Entretien réalisé par Khedidja Baba-Ahmed Son secteur, la santé, fait l'objet depuis plus d'une semaine d'une actualité brûlante. Les scandaleuses images d'accueil et de traitement des patients de l'obstétrique et pédiatrie de l'hôpital Ben-Badis de Constantine font le buz. Abdelmalek Boudiaf, en charge de ce département, a choisi de dire tout ce qui ne va pas, et ce, sans détour. Lorsque nous lui disons que certains craignent que les sanctions infligées aux différents responsables de cette situation et annoncées en grande pompe peuvent être une simple opération de com, sans lendemain, il explique la démarche qu'il a initiée et qui ne date pas de l'affaire de Constantine : «Notre démarche n'est pas conjoncturelle, et ceux qui misent sur notre essoufflement se trompent.» Lorsqu'il lui a été demandé de qualifier les maux dont souffre la santé, il est catégorique : «Ce ne sont pas les équipements qui manquent mais les institutions pâtissent de problèmes d'organisation et de gestion.» Public, privé, tout a été évoqué. Au-delà du constat, le ministre parle des fondements et principes qui guident le secteur de la santé dans notre pays et qui constituent le socle du projet de loi sanitaire. Celle-ci fait l'objet actuellement d'examen des remarques formulées par le Conseil d'Etat et sera bientôt soumise à l'APN. Le Soir d'Algérie : Un reportage saisissant diffusé par la TV d'Etat sur les services d'obstétrique et de pédiatrie du CHU de Constantine ; une série de mesures en cascade de fermeture, d'abord du service du CHU incriminé puis venues dans la foulée de nombreuses cliniques privées et d'officines pharmaceutiques... Que se passe-t-il dans le secteur de la santé ? Abdelmalek Boudiaf : Votre question recouvre en fait deux situations différentes. La première situation est ponctuelle. Elle résulte du dysfonctionnement de services hospitaliers et partant du manque de rigueur dans la gestion de la part des chefs de service et du staff administratif de l'hôpital, d'une part, et du manque de supervision des services de la Direction de la santé et de la population concernée, d'autre part. Le problème du surbooking, durant l'été, des services de gynécologie obstétrique des grands centres hospitaliers publics, est connu. Des solutions adaptées à la situation sont prises chaque année conformément aux instructions itératives de l'administration centrale. Ce sont, notamment dans l'établissement de santé concerné, la mise à la disposition de lits au niveau des services médicaux avoisinants, l'organisation graduelle des départs en congé annuel des personnels des services de gynécologie obstétrique, la réduction de l'activité de gynécologie pour laisser place à l'activité d'obstétrique, le renforcement des moyens des maternités de proximité pour la prise en charge des multipares... et la mobilisation conventionnelle des gynécologues privés lorsque c'est nécessaire. Comme vous le savez, le secteur de la santé fait face au départ progressif mais massif des gynécologues du service public vers l'exercice privé. Vous comprendrez alors que nos parturientes, cherchant la sécurité, s'adressent aux services publics réputés pourvus de gynécologues. L'hôpital devrait recevoir normalement les parturientes qui relèvent d'une prise en charge spécifique et très spécialisée en raison de leur situation médicale et/ou obstétricale — prise en charge que ne peut effectuer une maternité de proximité. Ceci n'est pas forcément le cas compte tenu de la raison que je vous ai précédemment avancée. A ce titre, ce qui s'est passé à Constantine relève du non-respect de ces instructions. Nous avons pris la décision de fermer ce service pour sa réhabilitation et avons décidé d'orienter les parturientes sur d'autres établissements proximaux pour leur prise en charge. Cependant, il s'agit d'un problème ponctuel qui ne peut remettre en cause ou occulter les énormes efforts déployés par les personnels de santé des autres services de gynécologie obstétrique et des maternités de proximité ainsi que par les staffs administratifs de ces établissements à qui je rends un vibrant hommage. La seconde situation évoquée dans votre question est celle des mesures de fermeture prises envers plusieurs cliniques et structures privées de santé, officines pharmaceutiques comprises. Cette opération n'a pas un caractère ponctuel. Elle s'inscrit dans notre démarche générale de contrôle et d'évaluation, décidée après l'audit effectué dès mon arrivée dans le secteur pour faire un diagnostic précis sur l'origine des dysfonctionnements observés dans le secteur de la santé. Il s'agit donc d'une