Hamida découvrait que son fils, comme beaucoup de ses copains de classe, se faisait taper sur les mains par son enseignant à l'aide d'un tuyau. C'est spontanément que Yanis va dire à sa mère qu'il n'aimait plus l'école et qu'il ne voulait plus y retourner. Les enfants filmés n'ont dû leur salut qu'à l'intervention d'une maman-courage qui est allée arracher le sien, une altercation s'ensuit et d'autres parents accourent à la rescousse. Le ministère de l'Education nationale a bien été obligé de démentir à demi-mot les images diffusées en soulignant qu'elles dataient de plus d'une année. Mais, est-ce vraiment là le fond du problème ? Chaque année scolaire, les parents se retrouvent désemparés face à la démarche à adopter en cas de survenance d'une violence scolaire. Leurs témoignages sont édifiants. Samira, mère de deux enfants scolarisés : «J'ai déposé une plainte» Lorsque Samira se met à raconter ce qu'a subi sa fille en troisième année primaire, on a l'impression qu'elle raconte un de ces faits divers de la violence urbaine. Pourtant, elle ne s'est pas démontée et a pris la décision de déposer une plainte. «Ma fille, relate-t-elle, m'a caché pendant plusieurs jours que ses lunettes de vue étaient cassées. C'est une voisine dont le fils est dans la même classe qui me rapporta les faits par la bouche de son fils. Au début, je croyais à une exagération de gamin jusqu'au jour où ma fille revint avec le pouce enflé. Je l'oblige à me dire tout et elle me raconta que pour les lunettes, c'était une tape de sa maîtresse sur la nuque qui les fit tomber et se briser. C'en était trop. Je n'ai même pas attendu le lendemain pour prendre ma fille chez le médecin et, de suite, direction le premier commissariat pour déposer une plainte. Depuis, la maîtresse a été suspendue. Ce n'est pas assez pour moi. Je suis déterminée à aller jusqu'au bout de la procédure.» Pour Samira, il est hors de question de pardonner. «Moi-même je m'interdis de les toucher. Alors de là à accepter qu'une personne étrangère les touche, et surtout les humilier devant leurs camarades, c'est inadmissible», dit-elle avant d'enchaîner : «Je ne comprends pas l'attitude des parents qui tolèrent ce genre de comportements ou ne réagissent pas de peur des représailles. Je leur conseille d'épuiser toutes les voies de recours. Si dans un établissement un instituteur est sévèrement sanctionné, croyez-moi, les autres vont faire plus attention.» Hamida, mère de Yanis, 11 ans : «J'ai changé mon fils d'école» Il y a de cela deux ans, Hamida, mère au foyer mais tout de même instruite, découvrait que son fils, comme beaucoup de ses copains de classe, se faisait taper sur les mains par son enseignant à l'aide d'un tuyau. C'est spontanément que Yanis va dire à sa mère qu'il n'aimait plus l'école et qu'il ne voulait plus y retourner. De fil en aiguille, il s'avéra que le petit écolier, tout heureux au début, a changé de comportement depuis qu'un nouvel enseignant s'était mis à sanctionner tout manquement aux devoirs scolaires. «Non seulement j'avais peur d'aller parler à cet enseignant mais également de le dire à son père, craignant qu'il ne commette un acte grave», raconte Hamida qui, une fois les résultats semestriels venus, n'hésita pas à faire le lien entre le désamour de son fils pour les études et le comportement de son enseignant. «Dans un premier temps, poursuit-elle, je suis allée voir la directrice de l'école. Je lui ai expliqué la situation mais j'avais l'impression de parler à un glaçon. Je lui fis même la demande de changer de classe à mon fils. Elle refusa immédiatement arguant qu'avec des classes surchargées elle ne pouvait pas accéder à ma demande sinon ça serait la porte ouverte aux autres parents.» Au bout de l'année scolaire que Yanis termine péniblement, la maman se résout à changer d'établissement à son fils. «Je préfère une école un peu plus loin de mon lieu d'habitation, mais là au moins j'aurai l'esprit tranquille. En fait, Yanis est dans un établissement où un proche travaille, autrement dit une sorte de parrain.» Madjid, père de trois enfants scolarisés : «J'autorise les enseignants à punir» Pour Madjid, la question ne se pose même pas : «Nous avons été punis et je ne vois aucun mal à ce que les enseignants sanctionnent les élèves y compris les miens pour peu que ce ne soit pas de la violence caractérisée, traumatisante et humiliante.» Il y voit même un moyen efficace pour instaurer la discipline et le resspect dans une classe. «Un enseignant ça se respecte et à l'école, il remplace les parents. Qu'on se le dise : qui d'entre nous n'a pas un jour frappé ses enfants ? Si un enseignant décide de sanctionner, c'est qu'il a de bonnes raisons de le faire. Il n'y a plus de discipline dans notre société, tout court. Vous voyez un peu le comportement des enfants dans les quartiers. Avant, nos aînés, le voisin, l'oncle... pouvait nous corriger. A présent, plus aucune autorité ne s'exerce et les enfants sont livrés à eux-mêmes», déplore Madjid qui va plus loin. «Personnellement, chaque fois que je vais chercher les bulletins des résultats semestriels, je n'hésite pas à m'attarder avec les enseignants. Je leur donne même le feu vert de punir mes enfants à condition de ne pas les humilier. C'est ma perception des choses. Nous avons été punis et ça n'a pas fait de nous des aliénés.» Nawel, mère de trois filles : «j'ai été humiliée dans mon enfance. Pas question qu'on touche à un cheveu de mes enfants» Nawel fait partie des élèves qui ont accompli leur scolarité durant les années 80. Durant ces années, les bâtons, fils électriques tressés et autres tuyaux étaient des armes redoutables. «La première chose qu'on découvrait à la rentrée scolaire, c'était le modèle de bâton du prof et certains avaient poussé jusqu'à se les faire sur mesure. Notre premier souhait était d'abord de tomber sur un enseignant gentil avant de songer à la qualité des cours», se rappelle-t-elle encore. Nawel a connu un cas un peu particulier. Au primaire, elle était tombée sur une amie de sa maman qui, vieille fille, était devenu aigrie, jalouse de la réussite de sa copine d'enfance et de ses enfants. «Je subissais quotidiennement ce qu'aujourd'hui j'appelle non pas de la punition mais des agressions. Quand j'y repense, elle arrivait jusqu'à me traîner par les cheveux. Elle m'a fait haïr l'école, mais j'ai tenu grâce au sport. Quand je suis passée au secondaire, ce fut le soulagement.» Devenue maman, Nawel refuse qu'on touche ne serait-ce qu'à un cheveu de ses enfants.