Boukram. Mercredi 20 mai 2015. La commune, située à 70 kilomètres au nord-ouest de Bouira, se réveille lentement. La route qui y mène depuis Lakhdaria sur plus de 17 kilomètres est presque vide. Le temps pluvieux et brumeux y est pour quelque chose. Mais, un autre événement y est pour beaucoup. Cela, nous le saurons vite au niveau du siège d'APC. De la bouche du SG et d'un vice-président de l'APC. «Nous savons ce qui vous amène : l'opération militaire de Traraâ.» Le vice-président ne nous dira pas beaucoup de choses. Mais, quand les deux responsables nous diront que l'opération de ce mardi, qui avait eu lieu dans l'après-midi, a été entendue au niveau de tout le territoire, nous avons compris pourquoi les gens étaient très réticents à notre égard sur la route. Même nos questions sur le chemin qui mène vers la région de Ferkioua, lieu supposé abriter l'opération militaire qui est en cours gênaient les rares piétons que nous avons croisés. La psychose s'y est installée vraiment. Mais, pas depuis ce mardi, elle y était depuis toujours. C'est que, à Boukram, les gens n'avaient jamais regagné leurs villages puisque les terroristes n'ont jamais vraiment quitté les lieux. «L'opération s'est déroulée dans la région de Traraâ, aux limites des communes de Boukram et Guerouma du côté de Bouira et les limites de la wilaya de Médéa», nous dira le vice-président d'APC. Cette région est distante de plus de 7 kilomètres au sud du chef-lieu et est, depuis les années 1990, désertée par les populations. Actuellement, cette commune de 6 000 habitants, presque toute la partie ouest, c'est-à-dire la région de Ferkioua avec une dizaine de villages, est désertée par les populations. Seuls, et depuis quelques années, les agriculteurs s'y aventurent de jour pour cultiver leurs champs sur ces terres fertiles traversées par plusieurs oueds. Parmi ces oueds, celui des Béni Laâbadi qui va jusqu'à Chtaïba et la région de Traraâ où existe une forêt très dense. C'est là que les terroristes d'Aqmi avaient planifié de tenir leur conclave et préparer des actions concertées et groupées dans l'Algérois durant cet été. Et c'est là que les militaires les ont surpris et ont éliminé plus de 25 terroristes lors de violents accrochages, nous dit-on. Cela étant, lorsque, depuis la fenêtre du bureau du SG de l'APC de Boukram, nous avons aperçu la centaine de camions de l'ANP stationnés dans le parc de la caserne militaire située également au chef-lieu de la commune, nous avons réalisé l'ampleur de la logistique mobilisée par l'ANP pour réussir cette action et venir à bout de ces dizaines de terroristes qui s'étaient donné rendez-vous dans cette région montagneuse, difficile d'accès et avec une forêt dense qui rend impossible toute vision aérienne. Selon des informations que nous avons pu récolter sur place, ils seraient plus de 3 000 militaires à être mobilisés pour cette opération qui est toujours en cours. Et pour en savoir plus sur la région elle-même, nous avons poursuivi notre route vers la localité de Ferkioua, située à quelque 3 kilomètres au sud. Mais à l'entrée de cette localité, nous avons été stoppés par un barrage militaire. Là, le capitaine nous informera que la région est très risquée et que, pour s'y aventurer, il faudrait d'abord un véhicule tout-terrain puisque la route est à peine carrossable. Et présentement, et pour cause de cette opération qui est en cours, le capitaine, très affable, nous dira qu'il faudrait une autorisation de la part du secteur opérationnel de Bouira pour y accéder. Nous avons rebroussé chemin mais au retour, nous avons croisé plusieurs camions militaires qui se dirigeaient vers cette région, théâtre de l'opération. Alors que plus loin encore, nous avons rencontré d'autres camions militaires qui rentraient vers Larbaâtache, dans la wilaya de Boumerdès. Probablement des militaires de la relève, ceux qui assuraient le bouclage des lieux du côté nord, dans la wilaya de Boumerdès. En tout cas, une chose est sûre, l'opération, qui se poursuit toujours et qui s'est soldée, pour le moment, par l'élimination de pas moins de 25 terroristes, est un tournant décisif dans la lutte antiterroriste. Et il n'est pas impossible que l'identification des terroristes abattus nous réserve quelques surprises de taille. Surtout quand on parle d'un conclave national d'Aqmi où les dirigeants de cette organisation terroriste, y compris leur «émir» national, Abdelmalek Droudkel, pourraient figurer.