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Tendances
ICI ET LA-BAS
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 02 - 2016


Youcef Merahi
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Entre la politique et l'éthique, il doit y avoir un lien intime, de sorte à ce que la gestion de la Cité ne vient pas après la gestion d'une carrière. Il est vrai que la plus grosse corruption reste le pouvoir et le fait d'en disposer. D'en user. D'en abuser, voire. S'il est vrai qu'il y a un éternel débat autour de ces deux concepts, la politique et l'éthique, même si souvent il est clairement établi que l'éthique est le dernier des soucis de la politique. Réellement, la politique ne s'embarrasse d'aucune éthique pour peu que le but suprême demeure le pouvoir, l'ivresse du pouvoir, la soif du pouvoir et, par conséquent, la domination.
En France, là-bas, une ministre de la Justice a présenté sa démission, parce que tout simplement il y a hiatus entre son engagement et la politique du gouvernement qui l'emploie. Cette dame met son éthique — sa morale, son éducation, sa probité — en contradiction avec une décision politique prise par son gouvernement. Mettant en avant ses convictions profondes, la ministre au vélo a remis son tablier à qui de droit, sans tapage et sans bruit. Et comme elle a l'habitude d'aller à son ministère, elle en ressort sur son vélo, avec panache. Madame Taubira, pour ne pas la nommer, reprend sa liberté qu'elle avait mise entre parenthèses, en acceptant de participer au gouvernement Valls. C'est propre. C'est net. C'est direct. La politique doit être ainsi couplée avec une éthique, pour que la gestion d'un pays soit propre, nette et directe.
En Algérie, ici, il faut qu'on prenne de la graine. Il faut qu'on assimile cette donne de la démission, pour manifester son désaccord avec son propre gouvernement. Il faut ingurgiter cette pratique de la coalition entre la politique et l'éthique. J'ai beau essorer ma mémoire pour trouver les ministres qui ont démissionné chez nous, je n'arrive pas à m'en rappeler, tellement le nombre est rikiki. Maigrichon. Insignifiant. Je me rappelle d'un ministre de la Culture qui n'a pas tenu un mois, contrairement à d'autres, sur (ou dans ?) le fauteuil «cultivé» de ce ministère. C'est tellement loin dans le temps que je ne me rappelle plus de son nom. Au fait, a-t-on jamais su pourquoi il a démissionné ? Je n'ai aucun souvenir des raisons qui ont fait que, pour une fois, l'éthique a embrassé la politique. Généralement, c'est toujours le Prince qui raye de la liste les ministres qui ne servent plus à rien. Qui ne chantent plus à l'unisson. Qui oublient de dire «fakhamatouhou». Qui ne battent plus la mesure. En Algérie, ici, il y a même des sénateurs qui se retrouvent en marge, parce qu'ils ont osé élever, un petit chouia, la voix. Elever la voix ? Non. Juste un chuchotement. Un murmure. Un borborygme. Et hop, à la touche ! Ça vous apprendra à vous la ramener. J'ai aimé la franchise d'un Chevènement, un ministre de là-bas, qui disait : «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne !» En Algérie, ici, on opte gaillardement pour la première option.
Encore la Constitution, me diriez-vous. Oui, on n'en a pas encore fini avec ce texte qui engage tout le pays. Le 7 février, la Constitution —le projet —, oui si vous voulez, passera en Congrès, comme une lettre à la poste. Mieux, comme un sms ! C'est plus rapide. Plus fiable. Et plus économe, je crois (au prix où est le prix de notre pétrole !) Donc, je considère que la Constitution est passée, haut la main, par les élus du peuple, meskine ! Je n'ai aucun doute là-dessus. Question à un dinar, en perte de vitesse : « Que se passera-t-il, ensuite ? » Pas grand-chose. Tant que le pétrole volera au ras des pâquerettes, on gérera la crise. On colmatera les brèches. On dansera le «un pas en avant, deux en arrière». On attendra les beaux jours. On ira même jusqu'à changer de gouvernement, pour donner le change. On fermera nos gueules, sinon gare à la touche. Puis, que les binationaux ne se la ramènent pas trop : qu'ils restent là-bas ! Ici, on ne veut qu'un passeport. Pas deux. Ni trois. Un passeport, unique comme le parti du même nom. Si les bi veulent un poste de «fadhilate el wazir», ils n'ont qu'à faire le change dans une banque algérienne, jeter aux orties le passeport qui porte une autre couleur que le beau vert national, éviter surtout de traîner du côté du Square (on a l'œil, attention) et signer par dix doigts et prêter serment de ne pas l'ouvrir. De fermer sa gueule, quoi! Entre ici et là-bas, il y a une mer : certains ont tendance à l'oublier.
Tamazight ? Quoi, encore tamazight ? C'est fait, elle est officielle. «Le pas politique est franchi». Il n'y a aucun retour possible. L'académie fera le reste. Dans dix ou quinze ans, tamazight sera langue de l'Etat.
Elle sera enseignée à travers tout le territoire. Elle sera obligatoire. Nul ne peut la remettre en cause, même si elle ne figure pas dans les constantes nationales. Je ne suis pas l'auteur de ces affirmations. Je les ai lues quelque part. Je ne me rappelle plus. Depuis le temps que tamazight attend son heure, je crois faire un cauchemar. Pincez-moi les amis, je dois être là-bas. Pas ici. Je sais, par contre, que des snippers font le guet pour faire le sale boulot.
Ça, je le sais. Je le vois. J'entends l'opportunisme faire le grand écart, pour que tamazight – le seul espace encore libre - rentre dans le rang. Ici et là-bas. Il y a une mer entre les deux rivages. Une mer que je voudrais brûler. Une mer que je voudrais menotter.
Une mer que je voudrais tarir. Comme cela, des «Taubira», bien de chez nous, feront le boulot pour lequel ils sont payés.


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