Le mini-remaniement dans l'exécutif gouvernemental et le large mouvement dans le corps des walis, opérés jeudi dernier, ont constitué du grain à moudre pour l'opposition. Celle-ci, de par ce qui caractérise ces deux mouvements comme «innovations» purement algériennes avec leurs «spécificités» notamment, pour ce dernier avec des ministres «promus» walis dans une logique que l'on ne trouve nulle part de par le monde, et un wali repêché après avoir été tout récemment relevé de ses fonctions, y voit un argument de plus à son constat qu'elle ne cesse de brandir. Pour les partis de l'opposition, les deux mouvements de ce week-end, dont le premier est le énième en un laps de temps court, sont la preuve irréfutable qu'il y a vacance au plus haut sommet du pouvoir, le MSP allant jusqu'à soutenir que ce n'est plus le président de la République qui décide, évoquant même des pressions de cercles dans la désignation des responsables. M. Kebci Ahmed Adimi, porte-parole du parti des avant-gardes des libertés : «C'est une nouvelle preuve de la vacance de pouvoir» «Nous avons toujours dit qu'il y a une vacance de pouvoir et chaque décision du gouvernement nous donne raison. Ce qui vient de se passer jeudi, avec ce nouveau remaniement, est une autre preuve de cette vacance de pouvoir. Il y a deux mois, ils ont désigné deux ministres des Affaires étrangères pour se rattraper 48 heures après. Aujourd'hui, comment deux ministres deviennent walis ? Soit ils ont échoué dans leur mission de ministres, dans ce cas comment les placer à la tête de deux wilayas ? Soit ils ont bien travaillé, dans ce cas pourquoi les rétrograder et ne pas les garder à leur poste ? Le plus grave, c'est le fait qu'un ministre accepte de devenir wali, ceci n'est jamais arrivé dans un pays démocratique. Je comprends qu'un ministre devienne maire comme cela s'est passé à Constantine avec M. Aberkane qui a été sollicité par les citoyens pour devenir leur maire, ce qui est tout à fait normal, mais il n'est pas acceptable qu'un wali devienne ministre pour ensuite redevenir wali. Cela ne se passe qu'en Algérie. D'ailleurs, on ne sait pas comment l'on devient ministre en Algérie et sous quels critères. Ceux qui nous dirigent ne sont pas à la hauteur de cet Etat ni capables de diriger un grand pays comme l'Algérie.» Djillali Soufiane, président de Jil Jadid : «C'est la facture du 4e mandat» «La série de remaniements effectuée ces derniers mois n'est que l'expression d'un profond malaise au sein du pouvoir. Les contradictions internes sont en train d'apparaître au grand jour. Cette situation était attendue, car tout le monde sait que n'importe quel groupe humain qui n'est pas dirigé finit par tomber dans les contradictions. Le Président Abdelaziz Bouteflika ne pouvant pas assumer ses pouvoirs et s'il n'y a personne pour arbitrer les conflits, ceux-ci se répandent et s'amplifient. Bouteflika agit par à-coups lorsque les conflits débordent et quand c'est déjà trop tard. Les pouvoirs constitutionnels du Président sont immenses mais aujourd'hui, ces pouvoirs sont gelés. Il est logique que la situation va de pire en pire et le désordre va augmenter parce que plus personne n'a les capacités de contrôler le fonctionnement du pouvoir. C'est la facture du 4e mandat.» NourEddine Bahbouh, président de l'Union des forces démocratiques et sociales (UFDS) : «Le pouvoir fait dans l'improvisation» «Je considère que ce pouvoir fait dans l'improvisation. On n'a pas idée de faire un remaniement du gouvernement en si peu de temps. Les nouveaux ministres n'ont même pas eu le temps de s'enquérir de la situation de leurs ministères qu'ils ont été dégommés. Le seul cas compréhensif, c'est celui du ministre de la Jeunesse et des Sports qui quitte le gouvernement pour des raisons de santé mais ce qui me surprend, c'est de dégrader des ministres au poste de wali, c'est une première, nous n'avons jamais vu ça auparavant dans la démarche de ce pouvoir, ceci démontre de la fragilité avec laquelle on est en train de gérer les institutions de l'Etat et ça démontre aussi qu'il y a une recomposition qui se fait à l'intérieur de ce pouvoir.» Nouara Djaafar, membre du bureau du rassemblement national démocratique (RND) : «Cela entre dans Les prérogatives du Président» «Nous considérons que ce remaniement fait partie des prérogatives du président de la République qui a toute la liberté de décision. Ce remaniement entre dans la dynamique de la société et du pouvoir et le Président a ses explications.» Atmane Mazouz, chargé de communication au rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) : «Nous assistons à une déroute de toute une gouvernance» «Cette fin de semaine, nous avons assisté à un Conseil des ministres qui signe la déroute et la faillite de toute une gouvernance. Nous sommes dans le flagrant délit d'une escroquerie de gestion des affaires de l'Etat qui a duré des années avec ses mensonges et ses dérives. Préparer pour entériner des décisions et mesures par ordonnance censées être débattues et adoptées par le Parlement est une insulte à l'exercice démocratique. La réunion du Conseil des ministres avec ses résolutions est une ordonnance pour un faux diagnostic établi sans tenir compte d'une impotence d'Etat caractérisée et d'un blocage total au plus haut sommet des institutions du pays. Les Algériens retiendront une chose : ils ont assisté à un cinéma muet avec des décisions inacceptables pour un quotidien des Algériens des plus amers et des perspectives des plus sombres pour le pays. Aucun mot sur les défaillances sécuritaires ni aucune mesure pour anticiper sur de nouvelles attaques terroristes. Ceci est une irresponsabilité qui ne sera pas sans conséquences sur la sécurité des citoyens. Les mesures d'austérité adoptées sont une nouvelle preuve d'un mirage de gestion dont les responsables ne sont nullement inquiétés pour leur incompétence de gestion et les conséquences fâcheuses qui seront, comme d'habitude, supportées par les Algériens. S'agissant du dernier remaniement ministériel et des nouvelles nominations au poste de wali, nous sommes devant un autre rafistolage où, pour certains, l'escroquerie et l'incompétence ont gagné en grade et, pour d'autres, la soumission et la "moubayaâ" ont des limites face aux trahisons et intrigues de sérail.» NaÂmane Laouar, vice-président du MSP : «Ce n'est pas Bouteflika qui décide» «Ces remaniements à n'en point finir et les correctifs apportés à chaque fois sont la preuve qu'il y a vacance en son plus haut sommet. On sait maintenant plus que par le passé que ce n'est pas le Président qui décide et qu'il y a panique en haut lieu et que le pouvoir de décision obéit à la logique des pressions. Où allons-nous ? Je ne pense pas que c'est de cette façon que nous encouragerons les investissements étrangers dans le pays.»