opération sans lien avec la première situation. D'autres établissements ou structures privées pourraient faire l'objet de mêmes mesures dans le cas où venaient à être observés un non-respect de la réglementation en vigueur ou un non-respect des bonnes pratiques. Notre objectif est de mettre fin aux dysfonctionnements constatés, de rétablir une gestion et une organisation idoine pour nos établissements de santé et d'améliorer la qualité des soins prodigués à nos concitoyens. Notre volonté est inébranlable à ce sujet et ceux qui misent sur notre essoufflement se trompent. Comment se fait-il que cette situation, connue pourtant de tous les citoyens et particulièrement des patients qui fréquentent certaines de vos institutions sanitaires et dénoncée par eux, ne soit portée publiquement que maintenant ? On parle souvent des rares situations d'échec et très peu des situations de réussite, pourtant beaucoup plus nombreuses. Ce sont souvent les conjonctures qui amplifient des situations latentes. Un service médical peut avoir des insuffisances qui restent peu visibles en situation d'activité normale ou d'activité réduite. Lorsque l'activité s'élève, l'équilibre précaire existant est rompu, la situation s'emballe et met au grand jour les faiblesses de prise en charge. A l'origine, ces faiblesses sont très souvent liées à des problèmes d'ordre organisationnel ou de gestion ou d'éthique professionnelle. Le rôle des inspections d'évaluation faites sur le terrain est de les déceler et d'en prévenir les effets en traitant les causes. La dénonciation des situations à problèmes par les citoyens ou les médias a un même but. L'administration centrale prend en charge l'ensemble des doléances citoyennes, intervient à l'effet de corriger rapidement les anomalies constatées et situe les responsabilités. Les sanctions prises peuvent être parfois sévères. Sur les décisions que vous venez de prendre (fermetures d'établissements, avertissements, mises à pied...) certains craignent qu'il ne s'agisse que d'opérations coup-de-poing et de communication sans lendemain. Que répondez- vous à ceux qui manifestent ces craintes ? J'ai déjà répondu précédemment et en partie à cette question. Je vous ai dit que notre démarche n'est pas conjoncturelle. Je vous rappelle que dès mon arrivée à la tête de cette institution, j'ai procédé à un vaste audit qui m'a permis de conclure que le secteur de la santé vit essentiellement des problèmes d'organisation et de gestion. Nous avons alors décidé de nous attaquer à ces causes selon une démarche structurée axée sur la formation, la mise en place d'outils modernes de gestion et la mise en place d'un système d'inspectionévaluation permanent mobilisant pour cela les personnels de l'inspection générale, des directions centrales, des établissements sous tutelle, des organes déconcentrés — praticiens inspecteurs compris et des administrations des établissements publics de santé. Ce n'est donc pas une opération coup-de- poing ni un effet de communication sans lendemain. Nous avons instruit les directeurs de la santé et de la population des wilayas et à travers eux les responsables des établissements publics de santé sur la mise en œuvre de 24 actions urgentes, sur la mise en place d'outils modernes de gestion et sur la planification annuelle des activités. Je ne détaillerais pas les 24 actions urgentes qui tiennent pour l'essentiel au respect de l'hygiène, aux conditions d'accueil, d'information et de séjour des patients dans nos établissements de santé et au fonctionnement des urgences médicochirurgicales. La presse en a souligné globalement l'amélioration. Je voudrais vous parler du traitement de fond des dysfonctionnements observés. Ces actions ne sont pas suffisamment visibles pour l'instant. Leurs résultats ne seront visibles qu'à moyen terme. Ces actions concernent l'organisation et la gestion des établissements de santé. Nous avons commencé par améliorer les ressources financières et les moyens des établissements publics de santé et mettre à leur disposition leurs budgets de fonctionnement dès l'entame de l'année en cours. D'année en année, les effectifs médicaux et paramédicaux de ces établissements augmentent grâce aux produits annuels de formation. En plus des médecins spécialistes qui leur sont affectés dans le cadre du service civil, nous leur avons donné la possibilité, en attendant la nouvelle loi sanitaire qui consacre les différentes possibilités de coopération public–privé, de faire appel au jumelage entre établissements publics de santé et au conventionnement avec le secteur privé de santé local. Notre démarche