Pour Pep Guardiola, revenir au Camp Nou s'annonce déchirant : l'entraîneur catalan du Bayern Munich va retrouver sa «maison» ce soir (19h45) en demi-finale aller de Ligue des champions, avec le crève-cœur de devoir battre son équipe de toujours, le FC Barcelone. Trois ans après son départ, l'ère Guardiola (2008-2012) est déjà vue en Catalogne comme un âge d'or, une période où le Barça a séduit le monde entier avec l'une des meilleures équipes de l'histoire du football. Pour bien mesurer l'empreinte laissée par le technicien, il suffit de dresser le bilan de ces quatre saisons : quatorze trophées, dont deux Ligues des champions (2009, 2011), un jeu de passes emblématique et l'éclosion d'un petit génie argentin, Lionel Messi, devenu star planétaire. Dans ces conditions, le retour du maître est un événement. «C'est la première fois que je reviens à Barcelone, à la maison. Bien sûr, ce sera spécial pour moi, avec beaucoup d'émotions», a reconnu Guardiola. Pendant près de trois décennies, la trajectoire du Catalan a fidèlement épousé celle du Barça, où Josep Guardiola i Sala a tout connu : ramasseur de balle au Camp Nou, jeune pousse du centre de formation (la célèbre «Masia»), milieu de terrain de la «Dream Team» victorieuse de la première C1 du club en 1992, entraîneur de la réserve (2007-2008)... Toutes les étapes, donc, jusqu'à devenir en 2008 l'entraîneur de l'équipe première, cependant que son ancien équipier Luis Enrique Martinez prenait au même moment les rênes du Barça B. Un Bayern «barcelonisé» Sept ans plus tard, c'est au tour de «Lucho» d'occuper le banc barcelonais, avec l'opportunité de briguer dans les prochaines semaines un fabuleux triplé Liga-C1-Coupe du Roi, déjà réalisé par son ami Guardiola lors de sa première saison (2008-2009). «Ce sera la première fois que je l'aurai en face de moi comme entraîneur, a commenté Luis Enrique. Cela sera spécial pour moi, tout comme pour ses anciens joueurs ici». Lionel Messi, Andres Iniesta, Xavi Hernandez, Gerard Piqué... La plupart d'entre eux sont encore là pour défier leur ex-entraîneur, qui a marqué durablement le style «blaugrana» avant de façonner celui du Bayern sur le même modèle, depuis sa nomination en 2013. Guardiola prône un jeu ambitieux fait de redoublements de passes, de surnombre et de pressing très haut. Un jeu où la possession de balle est l'arme maîtresse. Un jeu que «son» Bayern pratique désormais. Recrutement du prodige barcelonais Thiago Alcantara et d'autres joueurs espagnols (Xabi Alonso, Juan Bernat), repositionnement inattendu du latéral Philipp Lahm au milieu, possession de balle dépassant 70% : avec Guardiola, Munich s'est incontestablement «barcelonisé». Des gifles à effacer Champion d'Allemagne l'an dernier et cette saison, le Catalan a pourtant fait grincer des dents en Bavière, comme celles de Franz Beckenbauer : «Si on continue comme ça, on sera comme le Barça. Plus personne ne voudra nous voir jouer parce que nos joueurs se passeront le ballon jusqu'à la ligne de but adverse», l'a taclé l'ancien «Kaiser». Pour convaincre, Guardiola doit désormais remporter la Ligue des champions et effacer la gifle concédée face au Real Madrid en demi-finale 2014 (1-0, 4-0). Et tant pis si c'est le Barça qui se dresse sur sa route. «J'ai un grand respect pour ce club, mais nous devons gagner», a-t-il prévenu. De son côté, Barcelone a lui aussi une lourde défaite à faire oublier : face au Bayern en demi-finale 2013 (4-0, 3-0). A l'époque, Messi était diminué par une blessure, ce qui ne sera pas le cas aujourd'hui : l'Argentin et ses compères Neymar et Luis Suarez s'avancent en pleine forme, après 26 victoires en 29 matches en 2015. Alors que le Bayern, lui, sera privé d'Arjen Robben et Franck Ribéry, et que Robert Lewandowski, touché au nez et à la joue, devra jouer avec un masque de protection. Qui aura la possession ? Qui pressera le mieux ? Les retrouvailles s'annoncent chaudes entre ces deux géants devenus presque jumeaux, au point de compter dans leurs rangs respectifs deux frères, Thiago et Rafinha Alcantara. Mais entre le FC Barcelone et le FC Bayern, un seul FCB rejoindra la finale. Et pour Guardiola, ce sera forcément un déchirement.