Par Ahmed Halli [email protected] Inutile d'insister sur les «liens extraordinaires» qui unissent votre pays et Israël, M. Obama, votre duo avec Netanyahou est plus assourdissant que les prêches de nos minarets, et il est plus convaincant. Vous n'avez pas besoin de nous rappeler que le «rêve américain» a contracté mariage avec «l'idéal sioniste» pour faire le lit du cauchemar arabe et assimilés. Les Palestiniens, qui sont certes moins palestiniens que nous, en savent quelque chose, ceux de 48 encore en vie comme ceux de 2015 placés en survie. Grâce à vous et à vos dollars, l'espace de survie des Palestiniens se réduit comme une peau de chagrin et ils n'opposent plus à leurs bourreaux que de dérisoires couteaux suisses, sans doute payés en dollars. D'accord, vous avez gagné sur tous les tableaux, ou presque : côté puissance, Israël est là, et ce ne sont pas les imprécations du vendredi ni les appels d'outre-tombe de Choukeiry qui changeront quelque chose. Sans doute triturez-vous quelque peu la pensée d'un de vos pères fondateurs, Thomas Payne, qui trouvait «ridicule et contre la loi naturelle qu'une île règne sur un continent». Mais c'était dans un autre contexte, celui de la guerre d'indépendance de l'Amérique, et puis vous semblez être si sûr de son approbation, puisque le «sens commun», n'est pas nécessairement la marque du bon sens. Que vous importe, au demeurant, qu'Israël soit une île qui aspire à régner sur un continent puisque vous assurez son indépendance financière et affrontez les défis de sa sécurité, défis aussi meurtriers que les moulins à vent de don Quichotte. Il suffit de suivre l'actualité pour constater qu'un seul pays du Proche-Orient semble jouir de la paix et de la tranquillité : Israël. Toutes les menaces potentielles visant l'Etat sioniste sont systématiquement écartées, que ce soit en Irak ou en Syrie et au Liban, et les Etats inamicaux ou hostiles à Israël sont neutralisés d'une manière ou d'une autre. Quant aux alliés objectifs et providentiels à la fois, les Etats-Unis en ont trouvé un à Mossoul, avec l'instauration du nouveau califat ottoman par Daesh. Certes, les Etats-Unis se disent officiellement en guerre contre «l'Etat islamique» et contre son chef autoproclamé, le calife Al-Baghdadi, mais ils semblent étrangement inefficaces et impuissants à stopper la progression de ces islamistes de troisième type. Tout au plus, s'évertuent-ils à lancer des opérations ciblées et très médiatisées, comme celle qui a visé l'élimination d'un des hommes de main de Daesh. Comme s'il s'agissait seulement de frapper quelques exécutants, tout en épargnant le chef qui se trouve à Mossoul, et qui semble appelé à régner encore longtemps. Sachant que les Etats-Unis ont réussi, au temps de la bipolarité du monde, à contenir ce qu'ils ont appelé l'expansionnisme soviétique, on peut difficilement comprendre une telle liberté de manœuvre laissée à Daesh. Cela est d'autant plus impensable que l'organisation islamiste vient de donner une nouvelle preuve de sa capacité de destruction avec les attentats de vendredi dernier à Paris. Le contexte français n'est pas le même, mais François Hollande semble partager avec Obama le projet de chasser deux lièvres à la fois : faire tomber Bachar et anéantir Daesh. C'est sans doute en pensant à cet espoir, insensé en l'état actuel des choses, de faire coup double que faisait allusion Sarkozy en parlant d'inflexions nécessaires dans la gestion diplomatique de la crise. Le quotidien saoudien de Londres Al-Hayat rattache les attentats de Beyrouth aux pourparlers de Vienne sur la Syrie. Il va même jusqu'à suggérer une implication du régime de Damas avec ce titre peu équivoque : «Paris, cible de Daesh et d'Assad». Pour ne pas être en reste, l'autre quotidien saoudien de Londres Al-Charq Al-Awsat pose la classique question de celui à qui profite le crime, et donc de l'objectif de maintenir Bachar au pouvoir. Un objectif commun aux deux alliés du moment la Russie et l'Iran. Guerre du Yémen et campagne anti-chiite obligent ! En revanche, le journal voit plus juste quand il prédit que les attentats de Paris vont alourdir le climat d'islamophobie, et donc radicaliser davantage les musulmans de France. De son côté, notre confrère syrien Hani Naqshabandi qui n'est pas un fan de Bachar s'insurge contre ceux qui pensent que le départ de ce dernier réglerait le problème. «Au départ, dit-il, il y a eu Bush Jr qui a envahi l'Irak et a permis l'émergence de la bête immonde et on a fait la même chose en Syrie, en faisant croire que c'est Bachar qui a enfanté Daesh, et non ceux qui se sont coalisés contre lui.» Pendant que Daesh met à feu et à sang l'Irak et la Syrie, au nom de l'édification d'un Etat islamique, Israël mieux épargné que le Liban «neutre» par la guerre, poursuit tranquillement son expansion. Alors que la construction de nouvelles colonies israéliennes se poursuit sans répit en Cisjordanie, la judaïsation de la partie est de Jérusalem connaît un nouvel élan, après l'expulsion et l'expropriation des familles palestiniennes. Depuis septembre dernier, les occupants ont franchi un nouveau palier en donnant des noms hébreux à certaines rues et artères de la ville sainte, habitées par des Palestiniens. Cette judaïsation rampante tend à rendre impossible le partage de la ville, pour en faire la capitale des deux Etats, israélien et palestinien. Elle a été saluée par l'extrême droite israélienne comme un nouveau pas dans la concrétisation du projet sioniste de judaïsation totale de Jérusalem afin d'en faire la «capitale éternelle» d'Israël. Pourquoi s'obstiner à aller chercher ailleurs qui tire les marrons du feu, isolé du fracas de la bataille, et hors d'atteinte de Daesh ?