est centrée exclusivement sur la satisfaction des besoins de santé des patients, tel que préconisé par la réforme hospitalière. Par ailleurs, après des sessions de formation préalable, nous avons demandé notamment à l'ensemble de nos chefs d'établissements publics de santé, de mettre en place un «projet d'établissement », véritable projet de développement, planifiant ressources, moyens et activités en fonction de l'épidémiologie du bassin de population couvert et des objectifs retenus dans les différents programmes de santé nationaux. Il est important de dire que le projet d'établissement implique dans son élaboration l'ensemble des acteurs (administratifs, médecins, paramédicaux...) à travers leurs représentations respectives. Il rétablit le dialogue entre les différents acteurs et les responsabilise. Il mutualise les moyens et réduit les coûts de santé. Des consensus diagnostiqués et thérapeutiques sont en cours notamment pour certaines pathologies chroniques. Ils participent de cette maîtrise des coûts de santé. De quel mal souffre le secteur public de la santé ? Un manque d'investissement ? Un manque de formation managériale des établissements ? L'absence d'externalisation de certaines activités : hygiène, restauration, blanchisserie... ? Le secteur souffre de problèmes d'organisation et de gestion. Il y a aussi un manque de formation managériale des établissements. Avec le concours de l'Ecole nationale de management et de l'administration de la santé (Enmas) et des cadres centraux, nous avons procédé à de nombreux séminaires de formation en direction des responsables des établissements de santé. Nous avons aussi renforcé les staffs administratifs de nombre d'établissements avec le produit de formation de l'Enmas et demandé aux inspecteurs centraux de remplir une mission pédagogique chaque fois que nécessaire. Il n'y a pas de problème d'investissement. L'Etat a beaucoup fait pour le secteur et je n'en veux pour preuve que le nombre élevé de structures et établissements de santé réalisés, réceptionnés et mis en fonctionnement à travers les différents plans quinquennaux de développement ainsi que les 1 260 structures en réalisation, toutes catégories confondues et dont 460 sont déjà achevées. L'externalisation de certaines activités (hygiène, restauration, blanchisserie...) est un autre problème. Compte tenu de la réglementation en vigueur et de la nomenclature budgétaire actuelle de nos établissements, tout n'est pas «externalisable». Cela est possible pour le nettoyage et la blanchisserie et non pour la restauration. Nous envisageons aussi d'externaliser le gardiennage. En tout état de cause, l'externalisation ne constitue pas un tabou. Elle ne doit pas aussi être systématique. Elle doit tenir compte des besoins réels, des possibilités de l'établissement et de l'existence locale d'entreprises appelées à réaliser ces activités externalisées. Garder toujours le sens de la mesure et de l'adaptation aux besoins de chaque établissement est le sens imprimé à notre démarche. Le temps complémentaire concernant les hospitalo-universitaires et qui consiste à permettre à ces derniers d'intervenir seulement deux demi-journées par semaine dans le privé semble bien loin de la réalité. Cette règle est-elle toujours applicable et contrôlable ? Le temps complémentaire a mené à de nombreuses dérives. Il est à l'origine, dans nos établissements publics de santé, notamment de la baisse d'activité et d'assiduité des praticiens autorisés. Certaines activités jusque-là réalisées par les établissements publics de santé sont orientées vers le privé de manière quasi systématique. Devant une telle situation, j'ai décidé de geler la délivrance de nouvelles autorisations, en attendant la suppression du temps complémentaire par la nouvelle loi sanitaire. Cette suppression a été instamment demandée par les professionnels de santé eux-mêmes. Les résultats partiels des inspections que vos services ont effectuées dans les structures privées peuvent laisser penser à deux hypothèses : soit le privé n'est pas suffisamment réglementé, soit les contrôles ne sont pas légion. Où se situe la vérité ? Les deux raisons que vous évoquez ont été observées par nos inspecteurs. Certains établissements privés ne respectent pas la réglementation en vigueur. Ils s'adonnent par exemple à des extensions d'activité sans autorisation préalable ou à des activités autorisées sans respect des normes en vigueur. Une telle situation n'a pu exister que par le manque de contrôle sur ces structures et établissements. Dorénavant, les inspections sur ces établissements se feront