On imagine ais�ment qu'il doit �tre difficile de r�sister au bonheur que procure une revanche comme celle que le chef de l'�tat prend chaque jour un peu plus sur la classe politique alg�rienne. Voir se pr�cipiter en rangs serr�s des partis mat�s, remis dans le "droit chemin" et qui lui mangent presque tous dans la main n'est pas chose banale. M�me si, en r�alit�, le FLN n'avait pas besoin d'�tre domestiqu�. Il l'�tait d�j� et ses r�centes agitations n'�taient qu'un trompe l'œil, un leurre destin� � occuper la galerie. La mission de Belkhadem et de ses hommes, en ce 8e congr�s bis, consistait, en fait, � "balader" l'assistance, temp�rer ses ardeurs, entretenir le doute, focaliser l'attention sur l'acceptation ou non du chef de l'�tat de pr�sider aux destin�es du FLN, le principal �tant de r�ussir la diversion. "Il va venir au congr�s, il ne va pas venir, pourvu qu'il vienne, qu'il ne nous fasse pas l'affront de d�cliner notre proposition." Toute la salle a trembl� sur cet air, des heures durant, pendant que l'essentiel se tramait en coulisses, � son insu. Le FLN, pour panser sa blessure narcissique et laver l'affront de s'�tre vu rel�guer � l'arri�re-plan, derri�re le RND et m�me le MSP, s'est surpris � r�ver d'un leader qui lui redorerait son blason. Et ce chef, selon ses pr�tentions, ne pouvait �tre que le pr�sident de la R�publique en personne. Bouteflika avait, lui aussi, non seulement des comptes � r�gler avec le vieux parti, dont il avait subi les humiliations en des temps moins cl�ments, mais aussi besoin d'asseoir d�finitivement un pouvoir h�g�monique et sans partage. On sait ce que pense le locataire d'El Mouradia de la classe politique. Il ne le cache pas ; d'o� sa volont� de recomposer celle-ci. Cela expliquerait peut-�tre en partie qu'aujourd'hui le FLN a plus besoin de Bouteflika que Bouteflika du FLN. Ce dernier a l'avantage, par ailleurs, de savoir que les ficelles ont toujours �t� tir�es ailleurs, les partis ne servant plus en Alg�rie que de faire-valoir � une "ouverture d�mocratique" destin�e � la consommation ext�rieure. Incapable de voler de ses propres ailes, pour avoir toujours fonctionn� en totale symbiose avec le pouvoir, le FLN, fort de tout ce qu'il a pu charrier, depuis 1962, comme personnel politique, n'a jamais su ni m�me voulu admettre d'autres approches qui l'�loigneraient des centres de d�cision d'un pouvoir dont il aura veill� � squatter m�me la p�riph�rie. C'est, d'ailleurs, cette incapacit� � se mouvoir en dehors du syst�me qui l'a pr�matur�ment trahi en r�v�lant ses dispositions � se compromettre. Et quand il a perdu toute cr�dibilit� sur la sc�ne internationale, il a tent� d'entretenir aupr�s de populations cr�dules, pr�occup�es par un avenir incertain et surtout non inform�es de se qui se complote � Alger, la capitale, l'image de celui qui fait et d�fait les carri�res au sein des institutions, voire m�me les chefs d'�tat. Le gag aura v�cu et la perte depuis quelques ann�es du monopole de cette strat�gie aura valu bien des d�boires � ses concepteurs. Aujourd'hui, gr�ce au chef de l'�tat, son calvaire vient en partie d'�tre abr�g�. Bouteflika aura finalement consenti � pr�sider � sa destin�e non sans pr�ciser qu'il le faisait � titre honorifique. Du m�me coup, le magistrat supr�me du pays a contribu� � calmer les vell�it�s de mercenaires, qui n'en rataient pas une pour engager l'ex-parti unique dans des batailles de rue indignes et pas tr�s belles � voir. Celles-ci appartiendraient au pass�. On ignore juste pour combien de temps. Quant � ceux qui avaient appel� avec insistance � l'arbitrage du pr�sident de la R�publique en sa qualit� de militant du parti, ils devraient ,eux aussi, selon toute logique, cesser de s'agiter et trouver autre chose, voire mieux pour se rappeler au bon souvenir de leur d�sormais parrain. En acceptant la pr�sidence d'honneur du FLN, Bouteflika a, en effet, mis fin � la mission de ses redresseurs qui devront vite se recycler s'ils veulent �chapper au courroux du ma�tre virtuel. Virtuel, parce que la r�ponse du pr�sident de la R�publique ressemble, � n'en pas douter, � un oui tout � fait conditionn�. Cela ne lui co�tait rien d'accepter le poste tout en signifiant qu'il �tait le pr�sident de tous les Alg�riens. Il l'a fait pour l'ONM, pour le FLN et pourrait encore le faire pour quiconque le souhaiterait. Cela ne le g�ne pas de renforcer son assise, bien au contraire. Il s'affiche ainsi et � la demande comme le ma�tre incontest� de la maison Alg�rie. Le voil� install� dans une position, plus que confortable, qui