Les choses sérieuses ont véritablement commencé dans le procès de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest. Magistrat, avocats et détenus ont affiché dès l'entame du procès, leur détermination à aller au bout de cette affaire, qui tient en haleine l'opinion publique depuis des années. La lecture de l'arrêt de renvoi a aussitôt fait plonger l'assistance dans l'énigme-feuilleton du gigantesque projet du siècle. Abder Bettache - Alger (Le Soir) Deux faits marquants ont caractérisé ce premier jour du procès. Le premier est relatif à la constitution de la défense du principal mis en cause dans l'affaire, en l'occurrence M. Chani Medjdoub, alors que le second concerne le «correctif» apporté par le président du tribunal criminel au greffier en charge de la lecture de l'arrêt de renvoi. A ce dernier, M. Tayeb Hellali a demandé de donner le véritable nom d'un des accusés de cette affaire, en l'occurrence le colonel Khaled. «Nous ne sommes pas dans un tribunal militaire», s'est insurgé le président du tribunal criminel. Une observation que l'un des avocats du principal mis en cause, soit Me Amine Sidhoum, a contesté en rappelant au magistrat que «cette appellation est contenue dans l'arrêt de renvoi émanant d'une juridiction qui n'est autre que la chambre d'accusation. Nous devons respecter et appliquer la loi», explique l'avocat. Une réaction que le président du tribunal criminel n'a pas acceptée, portant à la connaissance de Me Sidhoum «je suis responsable de séance et par voie de conséquence, c'est à moi que revient le droit de gérer la séance». L'avocat en question revient à la charge. Il insiste auprès du magistrat et demande au tribunal criminel de lui donner acte. Tayeb Hellali campe sur sa position. Il hausse le ton et rappelle à l'avocat les prérogatives de toutes les parties concernées par ce procès. Cela dit, comme lors du premier procès, les avocats de Chani Medjdoub ont marqué le début du procès. En effet, le collectif des avocats qui s'est déconstitué lors de la première audience a été reconduit par le mis en cause. Un deal a été trouvé entre les différentes parties, et par conséquent, les deux avocats commis d'office par le tribunal criminel se sont retirés, laissant place aux cinq choisis dès le début de l'affaire par Chani Medjdoub. Melzi, Cheb Khaled et la fille de l'ex-patron du groupe Citic-CRCC Sous le regard attentif du président du tribunal criminel, le greffier entame la lecture de l'arrêt de renvoi. Il est 10 h 45 mn, un silence religieux règne dans la grande salle d'audience. Dix minutes avant, le président du tribunal criminel procède à la composition des membres du jury. Sur les six membres tirés au sort, quatre dont deux femmes sont rejetés par la défense. Lecture du serment, le juge donne le coup d‘envoi de la lecture de l'arrêt de renvoi. Moment de vérité. L'historique de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest sera portée à l'attention du grand public. Dans le box des accusés, Chani Medjdoub et cinq autres inculpés sont suspendus aux lèvres du greffier. Certains avocats ont préféré quitter la salle. Il est vrai que l'arrêt de renvoi composé de 152 pages demandera plus de cinq heures pour sa lecture. Des pages qui tracent les contours du scandale. Les importants contacts de Chani Medjdoub, ses «relations avec les hauts responsables de l'Etat», sa «proximité» avec le colonel Khaled, son «entrevue» avec l'ex- secrétaire général du ministère des Travaux publics, son premier contact avec le patron de la résidence d'Etat Sahel Club-des-Pins, le concert de Cheb Khaled au monument Riadh El Feth, sa «relation» avec la fille de l'ex-patron du groupe chinois, autant d'événements ayant marqué le feuilleton de l'autoroute Est-Ouest. Selon l'arrêt de renvoi, les accusés avaient perçu «des pots-de-vin versés par des compagnies étrangères en contrepartie de l'attribution des marchés dans les secteurs des travaux publics et transports». Cela concerne les projets de réalisation de l'autoroute Est-Ouest, le barrage de Kef Eddir dans la wilaya de Tipasa, des tramways et enfin des projets d'ascenseurs à Constantine, à Tlemcen, à Skikda et à Oued Qoriche à Alger. Il est à noter que 27 témoins sont portés sur le rôle de cette affaire et appelés par le président du tribunal. Leurs témoignages seraient, selon la défense, d'un «apport considérable» pour faire «éclater toute la vérité». La lecture de l'arrêt s'est poursuivie tard dans l'après-midi d'hier. Les premières auditions sont attendues pour aujourd'hui. Chani Medjdoub sera le premier à être cité à la barre. Son témoignage tracera les contours du procès. Le grand déballage sera entamé aujourd'hui.