régulièrement et toute infraction à la réglementation donnera lieu à des sanctions allant, selon la gravité des faits, de l'avertissement à la fermeture. Par ailleurs, il est vrai que le privé n'est pas suffisamment réglementé et cette insuffisance est à l'origine de certaines dérives structurelles et fonctionnelles constatées lors des inspections. Elles font actuellement l'objet d'un examen attentif qui donnera lieu à de nouveaux textes réglementaires et cahiers des charges. Où en est-on dans la réalisation clés en main des dix hôpitaux programmés (par l'Agence nationale de réalisation et de suivi des infrastructures de santé) dont le montant devait atteindre 5 milliards de dollars et dont la réalisation comme la gestion devaient être confiées à des organismes étrangers ? La procédure de présélection sélective a abouti à la phase de négociations. Cependant, le comité ad hoc a jugé nécessaire de rejeter globalement les offres car celles-ci se sont avérées excessivement chères. Dans le domaine de la pharmacie, des ruptures de médicaments ont été observées. Il y a quelques jours, le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officines a élaboré une liste de 330 médicaments en rupture. Il est notamment dit que les autorisations annuelles pour l'importation des molécules sont parfois signées avec du retard, ce qui se répercute sur leur disponibilité sur le marché. Le Conseil de l'ordre des pharmaciens suggère qu'il y ait une programmation pluriannuelle. Qu'en est-il ? Dans le domaine du médicament, il est utile de définir, au préalable, ce qu'est une pénurie. Celle-ci ne peut être déclarée comme telle que lorsque le médicament n'est pas disponible dans sa DCI (dénomination commune internationale). Ainsi, une marque peut être non disponible tandis que d'autres marques ayant cette même DCI sont disponibles permettant ainsi la substitution par le pharmacien. Il n'y a, dans ce cas, pas de pénurie. S'agissant des ruptures de médicaments signalées par le Snapo, une analyse fine avec tous les recoupements nécessaires, et à tous les niveaux d'approvisionnement, permis de constater qu'en définitive sur 318 produits signalés en rupture en noms de marques, 196 sont disponibles en stock au niveau des opérateurs. Quant aux autres produits cités en noms de marques et signalés non disponibles en officines, s'avère qu'ils sont soit interdits à l'importation, car produits localement en quantités couvrant le marché national, soit retirés du marché international ou de la nomenclature nationale pour diverses raisons (réévaluation du bénéfice/risque, abandonnés par les laboratoires détenteurs, acquis par des laboratoires non autorisés en Algérie...). Ces produits disposent soit de génériques (en production locale ou en importation), soit d'alternatives thérapeutiques (dans les mêmes indications). En tout état de cause, une cellule de veille constante est mise en place au niveau du département, elle est chargée du suivi des états de stocks des médicaments auprès des opérateurs et de leur disponibilité au niveau des officines. S'agissant de l'opération de délivrance des programmes prévisionnels d'importation de médicaments, elle débute au mois d'octobre de l'année précédant l'exercice. Ainsi, toutes les autorisations sont traitées et délivrées en temps opportun lorsque les dossiers sont conformes. Celles-ci peuvent être différées pour des raisons d'ordre règlementaire ou économique. Pour l'exercice 2015, l'ensemble des contraintes ont été levées, ce qui a permis la délivrance des programmes y afférents. Quant à la proposition de la pluriannualité des programmes prévisionnels d'importation, elle est, en pratique, difficilement envisageable du fait des données dynamiques relatives au produit pharmaceutique considéré. C'est-à-dire ? D'une année à une autre, le produit peut subir des changements d'ordre réglementaire, à type de variations pharmaceutiques (changement de site de fabrication, de titulaire de l'autorisation de mise sur le marché...), ou économique (changement de prix à l'international). Par ailleurs, il y a lieu de considérer l'évolution de la production locale du médicament concerné nécessitant une régulation des quantités à autoriser sur le marché. Donc autant d'éléments qui doivent être réévalués à chaque exercice. Mais en tout état de cause, toutes les dispositions sont d'ores et déjà prises pour l'exercice 2016 dont le dépôt des programmes prévisionnels (médicaments, réactifs, produits dentaires, consommables et dispositifs) est prévu à partir du mois d'août courant. Le Sintrom, médicament vital pour les cardiaques, a vu 75 000 