lui permet � la fois d'utiliser et de tenir en laisse le FLN tout en ne se soumettant pas � son r�glement et en gardant son enti�re libert� d'action. Un front n'existe, en principe, que pour permettre aux diff�rentes sensibilit�s r�unies en son sein de le faire �voluer et de l'enrichir comme c'est cens� avoir toujours �t� le cas pour le FLN et son panel de personnalit�s. Faux ! Plusieurs sensibilit�s ne s'y sont engouffr�es que pour se rapprocher du sommet. Du coup, comme diraient ces vieux routiers de la politique, quoi de plus normal que de ne pas d�sirer s'encombrer d'un boulet suppl�mentaire qui, s'il laisse comprendre, aujourd'hui, qu'il est rentr� dans le rang, n'en demeure pas moins nuisible parce que engorg� par un trop grand nombre d'opportunistes. La classe politique se voit, elle aussi, et par la force de ce tour de passe-passe, de nouveau g�n�e aux entournures par un FLN qui n'aura rien m�nag� pour regagner sa premi�re place parmi les serviteurs z�l�s du syst�me, contraignant un RND, cr�� essentiellement pour lui faire barrage, � regagner ses quartiers. Un RND dont le pr�sident se gardera bien de se d�faire tant qu'il lui restera d�vou� mais qui n'aura qu'� bien se tenir dans les semaines � venir durant lesquelles il devra faire montre de plus d'imagination et de s�rieuses capacit�s � encaisser les coups pour pr�server ses acquis. Sans compter que pour se maintenir en selle, ce dernier devra veiller � s'ali�ner des militants qui pourraient bien �chapper � son contr�le, lui faire faux bond et se pr�cipiter dans les bras du fr�re ennemi redevenu par la gr�ce du "Seigneur" premier de la classe. S'il lui prenait, en outre, l'improbable envie de g�ner un temps soit peu la d�marche pr�sidentielle, il trouverait � coup s�r � qui parler. Pourtant, l'intronisation par le FLN d'un Bouteflika qui laminerait l'alliance pr�sidentielle est hors de question. Elle n'int�resse pas ce dernier qui jusqu'� nouvel ordre ne renoncera � aucun de ses serviteurs. Aucun bouleversement n'�tant, par ailleurs, tol�r�, Il n'y aurait pour l'heure aucune inqui�tude � se faire dans ce sens, Ouyahia �tant instruit, par son adaptation au s�rail, de ce qu'il adviendrait de sa carri�re s'il se hasardait seulement � lorgner le tr�ne avant le coup de sifflet autoris�. Des pratiques maintes fois �prouv�es ne se bouleversent pas. Changer de comportement ou remettre en cause ces bonnes vieilles m�thodes qui assurent de si belles carri�res s'est d�j� av�r� suicidaire. Bien des personnes ont appris � leurs d�pens ce que cela co�tait de se d�marquer ou de refuser de calquer son discours sur celui d'un pouvoir qui ne badine pas avec les privil�ges et encore moins avec la rente. Soutenir le pr�sident et lui faire faire l'�conomie de penser � s'adapter � la nouvelle conjoncture mondiale est la mission d�sormais d�volue aux militants du FLN qui tout en parlant de moderniser leur parti l'ont urgemment restructur� dans la forme sans toucher � sa raison d'�tre. N'ayant pas la r�putation d'�tre de grands penseurs ou de remarquables id�ologues, leur discours restera toujours aussi creux. Quant � leur programme, il ne saurait diverger de celui du pr�sident dont ils paraissent tout ignorer, � l'exception, peut-�tre, des projets de r�conciliation nationale et d'amnistie g�n�rale. Un projet d'amnistie dont le chef du gouvernement qui excelle dans la langue de bois avoue ignorer la teneur mais qu'il soutient quand m�me parce qu'il le faut. Et si Ouyahia affirme qu'il n'y aura nul besoin de faire campagne pour convaincre les Alg�riens, il faut le croire car il sait certainement de quoi il parle. Le message a l'avantage d'�tre clair. Autant �conomiser les �nergies puisque � voir la ferveur dont il fait montre, tout ce que le syst�me proposera aux Alg�riens sera vot� � la majorit� coutumi�re. Le pr�sident — un ind�pendant port� par environ 85 % d'Alg�riens — aurait plusieurs longueurs d'avance sur la poign�e de manipulateurs sans envergure, que son Premier ministre ne manque jamais de d�noncer lors de ses sorties m�diatiques. En tout �tat de cause et pour �viter le pi�ge de partis politiques susceptibles de lui faire faux bond, Bouteflika a opt� pour des hommes non structur�s, qui pensent pour lui et n'ont d'affinit�s qu'avec lui. Ce sont ceux-l� qu'il a choisi d'installer aux premi�res loges pour ne pas dire aux postes strat�giques. Les partis qui s'arriment au pouvoir n'ont plus qu'� suivre le mouvement n'ayant aucune autre aptitude que celle de soutenir et d'ex�cuter. Ni le FLN ni le RND ne pr�tendent � autre chose.