Après le verdict d'un homme politique de l'opposition démocratique qui a, depuis plusieurs années, dénoncé l'imitation de l'Etat jacobin pour la construction d'un Etat algérien après l'indépendance, c'est au tour d'un islamiste, Abdelmadjid Menasra, président du FC (Front du changement), d'arriver à la même conclusion. «En Algérie, l'Etat est-il moderne ou ancien ?», interrogera-t-il l'auditoire venu assister à la troisième université d'Etat des cadres de ce parti, conclave organisé à l'institut de formation du tourisme du Figuier (est de la ville de Boumerdès) avant de donner son verdict. «En surface, l'Etat algérien est moderne mais vu de l'intérieur il est ancien, rouillé et démonté. En langage de mercantiles, c'est un Etat de contrefaçon. C'est un Etat de simple imitation.» Menasra qui parlait devant des invités de marque du FC notamment l'ancien chef du gouvernement Ahmed Ghozali, Abderrezak Mokri, président du MSP, des représentants des partis El Islah, RND, Jil-Jadid et le parti de Benflis ainsi que des invités de Palestine et des islamistes du Sénégal, a longuement disserté sur sa conception de l'Etat moderne avant d'arriver à cette conclusion peu glorieuse pour les tenants du pouvoir assimilés d'ailleurs, plus loin dans ce discours, à des simples chefs de tribu. Il fait savoir par ailleurs qu'il ne nourrit pas d'appréhensions pour aborder un dossier aussi lourd que la conception de l'Etat moderne. «Ils veulent que nous ne débattions que de simples dossiers secondaires. Nous, nous disons en tant qu'Algériens, nous avons le droit et le devoir d'aborder tous les problèmes du pays. Pour nous, l'Etat doit être conçu avec des critères modernes. l'Etat est une institution qui appartient à tous. L'Etat n'appartient pas à l'autorité, ni à l'armée, ni à un parti politique déterminé ou à une personne ou un groupe de personnes. Il n'appartient pas non plus à une génération. L'Etat moderne repose sur le droit, la légitimité populaire et la citoyenneté» Menasra jette un peu plus de poussière sur la tombe de la dawla islamia revendiquée par son inspirateur idéologique, feu Mahfoud Nahnah, partisan de «el halhoua el islam.» (la solution c'est l'islam). Le chef du Front du changement allie modernité, citoyenneté, développement, démocratie et droit pour parler de l'Etat rénové. Selon lui, cet Etat existe. «Il ne s'agit pas de détruire notre Etat sur nos têtes. Il faut être fou pour le faire mais il est nécessaire de reconstruire les institutions et la Constitution qui doit être au-dessus du Président.» A l'observateur qui restera sceptique sur cette nouvelle orientation moderniste d'un islamiste, il y a lieu de rappeler que le chef du FC parlait devant ce qui est considéré comme l'élite de ce parti et que tout ce qui a été dit sera débattu en plénière. Mais il n'est pas évident de faire changer rapidement de direction à un islamiste. Pour preuve, abordant deux sujets qui ont fait l'actualité, singulièrement celui qui a valu à la ministre de l'Education nationale une campagne de dénigrement sur sa proposition de l'usage du parler populaire dans les classes du primaire, Menasra s'est félicité de la reculade du gouvernement. «Nous saluons le Premier ministre qui a précisé qu'une recommandation n'est pas une décision.» Abachi L. Sid-Ahmed Ghozali commente la chute du prix du pétrole et «la faillite de la politique du gouvernement» Abordé à l'issue de la cérémonie d'ouverture de l'université d'été organisée à l'institut de formation du Tourisme de Boumerdès, nous avons abordé Ahmed Ghozali, ancien chef du gouvernement sous Chadli et Boudiaf, pour lui poser quelques questions sur la crise économique qui s'annonce. Notre interlocuteur n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour fustiger la politique du gouvernement en matière de développement économique et de prévention au sujet de la fluctuation du prix du pétrole. «J'aurais aimé que le prix du pétrole reste élevé mais cette baisse a mis à nu la faillite de la politique du gouvernement», dira-t-il avant de poursuivre, «nous vivons avec la richesse que n'a pas créé la société. Le pétrole, nous ne l'avons pas créé. Or, nous ne vivons qu'avec cette richesse. C'est là qu'est le mal. Comme nos recettes dépendent à 99% du pétrole, le budget de l'Etat dépend à 75% du pétrole, si le prix baisse de 50%, automatiquement le budget diminuera de 50%. Or, si l'on considérait, par exemple, que le pétrole n'est qu'une partie de notre richesse, si le gouvernement avait fait son devoir poussant la société à vivre avec la richesse qu'elle crée et que le pétrole diminuait de 50% la baisse des revenus du pays ne serait pas ressentie avec un tel drame», dira-t-il. Pour lui, le gros mensonge est le fait de dire aux Algériens que la crise à venir est la conséquence de la chute du prix du pétrole. «Il y a 15 ans quand le pétrole était facturé à 150 dollars, a-t-on dit aux Algériens que la richesse du pays provenait du pétrole ? La réponse est non. Par contre, ils disaient «nous sommes riches parce que nous gouvernons bien.» Pour lui, les autorités préparent l'opinion à un sévère tour de vis en lui disant Allah ghaleb, la cause, c'est la chute du prix du pétrole.