De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari De Bruxelles, on apprend que la reprise des négociations directes entre le Polisario et le Maroc est décidée et actée. Reste seulement à la programmer dans l'agenda des Nations-Unies et tenter de rapprocher le point de vue des deux parties quant à l'ordre du jour précis qui doit, en principe, guider les travaux de ces conciliabules. C'est une vraie question, peut-être même la seule qui vaille. La direction sahraouie qui ne rejette pas, par dogmatisme, la discussion directe avec Rabat, au contraire, que du contraire ! demande des garanties sérieuses de la part de l'autre partie. Il est vrai que les Sahraouis connaissent, parfaitement, les capacités du palais royal et du Makhzen en la circonstance. Les négociations directes, il y en a déjà eu entre Polisario et Maroc et plutôt plusieurs fois qu'une. Les deux protagonistes ou les «parties au conflit», selon la littérature onusienne, étaient même parvenues, du temps de Hassan II, à accepter l'essentiel de l'arbitrage onusien, référendum sincère d'autodétermination pour les populations sahraouies et une grande commission mixte a pu s'entendre sur les modalités du vote et sur le corps électoral appelant à mettre les bulletins dans l'urne qui dira si les Sahraouis veulent l'indépendance ou rester marocains. L'identification des personnes éligibles à voter a fait l'objet d'immenses tractations et la partie sahraouie a consenti toutes les concessions, même les plus dures, pour aller vers le référendum. Le Polisario a même permis aux nombreux colons marocains arrivés dans le sillage et après la marche verte, en définitive, l'expédition militaire d'occupation de Oued Edhahab et Saqia-El-Hamra (le territoire sahraoui), d'être éligibles à la votation référendaire. Le roi Hassan II, prétextant moult excuses et encouragé par la situation chaotique en Algérie dans les années 90, se dérobe et tourne le dos à ses engagements. Pire, il opte même pour le pourrissement de la situation en Algérie en misant sur une victoire de l'ex-FIS, en ne se privant pas de l'armer, de le financer et de mettre à sa disposition toute la diplomatie parallèle marocaine. En 1994, il va jusqu'à exiger des visas d'entrée au Maroc pour les ressortissants algériens et accuser les renseignements de l'Algérie d'avoir fomenté un attentat à Marrakech. Hassan II tablait sur l'affaiblissement, voire l'évaporation de l'Algérie, pour, tranquillement, bénéficier du Sahara occidental et renvoyer aux calendes grecques, sinon arabes, ce qui serait pire, le réveil algérien. Pour ainsi écrire, les calculs de Hassan II n'étaient pas infondés. Les années 90 ont été celles de la disparition diplomatique de l'Algérie et n'était le patriotisme, l'amour de l'Algérie et la ténacité du chef de l'Etat de l'époque, Liamine Zeroual, le Maroc aurait pu enterrer, pour longtemps, la question sahraouie. Il n'en a rien été. Dans la douleur, l'Algérie n'a pas voulu sacrifier le Polisario pour «fermer un front avec le Maroc» comme cela a été proposé à Zeroual. Pour lui, la résistance algérienne face au terrorisme et la lutte des Sahraouis par leur indépendance participaient du même principe, de la même philosophie. Zeroual ne frappera pas dans le dos le Polisario. Depuis, les choses ont évolué et les Sahraouis sont là, toujours là, et leur cause n'est pas piétinée. Ni à l'ONU, ni à l'UA, ni dans aucune instance du droit international. Pour autant, le statu quo actuel de ni guerre, ni indépendance, ni référendum, ni paix négociée n'est pas supportable, n'est plus supportable pour les Sahraouis. Le Conseil de sécurité de l'ONU qui «travaille» en profondeur pour l'Union africaine a, certes, refusé d'élargir à la défense des droits de l'Homme les prérogatives de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental) sous pression française, mais il a exigé, en contrepartie, la reprise des négociations directes entre le Polisario et le Maroc. Le consensus semble satisfaire les puissances du Conseil de sécurité et peut, s'il est crédible, être un début de solution. La bataille de l'ordre du jour, du timing, du comment, et surtout une date précise pour le référendum a déjà commencé. C'est la seule qui intéresse le Polisario ; le Maroc, pour ce qui le concerne, continuera de louvoyer, de tergiverser, de faire semblant d'accepter et de vouloir vider de leur sens les négociations... Cette fois-ci, pourtant, les Sahraouis restent excessivement vigilants. Ils n'iront pas à la table avec le Maroc pour passer du temps et donner l'impression à leur peuple que ça avance alors qu'il n'en est rien. L'expérience des discussions entre l'Autorité palestinienne et Israël, jamais interrompues et jamais abouties, est là qui prouve que négocier, oui, mais pour aboutir et non pas permettre à l'occupant de faire semblant de se plier au droit international. Le Polisario connaît assez bien le Maroc pour ne pas s'engager sur du vent.