Les r�publicains et les d�mocrates ont �t� la principale force qui a fait capoter les projets d'an�antissement de l'Alg�rie r�publicaine. Cette force a lutt� pour que la R�publique alg�rienne d�mocratique et populaire ne sombre pas. Ils ont mis la d�fense des valeurs r�publicaines au-dessus de toutes les autres consid�rations. Parmi ces principes constants, figure en bonne position la sauvegarde des maigres acquis de la d�mocratie politique b�tie apr�s le 5 octobre 1988. Pour r�aliser cette t�che historique, cette force a mis de c�t� ses diff�rends id�ologiques et toutes les chicanes th�oriques qui caract�risent g�n�ralement la vie politique. Au cours de la longue d�cennie de feu et de deuil qui fut �galement celle de l'espoir, il y n'y avait qu'une seule priorit� : sauver la r�publique ! Une fois cette cause sacr�e accomplie, il aurait �t� normal que le d�bat id�ologique reprenne le dessus et que les diff�rentes formations politiques reviennent � la ligne de d�part, c'est-�-dire qu'elles reprennent leurs identit�s politiques. Car, il serait illusoire de penser qu'une parade agit�e autour d'une vague amnistie g�n�rale peut constituer un programme politique alternatif. Le d�bat de fond doit invariablement tourner autour des nouveaux choix impos�s � notre pays. Les partis doivent se d�finir clairement par rapport � ces questions cruciales, au lieu de se cacher derri�re le soutien au programme du pr�sident de la R�publique ! Aujourd'hui, toute la classe politique est appel�e � se prononcer sur la politique ultralib�rale en cours, politique qui �loigne l'Alg�rie ind�pendante de ses textes fondateurs, comme la charte de Tripoli, et de l'esprit m�me de la r�volution de Novembre. S'il est admis que des r�formes audacieuses — retard�es pour diff�rentes raisons — doivent �tre n�cessairement men�es pour �mettre � niveau� un pays qui a longtemps v�cu de la rente p�troli�re, il semble que l'on ait confondu ouverture avec ultralib�ralisme. Cette politique ne r�glera pas les probl�mes fondamentaux de l'Alg�rie. L'exp�rience a lamentablement �chou� dans des pays mieux pr�par�s et il n'y a pas de raisons qu'elle r�ussisse ici. Curieusement, nos dirigeants d�couvrent les bienfaits de cette politique au moment m�me o� les n�olib�raux eux-m�mes commencent � douter du bien-fond� de leur th�orie et qu'une r�flexion en profondeur s'instaure, aussi bien dans les pays d�velopp�s que dans le Tiers-Monde, sur la n�cessit� de revoir les th�ories d'une lib�ralisation � outrance. Pour preuve, les secousses provoqu�es par les votes fran�ais et n�erlandais sur le projet de Constitution europ�enne et l'�mergence d'un fort mouvement social et citoyen qui bouscule l'ordre �tabli, ainsi que les soubresauts qui secouent l'Am�rique latine ou les interrogations d'une Asie revenue des chim�res d'un capitalisme qui a subitement perdu de sa superbe derri�re les vitrines de luxe. En fait, une question se pose aujourd'hui � nos �lites politiques : le soutien de l'amnistie n'est-il pas aussi le soutien d'un programme politique — refil� en formule concomitante — qui met en p�ril les �quilibres sociaux, cr�e un large foss� entre une minorit� de riches et une immense majorit� de d�sh�rit�s, r�duit la classe moyenne et installe davantage d'exclusion et de marginalisation qui agiront, t�t ou tard, comme l'�tincelle qui rallumera la m�che ? A l'ouvrier qui pose le probl�me d'un salaire qui est certainement le plus bas du Bassin m�diterran�en : une r�ponse du style �il faut d'abord soutenir l'amnistie� est-elle convaincante ? Les producteurs honn�tes qui ont r�sist� � la tentation de l'import-import et qui sont totalement d�laiss�s par l'Etat, seront-ils satisfaits par cette formule toute faite: �La r�conciliation est la solution � tous nos probl�mes� ? Il faudra bien se prononcer un jour sur ces choix, dans la clart� d'un positionnement id�ologique et d'un ancrage politique qui permettront � chacun d'affirmer clairement son orientation. Quant � ceux qui, du haut du gouvernement, agitent des th�ories pr�nant l'abandon de l'id�ologie et favorisant la technocratie, il serait utile de leur rappeler que leur politique porte bien un nom et que l'id�ologie qui supporte leur programme �conomique est trop connue pour qu'ils s'en cachent! Quant aux autres partis de l'opposition, et notamment ceux qui continuent d'afficher une �tiquette de gauche, le temps est, nous semble-t-il, venu de se �mouiller� davantage car il y a p�ril en la demeure. Le PT de Louisa Hanoune le fait bien ! Une prise directe avec la r�alit� socio�conomique et l'abandon de �l'enfermement� th�orique et intellectualiste leur ouvriraient les portes d'un travail politique efficient et rentable � moyen terme. Qu'ils sachent surtout que si la R�publique a �t� sauv�e, on ne peut pas dire autant des ouvriers, des mineurs, des femmes de m�nage, des enseignants, des