Se r�concilier, d�accord ! Personne n�est contre. Mais se r�concilier avec qui ? Pour avoir un sens, cette r�conciliation doit se faire entre des antagonistes impliqu�s dans une guerre civile ! Or, il n�y a jamais eu de bataille militaire entre deux parties du peuple ou m�me entre deux mouvements antinomiques sur le plan politique. En v�rit�, ce qui s�est pass� chez nous n�est ni plus, ni moins, qu�une lutte contre l�int�grisme islamiste arm�. L�Etat r�publicain a employ� toutes ses forces l�gales pour mener la guerre contre le terrorisme. Ce combat a �galement mobilis� le peuple tout entier contre. Dans les grandes villes, comme dans les plus petites communes, des patriotes ont pris des armes pour d�fendre l�honneur des leurs, mais aussi la R�publique. Alors, se r�concilier avec qui ? S�il s�agit de se r�concilier avec des terroristes qui ont install� l�horreur, assassin�, tu�, pill�, viol� et d�truit sans retenue l�effort de plusieurs ann�es de sacrifices communs, personne n�est int�ress� par une telle op�ration. Parce que la r�conciliation est une entreprise qui va au-del� du pardon. C�est une v�ritable �uvre politique qui vise � rassembler des points de vue diff�rents pour d�gager un consensus acceptable par tous. Or, que portent comme projet politique ces terroristes ? Accepter, ne serait-ce qu�une seconde, de donner du cr�dit � leurs divagations fondamentalistes, surgies des �ges noirs de l�humanit�, c�est trahir la m�moire de toutes celles et de tous ceux qui ont vaillamment lutt� contre la b�te immonde et perdu leur vie dans ce combat h�ro�que, c�est vouloir travestir l�histoire r�cente et l�aplatir sous le rouleau compresseur de l�amn�sie ! A ce titre, la r�conciliation nationale appara�t beaucoup plus comme une gigantesque manipulation que comme une entreprise politique visant � rassembler les Alg�riens autour d�un programme minimum commun devant conduire notre pays au d�veloppement et � la paix. La v�ritable r�conciliation ne se fait pas avec les terroristes. A ceux-l�, on peut, tout au plus, accorder le pardon ! Mais un pardon de vainqueurs, signe d�une g�n�rosit� qui ne loge que dans les grands c�urs. Une fois jug�s et leurs crimes identifi�s, ils en seront quittes devant l�histoire. Les g�n�rations futures doivent conna�tre la v�rit� et nul n�a le droit de l�occulter sous couvert de quelque politique que ce soit ! Le devoir de m�moire nous impose de garder intactes ces images de l�horreur afin que nos enfants et leurs enfants sachent que ce peuple a vaillamment d�fendu son honneur et qu�il n�a pas h�sit�, encore une fois, � donner les meilleurs de ses fils pour la libert� et l�honneur. Nous avons bien r�agi lorsque le Parlement fran�ais a voulu d�naturer l�histoire et lui donner un sens qui ne correspond pas � la triste r�alit� v�cue par le peuple alg�rien. Pourquoi devrions-nous accepter une op�ration qui vise le m�me objectif pour une p�riode plus r�cente ? Car, nous ne voyons aucune diff�rence entre les deux sursauts populaires : hier, comme aujourd�hui, les combattants de la libert� se sont lev�s avec la m�me d�termination, le m�me esprit de sacrifice, le m�me cri de r�volte contre ceux qui veulent soumettre ce peuple et l�opprimer. Hier, contre un ordre colonial injuste et despotique ; aujourd�hui contre une philosophie int�griste et fascisante. Karima, la polici�re abattue par les terroristes, est la digne h�riti�re de Hassiba Ben Bouali. C�est aussi simple que cela. Trahir Karima, c�est trahir Hassiba. La r�conciliation nationale ne peut avoir de sens et aboutir aux r�sultats escompt�s que si elle int�gre tout notre pass�, en commen�ant par la p�riode coloniale. Se r�concilier avec nous-m�mes, c�est ressortir tous les vieux dossiers dont on ne parle jamais mais qui continuent de nous hanter comme des fant�mes. La r�conciliation nationale, c�est poser courageusement la question des harkis ? Voil� une v�ritable op�ration de r�conciliation ! Et quoi qu�en disent les gardiens du temple, je trouve qu�il est plus juste, plus humain, de pardonner � un pauvre bougre qui a port� des armes contre son peuple pour nourrir sa famille que de le faire pour quelqu�un qui a mis des b�b�s dans un four et �gorg� des dizaines d�enfants, pour une cause absurde ! On se r�concilie aussi et surtout avec ceux qui nous ont trahis. C�est m�me le sens philosophique de la r�conciliation : le vainqueur aurait pu �tre un �tra�tre� s�il avait eu la malchance d��tre vaincu ! Des dizaines de cas de �r�conciliation nationale� dans le monde sont all�s jusqu�au bout de cette logique en rassemblant les ennemis d�hier autour d�un destin commun ! Mais que veut-on faire chez nous avec la r�conciliation nationale ? Prendre une photo souvenir de