boîtes acquises mais non distribuées. Y a-t-il aussi un problème de distribution ? Si oui, comment comptez-vous y remédier ? Ce produit, après avoir fait l'objet d'un renouvellement de la décision d'enregistrement, avec révision à la baisse de son prix, a connu un épuisement des stocks au niveau du marché de ville (officines) qui ont été renouvelés dès le mois de mai (55 000 boîtes) et le mois de juin (55 000 boîtes), sachant que les besoins mensuels sont de l'ordre de 40 000 boîtes. Au niveau de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), le produit n'a pas connu de tension. Cette dernière détient des stocks de plus de deux mois de couverture pour les besoins des services hospitaliers. Actuellement, le laboratoire titulaire a importé 80 000 boîtes qui seront mises sur le marché dès leur dédouanement ((ce qui lèvera définitivement toute tension sur ce produit). 87 000 boîtes sont prévues pour le mois d'août et 116 000 boîtes mensuellement les mois suivants. Une autre expédition de 25 000 boîtes d'un générique de ce produit est prévue pour la fin du mois courant et une autre de 200 000 boîtes est prévue pour la mi-septembre. Il n'y a donc pas de problèmes de distribution ? J'y viens. Le volet lié à l'activité de distribution des médicaments fait actuellement l'objet d'une attention particulière au niveau du ministère de la Santé afin de lever toutes les contraintes objectives (un projet de cahier des charges est déjà élaboré, il sera examiné dans le cadre du comité de concertation avec les représentants des opérateurs en pharmacie) et éliminer les comportements de déviance signalés par des inspections sur sites en collaboration avec le ministère du Commerce dans le cadre des brigades mixtes. Le ratio «une officine pour 5 000 habitants » est-il respecté ? L'installation en pharmacie d'officine obéit à une réglementation qui tient compte de l'éthique et des conditions d'exercice de cette profession. En effet, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays et à l'effet de protéger cette profession de toute déviance à caractère commercial, des conditions d'installation et de transfert d'officines pharmaceutiques sont régies par l'arrêté ministériel de janvier 2005 fixant notamment le ratio d'installation à 1/5 000 habitants. Ce ratio est strictement appliqué et conditionne toute ouverture de poste. Par ailleurs, il convient de préciser qu'étant donné la diversité des configurations démographiques à travers notre pays, et la spécificité des régions, des dispositions particulières d'installation dans les régions à populations éparses ou de nouvelles agglomérations urbaines sont prévues par une circulaire ministérielle parue en novembre 2005. Ainsi, et à l'effet de veiller au strict respect des dispositions de ces textes, une instruction ministérielle a été promulguée en février 2014 pour la mise en place de commissions de wilayas impliquant les représentants de l'Ordre des pharmaciens et ceux du Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine Snapo). Une commission centrale instituée par le ministre statue définitivement sur les avis de ces commissions de wilayas afin de permettre l'accessibilité équitable des citoyens aux soins et aux produits pharmaceutiques. Existe-t-il une réelle corrélation Santé-Sécurité sociale ? La corrélation Santé-Sécurité sociale est réelle. Les services des deux départements ministériels opèrent de concert dans plusieurs domaines d'activité de soins, et ce, depuis des années. Au titre de leurs assurés sociaux, la Sécurité sociale contribue au financement du secteur public de santé par le biais du «forfait hôpitaux». Nous allons aborder, à nouveau, sous l'angle de la nouvelle loi sanitaire, le processus de contractualisation qui a connu ces dernières années un ralentissement. Au titre de ses assurés sociaux, la Sécurité sociale finance aussi les activités du privé par le biais du remboursement du coût des prestations de soins à ses assurés ou par le biais du conventionnement de certaines activités (hémodialyse, chirurgie cardiaque...). Ce sont autant de malades assurés sociaux pris en charge. Il n'y a pas de concurrence entre le secteur public et privé de santé mais une complémentarité. Dans celui du médicament, les deux ministères collaborent étroitement, l'objectif commun étant la maîtrise des coûts et la rationalisation des dépenses. Pour ce faire, un cadre officiel existe, représenté par deux comités majeurs : - le comité économique, institué auprès du ministère de la Santé, composé, entre autres, d'un cadre du ministère chargé de la Sécurité sociale. Il a pour mission