La compagnie pétrolière British Petroleum a décidé d'abandonner le permis gazier de Bourarhat, dans le bassin d'Illizi, qu'elle explore avec la Sonatrach depuis 2006. La compagnie britannique évoque des difficultés financières ayant motivé cette décision, mais tous les experts sont unanimes pour dire qu'il s'agit du résultat d'une gestion chaotique et ils justifient cela par le fait que la française Total a également abandonné son champ gazier de l'Ahnet. Bourarhat est le second permis que BP abandonne en Algérie, après celui de Rhourde-El-Baguel en 2010. Une décennie perdue Le champ gazier de Bourarhat affiche un potentiel de 52 Tcf, soit l'équivalent du volume actuel de Hassi R'mel. Sauf que le réservoir de Bourarhat est composé d'une roche appelée tight, peu poreuse et son exploitation est relativement plus compliquée que celle de Hassi R'mel qui figure au Top 5 des grands gisements du monde. En 2005, les membres du «clan» BP de la Sonatrach avait constaté que Chakib Khelil était préoccupé beaucoup plus par les soucis de Menzel Ledjmet Est (FCP), Gassi Touil et les soucis de Saipem, KBR et SNC Lavalin. Ils ont alors poussé jusqu'à obtenir l'accord du ministre pour l'attribution à BP du champ de Bourarhat. Le 23 avril 2005, BP et la Sonatrach signent un contrat pour l'exploration du périmètre de Bourarhat Sud (blocs 230 et 231). Un immense champ gazier situé non loin de Tiguentourine, dans la région d'In Amenas. Mais pendant cette décennie, la compagnie britannique s'est limitée à un effort minimum d'exploration. Sur ce champ de Bourarhat, British Petroleum a réalisé des tests qui se sont avérés concluants. Les tests de fracturation hydraulique effectués sur le puits TZN-1 ont fourni des données très prometteuses par rapport à la perméabilité de la roche (tight). Mais depuis plus de quatre ans, BP a pratiquement mis en veilleuse ses travaux sur le champ de Bourarhat. Ni la Sonatrach ni encore moins Alnaft (Agence nationale pour la valorisation des hydrocarbures) n'ont tenté de presser la compagnie britannique d'avancer sur l'étape développement. Dans un document interne de BP, publié il y a quelques jours, il est dit expressément : «L'accord sur Bourarhat conclu avec la Sonatrach a expiré le 23 septembre 2014. Sonatrach et BP ont bénéficié d'une période de six mois pour négocier de nouveaux termes et ces négociations ont débuté au quatrième trimestre de 2014, avec peu de certitude de faire aboutir ces négociations.» Du coup, BP a officiellement abandonné ce projet qui devait absorber un budget de l'ordre de 524 millions de dollars. Le nouveau ministre de l'Energie, Salah Khebri, devra prendre une décision rapide pour pallier cette défection de BP. Certains experts affirment avec certitude que la Sonatrach recèle des ressources nécessaires pour exploiter seule ce gisement alors que d'autres sont moins optimistes. Sonatrach seule contre tous Les problèmes de la Sonatrach avec BP sont encore plus compliqués lorsqu'il s'agit des autres champs gazier d'In Salah et de Tiguentourine. En fait, sur ces deux associations, BP a trouvé comme alliés la norvégienne Statoil et la petite société d'engineering Petrofac (de droit britannique et à capitaux syriens). Deux ans et demi après l'attaque de Tiguentourine, BP ne veut toujours pas normaliser ses relations avec la Sonatrach. Les travaux sur les installations du site d'In Salah sont à l'arrêt alors que le maître d'ouvrage (Petrofac) continue de réclamer des indemnisations. L'exploitation du champ de Tiguentourine risque, quant à elle, d'aller vers un arbitrage international. Une pratique bien connue de BP : son partenaire est prié de se plier à son diktat, faute de quoi ce sont les tribunaux d'arbitrage qui l'obligeront à le faire (comme ce fut le cas pour le champ de Rhourde-El-Baguel). Dans toute cette démarche, Statoil et Petrofac sont solidaires avec BP pour saigner à blanc la Sonatrach et l'obliger à assumer seule des fautes commises par le collectif. Abandonnée par le pouvoir politique, notamment la tutelle, la Sonatrach a dû affronter, seule, ces monstres du pétrole. Pourtant, ce ne sont pas les arguments qui manquent pour faire face à l'arrogance de ces compagnies. Au 31 décembre 2014, BP a comptabilisé un total d'actifs en Algérie de l'ordre de 1,717 milliard USD avec seulement 290 millions US $ courant. Autrement dit, 90% des actifs sont inscrits au chapitre report. Un mépris pour les Algériens. Pour sa part, Statoil n'a jamais rendu compte de l'échec dans lequel elle a entraîné la Sonatrach dans l'aventure de l'offshore égyptien. Pourtant, Yousfi a incité Alnaft à faire le maximum de concessions, dans le cadre du 4e appel d'offres, pour attirer le plus d'investisseurs étrangers. Statoil a profité de cette situation pour s'accaparer du champ de Timissit, au nord d'Illizi. Par cette mise en adjudication du permis de Timissit, le ministère de l'Energie a dérogé à une règle strictement observée par la Sonatrach depuis l'ère Boumediène. En fait, ce champ est situé dans une zone où les permis sont exploités exclusivement par la Sonatrach (El-Borma, Stah, Alrar, Ejeleh, etc.), car ils sont très faciles à développer. Alors pourquoi accorder un permis aux étrangers alors que la Sonatrach est en mesure de l'exploiter toute seule ? Outre ces problèmes qui n'en finissent pas avec les compagnies pétrolières, la Sonatrach fait face à la société de réalisation Petrofac, qui s'est jointe à la fronde antialgérienne. Pourtant, depuis l'arrivée de Yousfi, Petrofac réalise annuellement 20 à 30% de son chiffre d'affaires en Algérie. Aucun responsable politique n'a eu l'idée de convoquer Ayman Asfari, fondateur et actionnaire majoritaire de Petrofac, pour l'inciter à revoir ces calculs concernant l'Algérie. Aujourd'hui, à cause de cette gestion chaotique, l'Algérie s'achemine vers l'isolement. Les désengagements successifs, en ces trois dernières années, de British Gas, de ConocoPhilips, de Hess, de Total et prochainement de l'italien Enel devront donner à réfléchir sur la nature des relations que l'Algérie doit désormais entretenir avec les compagnies pétrolières étrangères.