sommes certains que le r�f�rendum qui sera organis� autour de cette question conna�tra une adh�sion totale et se soldera par un "oui" massif. Il n'y a jamais eu de r�ponses n�gatives � une consultation �lectorale propos�e par la pr�sidence de la R�publique. Et cette fois-ci, plus que les autres, le consensus est presque quasi g�n�ral au sein de la classe politique et de la soci�t� civile. Les quelques voix discordantes qui se font entendre �a et l� ne nous semblent pas capables de peser sur le choix populaire, d'autant plus que tous les moyens de l'Etat, publics et parapublics, seront mobilis�s pour orienter le choix des �lecteurs, avec la super-puissance des moyens d'information lourds qui ont commenc� d�j� une vaste et profonde campagne pour l'amnistie g�n�rale. Donc, il ne s'agit pas encore une fois de prendre nos d�sirs pour la r�alit� et de penser b�tement que nos choix d'"intellectuels" sont forc�ment ceux du peuple. Mais, nous devons dire tout haut ce que nous pensons de cette op�ration de mystification et de fuite en avant qui ne r�glera pas le v�ritable probl�me du terrorisme et de l'islamisme rampant dans notre soci�t�. Bien au contraire, l'amnistie g�n�rale est une aubaine pour un courant qui a �t� vaincu par l'h�ro�que r�sistance du peuple alg�rien et de ses �lites qui ont vaillamment d�fendu la R�publique et la d�mocratie contre les forces de la r�gression. L'amnistie g�n�rale va � contre-courant de l'histoire et n'est pas du tout l'aboutissement logique d'une d�cennie de lutte entre les partisans du progr�s et ceux du recul. Au lieu du match nul qui nous �tait propos� au d�but, et qui �tait d�j� inadmissible, on s'achemine aujourd'hui vers un sc�nario plus ignominieux encore qui lavera totalement de leurs crimes les hordes sauvages qui ont terroris� nos campagnes et tu�, pill�, viol�, br�l� ! Un sc�nario qui ferait se retourner dans leur tombe toutes les victimes de cette guerre qui a �t� impos�e � notre peuple par des mouvements extr�mistes qui ne s�ment derri�re eux que la destruction et la ruine ! L'amnistie g�n�rale, inutile politiquement, inacceptable moralement, est la plus mauvaise issue pour cette p�riode mouvement�e qui marquera � jamais des g�n�rations enti�res. Car, elle risque d'encourager les sponsors politiques du terrorisme � r�cidiver, eux qui n'ont jamais perdu espoir, eux qui s'attachent � transformer leur d�route politique en victoire, eux qui trouvent dans le discours et les agissements du pouvoir des encouragements pour reprendre leurs activit�s. On les trouvera aux premi�res lignes des d�fenseurs de l'amnistie g�n�rale qui leur donnera, enfin, cette tribune r�v�e pour distiller leur venin � nouveau et tenter de nous faire revivre le cauchemar du d�but 1990. Et le danger sera cette fois-ci plus grave puisque les forces �clair�es, en jonction avec l'arm�e r�publicaine, sont pratiquement disloqu�es apr�s une �lection pr�sidentielle qui a �t� une remarquable op�ration de manipulation. A moins que tout cela n'ait �t� programm� dans le cadre des accords qui auraient �t� pass�s entre Bouteflika et l'arm�e peu avant l'�lection du 8 avril. Ce qui donne � l'amnistie g�n�rale une tout autre dimension dans la mesure o� elle concerne aussi — et surtout — l'institution militaire accus�e d'�tre impliqu�e dans le dossier des "disparus" qui continue d'envenimer la vie politique nationale et d'�tre exploit� par divers milieux hostiles � notre pays. L'amnistie g�n�rale serait alors dirig�e en priorit� vers tous les officiers de l'arm�e et des services de s�curit� d'une mani�re g�n�rale impliqu�s dans plusieurs dossiers rest�s en suspens. De ce point de vue-l�, l'amnistie permettrait une sortie honorable � tout le monde et fermerait la porte d�finitivement aux �ventuelles poursuites judiciaires qui pourraient �tre men�es contre des personnes qui auraient pu agir en dehors de la loi, dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Du reste, de telles m�thodes ne sont pas l'apanage des services de s�curit� alg�riens, encore faut-il qu'ils aient r�ellement le caract�re inhumain dont certains les affublent. Dans toute lutte contre des mouvements rebelles fondus dans la population, il y a la tentation d'utiliser certaines m�thodes pour soutirer des renseignements utiles et l'histoire des guerres regorge d'exemples de ce type. Qu'elle soit profitable aux mouvements extr�mistes ou/et au syst�me, l'amnistie g�n�rale est une mani�re peu glorieuse de terminer ce qui fut une glorieuse lutte contre l'obscurantisme et les forces de r�gression. On aurait pu se suffire de ce qui existait d�j� et qui �tait extr�mement cl�ment � l'encontre des terroristes. Mais il fallait visiblement faire plus pour bien marquer l'�re nouvelle qui commence et qui devrait �tre celle du large rassemblement et du pardon. Mais � quel prix ?