nos responsables avec les �mirs sanguinaires ? Ou r�habiliter politiquement un mouvement politique dissous ? Encore que si on le faisait, en traitant uniquement avec les leaders politiques islamistes qui n�ont rien � voir avec la trag�die des ann�es 90, cela pourrait �tre compr�hensible ! Comme seraient acceptables � et m�me indispensables � une r�conciliation avec les grands mouvements politiques de l�opposition, en �vitant toutefois de les fourvoyer dans des op�rations pl�biscites franchement grotesques ! La r�conciliation nationale ne peut �tre positive et productive que si elle se fait dans un climat de sinc�rit� politique, or nous savons par exp�rience que les politiques sont les hommes les plus sournois de la plan�te. Pour le pouvoir actuel, la r�conciliation est tout juste une campagne dont l�objectif est de cr�er un vaste soutien populaire autour du pr�sident de la R�publique, avec � la cl� une nouvelle stature de rassembleur. On semble privil�gier la forme et ignorer le fond. Comme � leur habitude, les partis de la majorit� (toujours les m�mes et ils ne risqueront jamais d��tre du mauvais c�t� de la barri�re) �chauffent le bendir� autour de la r�conciliation, mais personne n�est en mesure de vous en d�tailler le programme. L�essentiel est de remplir la salle. Et le film qui sera projet� ? O� est l�affiche? O� sont les affichettes ? L�histoire ? Personne ne r�pond. Remplissez la salle, et puis, on verra ! De toute fa�on, vous connaissez le h�ros ! On verra pour le reste� En Afrique du Sud, la r�conciliation nationale a permis de mettre un terme pacifiquement au r�gime de l�apartheid. Entre la minorit� blanche et la majorit� noire, il y avait une guerre. Le r�gime de la s�gr�gation raciale �tait une insulte � la dignit� humaine. Combattu par les patriotes sudafricains, ce r�gime a su s�effacer honorablement en conduisant une politique courageuse de r�conciliation nationale qui a permis d�instaurer une v�ritable d�mocratie. Au Soudan, on peut parler d�une v�ritable r�conciliation nationale dans la mesure o� des parties qui �taient oppos�es militairement, dans une v�ritable guerre civile, sont associ�es au pouvoir pour une p�riode transitoire. Cette parenth�se servira � mettre en place les textes fondamentaux et les institutions d�une v�ritable d�mocratie. On peut citer d�autres cas. Chez nous la r�conciliation nationale semble �tre une simple op�ration de �raccord� entre deux s�quences qui couvrent grosso modo les deux mandats pr�sidentiels. Il s�agit, encore une fois, de �mobiliser� le peuple autour d�une op�ration �d�importance capitale� pour l�avenir du pays. J�aime entendre le responsable d�une organisation d�enfants de chouhada, lorsqu�il s��poumone � d�montrer que l�amnistie est une condition sine qua non du d�veloppement du pays. Je ne vois pas comment, lui si. Dans ce moment de grand vide politique, un vide si effrayant qu�il nous fait oublier toutes nos difficult�s pass�es, la r�conciliation et l�amnistie sont deux chansons qui peuvent peupler la saison des succ�s ; mais comme les tubes d��t�, elles ne vivront pas longtemps parce qu�elles sont en d�calage avec la r�alit�. Certes, la philosophie qui les sous-tend est s�duisante (qui peut-�tre contre la paix, la concorde, le pardon ?), mais elles manquent cruellement de consistance et, pire, de perspectives. Il nous semble qu�elles ont pour objectif de d�tourner l�attention sur les vraies questions de l�heure : la lente et insupportable chute du pouvoir d�achat des Alg�riens, leurs conditions de vie insupportables, la d�gradation de la prise en charge sanitaire, l�absence d�espoir chez les jeunes, le bradage des richesses naturelles et publiques comme les mines et les entreprises publiques. Voil� des domaines o� l�on peut cr�er les conditions d�une r�elle r�conciliation nationale, en �vitant les �carts trop larges entre ceux qui gaspillent des millions dans un repas et ceux qui ne mangent pas � leur faim. M. F. P. S. 1 : L�Alg�rie immortelle, libre et d�mocratique, celle voulue par les chouhadas d�hier et d�aujourd�hui, te sera �ternellement reconnaissante, Hachemi Ch�rif, l�homme humble et honn�te qui a consacr� toute sa vie � la d�fense des ouvriers et des sans-grade ! Adieu, patriote ! P. S. 2 : A Benchicou, grand ami du d�funt, nous disons �courage !� La vie, ce sont aussi ces moments de douleur et d�abattement. Mais c�est aussi un immense arc-en-ciel qui annonce des lendemains meilleurs. Un arc en ciel qu�aucun juge ne peut envoyer en prison, parce qu�il vit au fond de nos c�urs. Laisse ses couleurs exploser dans ta cellule, laisse l�espoir habiller les jours et les nuits qui te restent � passer l�-bas ! Les hommes peuvent t�oublier. Dieu ne t�oubliera pas