de fixer les prix des médicaments à l'enregistrement ; - le comité de remboursement, institué quant à lui auprès du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, est composé, entre autres, de représentants du ministère de la Santé. La Sécurité sociale assure aux hôpitaux des dotations forfaitaires. Logiquement n'est-ce pas l'activité qui devrait déterminer le montant à allouer ? Nous allons quitter à terme le financement des structures pour celui des activités. La nouvelle loi sanitaire en précise les contours. Toutefois, de nouveaux mécanismes de gestion et d'évaluation, et un système d'information sanitaire fiable sont indispensables. Nous avons anticipé sur la mise en place des mécanismes de gestion (projets d'établissements, projets de services, comptabilité analytique, procédures d'évaluation interne, consensus diagnostic et thérapeutique...) et sommes en phase de mise en place du système d'information sanitaire. La contractualisation avec la Sécurité sociale entre dans l'optique du financement de l'activité. L'Algérien au revenu modeste s'adresse de plus en plus, contrairement à ce qui est attendu, aux cliniques privées en économisant et en se saignant parce que l'accès dans les structures publiques est tributaire du «piston » et des connaissances. Les nantis, quant à eux, y ont accès facilement et en profitent. Que vous inspire cette situation des plus paradoxales et non équitable ? Que ce soit dans le privé ou dans le public, ce qui est important c'est que le malade soit pris en charge. Tout ne se fait pas dans le privé aussi. Je sais que l'on prétend que le privé est fréquenté par les gens aux revenus modestes et que l'hôpital public est la part réservée des nantis. Cela n'est pas juste. L'accessibilité aux soins dans le secteur public de santé n'est pas liée à la position sociale du malade. Je m'inscris en faux par rapport à cette idée. Il existe deux catégories de patients qui s'adressent au privé. Ceux qui choisissent volontairement et par conviction de s'adresser à ce secteur de diagnostic et de soins. Ils appartiennent autant à la classe des nantis qu'à celle des revenus modestes. C'est leur choix. La seconde catégorie a recours au privé lorsque les structures publiques font défaut. Ceux-là aussi se trouvent tant dans les catégories des nantis que des revenus modestes. Il n'est évidemment pas acceptable, et c'est le rôle de l'institution que je dirige, de redresser la situation avec fermeté et rigueur. Le passe-droit, phénomène sociologique, observable dans d'autres secteurs, est un bon indicateur du manque d'accessibilité de nos concitoyens aux soins dans les établissements publics de santé. Pour améliorer l'accessibilité aux soins et endiguer ce phénomène, il faut mettre en place une meilleure organisation sanitaire et asseoir une meilleure disponibilité des ressources et des moyens. C'est le principe, ou la démarche générale, que nous avons choisi. Nos décisions les plus récentes vont dans ce sens. Le volet organisationnel est un des points forts de la nouvelle loi sanitaire. Les mêmes causes engendrant les mêmes effets, un phénomène quasi semblable est observé au niveau des services des urgences. Une forte part des recours aux services des urgences résulte d'un manque d'accessibilité aux consultations spécialisées et aux services d'explorations et de soins en amont. Renforcer et réorganiser les activités de consultations spécialisées et d'exploration en amont vont réduire la charge ou la surcharge sur les services des urgences. Elargir l'accès aux urgences en renforçant la disponibilité des services des urgences de proximité et en hiérarchisant les soins d'urgence participe au second volet des mesures organisationnelles mises en place. Où en est le projet de loi sanitaire ? A-t-il été débattu et à quel niveau ? L'avant-projet de loi sanitaire suit son cours. Pour rappel, cet avant-projet a été élaboré, après un large et fructueux débat, sur la base des propositions des professionnels de santé, émises sous la forme individuelle ou collective. Il a été ensuite examiné par les autres institutions gouvernementales avant d'être débattu et enrichi avec eux, au niveau du secrétariat général du gouvernement. Il a été enfin examiné par le gouvernement et soumis à l'avis du Conseil d'Etat. Nous sommes à l'étape de prise en charge des remarques du Conseil d'Etat. Le texte sera bientôt soumis à l'Assemblée nationale. Pourriez-vous, en quelques mots, pour conclure, nous tracer les grandes lignes du système de santé que vous envisagez ? Dans ses fondements, le système de santé concourt à la protection, à la