Par Ahmed Halli [email protected] Cologne, ou l'art de se défaire de ses amis et de mobiliser les adversaires quand on est arabe et musulman, qu'on fuit les atrocités d'une horrible guerre, et qu'on se réfugie chez des gens qui n'ont aucune raison de vous aimer. Tout n'est pas encore dit au sujet de ces incidents de la Saint-Sylvestre qui agitent encore l'Allemagne et alimentent le bûcher dressé par l'extrême droite. On ne sait pas avec exactitude si les 40% de violeurs velléitaires ou jusqu'au-boutistes étaient tous des «Arabes» ou des «Nord-Africains», comme les médias locaux l'ont avancé, avec une subtile distinction à la clé. Mais qu'ils soient impliqués à 80% ou à 10%, les uns ou les autres ont joué un sale tour à la chancelière allemande, Angela Merkel, et même à 1%, c'est déjà trop. D'où qu'ils viennent, ces hôtes de l'Allemagne qui ont violé les lois de l'hospitalité les plus élémentaires devraient avoir appris qu'un fétu de paille pouvait briser l'échine du chameau. L'Allemagne et sa chancelière leur ont ouvert les frontières du pays, mais ils en voulaient un peu plus apparemment, et ils ont démontré que les bas instincts peuvent survivre à l'émasculation. Dans ce cas précis, ces réfugiés savaient sans doute qu'en se comportant comme des templiers, en pays conquis, ils sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis et anéantissaient les efforts de Merkel pour les faire accepter en Europe. Dans une tentative de disculpation dérisoire, certains médias ont noté au passage que les agresseurs de Cologne étaient pris de boisson, comme de naïfs Indiens saoulés à «l'eau de feu». Un détail qui n'a pas échappé à l'éditorialiste du quotidien saoudien de Londres Al-Hayat que je salue au passage pour nous avoir reconnus comme siens avec ce passage : «Toutes les informations affirment que les agresseurs sont des Arabes ou des Nord-Africains. Il semble que ces gens ignorent que les Nord-Africains sont aussi des Arabes.» Un soutien de plus pour les «Berbères» surarabisés qui crient déjà que «l'officialisation» de Tamazight est un coup porté à la langue de Nizar Qabani. Pensée émue pour le grand poète syrien, dont la belle langue maternelle ne trouve que de piètres et obscurs orateurs qui croient la grandir en éliminant les autres. Cela étant dit, le quotidien londonien est moins affirmatif concernant les origines des agresseurs de Cologne et il s'en tient à l'attente des résultats de l'enquête. Toutefois, il admet que ces incidents vont avoir des conséquences fâcheuses pour les exilés arabes en Allemagne et en Europe, comme le suggère le titre de l'éditorial «Le terrorisme pourchasse les réfugiés jusqu'en Europe». Al-Hayat n'écarte pas aussi l'éventuelle infiltration de terroristes dans les flots de réfugiés vers l'Europe. Ce danger est réel et prégnant comme le prouvent les attentats de novembre dernier à Paris, et dans lesquels l'un de ces réfugiés a été à la fois organisateur et exécutant. L'immense majorité des réfugiés a fui son pays pour une vie meilleure. «Le problème c'est que si un cheveu dans la pâte pollue le pain, le terrorisme contamine l'immigration et fait porter le chapeau à tous les réfugiés», conclut Al-Hayat. On pourrait ajouter ici qu'il ne s'agit pas seulement d'un cheveu dans la soupe, ou la pâte européenne, mais de milliards de poils de cheveux voilés et de barbes allongées. Il ne faut pourtant pas céder à la tentation de conclure, comme le font hâtivement certains, que tout est de la faute de cet Occident qui ne fait que récolter ce qu'il a semé hier. C'est l'exercice auquel s'est essayé Ahmed Ibrahim, sur le site du magazine électronique Elaph, qui accompagne à sa manière l'effort de guerre de l'Arabie Saoudite au Yémen. Pour lui, il ne fait pas de doute que les Etats-Unis, principalement, et l'Occident en général sont les créateurs de l'Islam politique. Ils l'ont fait, au départ, dans l'objectif de combattre les communistes, mais aussi les laïcs et les libéraux, censés être pourtant de la même sphère idéologique. Ils ont aussi divisé le monde musulman entre sunnites et chiites puis en factions diverses de façon à pouvoir les avaler plus facilement. Ce sont les Anglais qui qui ont créé les Frères musulmans en 1928, de manière à brouiller les cartes et à perturber l'action des nationalistes égyptiens et faire barrage à leurs revendications. Et lorsqu'ils ont été réprimés par Nasser, les Frères musulmans se sont réfugiés en Arabie Saoudite où leur idéologie a fusionné avec le wahhabisme, et semé la graine de ce qui deviendra Al-Qaïda. Pour Ahmed Ibrahim les choses sont d'une simplicité éclatante: tous les sunnites savent que leurs ennemis actuels (les chiites) sont de fabrication américaine et occidentale. N'est-ce pas l'Occident qui a remis le pouvoir à Khomeiny en 1979, puis donné l'Irak à Téhéran en 2003 ? Qu'ont fait les prétendus défenseurs du sunnisme et protecteur de l'Islam par délégation de la divine providence, pour défendre ses principes et la dignité de ses adeptes ? Au lieu de cela, ils ont fait appel à tout ce qui est rigueur et violence dans l'Islam, substituant les versets de l'épée aux versets pacifistes de La Mecque. Au lieu de l'Islam populaire fait d'amour du prochain et de tolérance, les terroristes imposent leur propre lecture et leur propre interprétation.» L'essence même du wahhabisme, même s'il semble vouloir s'offrir quelques oripeaux de modernité, en exécutant ceux des siens qui voulaient trop bien faire, comme on le leur a appris.