ch�meurs, des agriculteurs qui ne sont pas �dans le coup� du programme d'aide, des fonctionnaires honn�tes et des travailleurs non d�clar�s ! Entre ceux qui font du soutien � l'amnistie leur unique commerce politique et ceux qui continuent de faire de la d�fense de la R�publique leur principale pr�occupation, le risque n'est-il pas r�el d'occulter les v�ritables p�rils qui menacent notre peuple? En d'autres termes, y a-t-il une vraie gauche alg�rienne, capable de transcender ses diff�rends id�ologiques et ses querelles de clocher pour venir au secours des travailleurs et des d�sh�rit�s? Une gauche qui n'aura pas honte de pr�ner la poursuite de la politique sociale de Boumediene — stopp�e par les app�tits des trabendistes qui n'a rien apport� au pays — et qui essayera, par les moyens de la mobilisation pacifique, de rallumer la flamme de la r�volution dans le cœur de ces millions abasourdis par la r�surgence des nouveaux colons, inquiets pour leur avenir et vivant dans une angoisse permanente. Il faut avoir confiance dans la classe ouvri�re, car c'est elle qui a sauv� l'outil de production lorsqu'il fallait garder les usines et s'opposer � ceux qui voulaient les br�ler, c'est elle qui a cr�� la richesse au moment o� le pays n'avait plus les moyens d'importer le minimum vital et que les financiers �trangers se d�tournaient de nous, c'est elle qui a donn� un sens � l'honneur et au patriotisme quand certains pr�f�raient voir les choses de loin ! La d�mocratie ne peut �tre un luxe r�serv� � une �lite de professionnels de la politique engag�s dans des joutes oratoires se soldant toujours par l'in�vitable �Oui� aux projets du pouvoir. Si la d�mocratie ne sert que la cause du capitalisme, en adoptant les lois de d�nationalisation des richesses nationales et instaurant la paup�risation g�n�ralis�e des masses, elle s'�loignerait du sens que nous lui donnons. A quoi serviraient une d�mocratie et une libert� qui ne prendraient pas en charge les int�r�ts de l'immense majorit� des Alg�riens. Et ne faut-il pas revisiter, � la lumi�re de ces grands changements, la c�l�bre phrase du d�funt Amirat : �Entre l'Alg�rie et la d�mocratie, je choisis l'Alg�rie� ? En fait, aujourd'hui se pose le probl�me fondamental du r�le de la politique et de ce que nous voulons faire r�ellement avec la d�mocratie : si elle ne doit servir qu'� appuyer ceux qui gouvernent et dont l'orientation capitaliste ne fait plus aucun doute, autant dire qu'elle ne vaut pas tous les sacrifices men�s pour elle par les anciens et les nouveaux martyrs ! Et d'ailleurs, si notre pays devait ressembler � ces r�publiques autocratiques au service des gros poss�dants, relais des multinationales, autant se poser tout de suite la question de savoir si l'on ne ferait pas mieux de supprimer la formule �d�mocratique et populaire� de l'appellation officielle de notre r�publique ! Les militants socialistes ont aujourd'hui l'occasion de renouer avec les traditions de lutte et de solidarit� qui ont marqu� le long parcours de la grande gauche alg�rienne. S'il est vrai que la surdose de politisation et de discours d�magogiques a cr�� un ph�nom�ne de rejet chez de larges pans du peuple, il reste que cette situation ne saurait justifier l'abandon de la lutte et le laisser faire. La t�che n'est pas facile. Elle est rendue encore plus complexe par le regroupement du p�le pr�sidentiel qui ressemble, par sa philosophie, ses faits et gestes, � un nouveau parti unique. A cette diff�rence que l'ancien parti unique avait une direction coll�giale et ob�issait � une ligne politique claire. Quant au nouveau, il puise son orientation dans les discours d'une seule personne. La t�che est difficile, mais pas impossible. Il faut simplement red�couvrir les m�rites de l'action en vue de remobiliser les travailleurs autour de la d�fense de leurs acquis, s'opposer au bradage de 1200 entreprises, dont beaucoup ont une gestion financi�re saine et faire la jonction avec les mouvements citoyens. Ces derniers ont un grand r�le � jouer et s'ils jugent que le dialogue avec les autorit�s est un bon moyen pour faire aboutir leurs revendications (arouch), ils ne doivent jamais oublier les vertus de la solidarit�. En conclusion je vous invite fraternellement � m�diter ce passage d'un message de Jules Ferry : �Quand l'�nergie passionn�e des consciences ouvri�res a pu, sans aucun droit l�gal, sans aucune ressource d'organisation publique, sauver de l'oubli mortel et du d�sastre d�finitif la libert� et le socialisme, comment ne serait-elle point assur�e de la victoire, disposant maintenant des moyens d'action multiples que le prol�tariat a conquis.� M. F. P. S. : Toi, tu savais que la d�mocratie et la libert� n'avaient de sens que si elles �taient les filles du grand r�ve d'�mancipation de l'ouvrier et du paysan ; comme Le Matin �tait le tendre enfant d' Alger R�publicain.