promotion, à la prévention, au maintien et au rétablissement de la santé des citoyens. Il met en œuvre le droit à la santé consacré constitutionnellement, garantit la gratuité et la qualité des soins pour tous et la participation des usagers de la santé aux différentes politiques et programmes de santé. Dans ses principes, le système de santé vise à assurer l'équité dans l'accès aux soins à tous les usagers de la santé, au plus proche de leur lieu de résidence et à réduire les disparités sanitaires territoriales. Il garantit les droits constitutionnels des citoyens en veillant à leur dignité, leur liberté, leur intégrité, leur sécurité et leur égal accès aux soins, compatibles avec les connaissances scientifiques de l'heure. Dans ses ressources et ses moyens, le système de santé s'appuie à l'échelle nationale sur : - 12 établissements de soutien que sont l'Institut Pasteur d'Algérie, la Pharmacie centrale des hôpitaux, le Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques, le Centre national de pharmaco et matériovigilance, l'Institut national de santé publique, l'Ecole nationale de management et de l'administration de la santé, l'Agence nationale de gestion des réalisations et des équipements de santé, le Centre national de toxicologie, l'Agence nationale des greffes, l'Agence nationale de documentation en santé, l'Institut national de la pédagogie et de la formation paramédicale et l'Agence nationale du sang ; - 292 établissements hospitaliers de santé de différentes catégories (EHU, CHU, EPH, EHS, EH) ; - 271 établissements de santé de proximité (EPSP) avec un large réseau de polycliniques, salles de soins et structures de santé spécialisées (centres intermédiaires de santé mentale...) ; 173 établissements hospitaliers privés et 306 établissements privés de santé de jour ; cabinets privés médicaux spécialisés, 6 818 cabinets de généralistes, 6 115 cabinets de chirurgiens-dentistes et 9 660 officines pharmaceutiques ; une politique de formation universitaire et de santé publique visant à répondre en nombre et en qualité aux besoins en ressources humaines qualifiées (médicales, paramédicales, managériales...) ; une politique de recherche universitaire et de santé publique adaptée ; une politique pharmaceutique axée sur le générique, visant la disponibilité permanente des médicaments au moindre coût et encourageant le développement de l'industrie pharmaceutique locale ; une politique d'équipement et de maintenance adaptée visant à répondre aux besoins d'activité de chaque catégorie d'établissements de santé ; une politique de coopération et de partenariat axée sur nos besoins en matière de formation et de soins de haut niveau. Dans son organisation, le système de santé se déploie : - selon une démarche intersectorielle en matière de promotion, de protection et de prévention en santé et une complémentarité public-privé dans la prise en charge des soins de la population ; sur un axe préventif et un axe de soins curatif et d'accompagnement (soins palliatifs, soins à domicile,...) en recherche constante de qualité et de sécurité ; selon une hiérarchisation des soins et des structures et des réseaux de soins spécialisés ; sur la base de relations conventionnelles public-public et public-privé ; sur le principe de la mutualisation des ressources et des moyens ; sur le principe d'un secteur privé complémentaire totalement intégré. La nouvelle loi sanitaire propose d'ailleurs l'octroi d'une mission de service public à des établissements privés de santé sur la base d'un cahier des charges précis dans l'objectif de faire bénéficier nos concitoyens éloignés des structures publiques de santé, des programmes nationaux de santé. L'objectif d'une telle démarche est de satisfaire les besoins de santé des citoyens en mutualisant les moyens sans faire appel à de nouveaux investissements. Quelles sont les sources de financement de ce système ? Le système de santé au niveau public est essentiellement financé par l'Etat. La Sécurité sociale y contribue sous la forme d'un forfait hôpitaux. Au niveau du secteur privé de santé, le financement, concernant les assurés sociaux, est assuré par la Sécurité sociale. Ce financement se fait soit sous la forme d'une convention signée entre l'Etablissement privé de santé et la Cnas au bénéfice de leurs assurés sociaux, soit sous la forme d'un paiement direct du patient, ce dernier se faisant rembourser ses frais de soins par la caisse a posteriori. D'autres modes de financement sont prévus par l'avant-projet de loi sanitaire à l'exemple de celui des assurances économiques mais ils restent secondaires.