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TRANSPORT MARITIME DE VOYAGEURS
El Djazaïr II trace la voie Mostaganem-Valence
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 03 - 2016


De notre envoyée spéciale à Valence, Rym Nasri
La date du dimanche 13 mars 2016 marquera pour longtemps encore la mémoire des habitants de Mostaganem. Un navire de l'Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV) a levé l'ancre, en fin de journée, pour rallier le port espagnol de Valence. Dédié jusque-là exclusivement au transport de marchandises, le port de Mostaganem n'a pas vu ce type de bateau accoster à ses quais depuis bien avant l'indépendance. Le dernier navire transportant des voyageurs est parti d'ici en 1961. L'inauguration de la ligne Mostaganem-Valence arrive à point nommé pour renforcer l'activité du port et redynamiser la région.
Il est seize heures tapantes. Le quai du vieux port de la ville de Mostaganem, à l'ouest de l'Algérie, grouille de monde. Un imposant car-ferry y est accosté. El Djazaïr II de l'ENTMV est arrivé le matin même en provenance d'Oran. Sur le quai, un chapiteau de 1 000 m2 a été érigé pour servir de salle d'embarquement. Une structure temporaire (du dimanche 13 mars au vendredi 18 mars) qui a tout de même coûté la bagatelle de 500 millions de centimes à la wilaya de Mostaganem. A l'intérieur du chapiteau, un poste de contrôle des voyageurs et des bagages et deux guichets de la police aux frontières (PAF) ont été mis en place. Un peu plus loin, des guichets d'Algérie Ferries sont installés. C'est ici que les voyageurs récupèrent leur carte d'accès. En l'absence d'une gare maritime, l'entreprise, qui n'a pas ménagé ses efforts, a également mis en place des sanitaires pour ses voyageurs.
A événement exceptionnel, accueil exceptionnel : les troupes de zorna se succèdent sur le quai pour assurer une animation festive tout au long de l'accueil des autorités locales, des invités et des passagers. Le spectacle entrecoupé de tirs de baroud dure plus d'une heure avant de laisser place à l'opération d'embarquement. Les invités de l'ENTMV et de la wilaya de Mostaghanem sont les premiers à entrer sous le chapiteau. A l'image des habitants de l'Ouest réputés pour leur gaieté et leur sens de l'hospitalité, les policiers et policières déployés à l'accueil sont très chaleureux. Les agents des Douanes nationales affichent, eux aussi, de larges sourires. «M'rahba bikoum (soyez les bienvenus)», lancent-ils à l'adresse des passagers.
Au fur et à mesure, la file d'attente s'allonge sous le chapiteau. Les contrôles sont assez lents et les deux postes de la PAF semblent débordés devant l'afflux des voyageurs. Pourtant, plusieurs agents de police sont mobilisés pour vérifier les passeports et visas des passagers avant d'apposer un cachet sur le document de voyage. Une vraie fourmilière en activité qui n'arrive, visiblement pas, à réduire le temps consacré aux formalités.
En rodage
Le contrôle passé, direction le car-ferry. Mais, faute d'une structure portuaire aménagée, l'embarquement ne se fera pas via une passerelle. Passage obligatoire par la rampe d'accès à la cale où le commandant de bord et le commissaire du bateau et une grande partie de l'équipage attendent les passagers qui arrivent en traînant leurs bagages. «Prenez l'ascenseur et appuyez sur le numéro 5», répètent-ils à haute voix. Arrivé au niveau cinq, la porte de l'ascenseur s'ouvre sur la réception classe I. Ici, l'accueil est également des plus chaleureux. Dans leur bel uniforme marin, les agents à bord orientent à leur tour les voyageurs vers le guichet hébergement. Tout sourire, deux jeunes hôtesses attribuent le numéro de cabine et le code d'accès. Dans les étages supérieurs, d'autres agents de la compagnie nationale accompagnent les voyageurs jusqu'à leurs cabines, et leur montrent, si besoin, comment utiliser le code d'accès.
Au fil des ballets d'ascenseurs, les «piétons» se font rares dans la cale. Place donc aux automobiles. Soixante-deux véhicules prennent place dans l'immense garage du navire. Tout le monde à bord, El Djazaïr II est prêt pour sa traversée inaugurale Mostaganem-Valence.
La traversée nocturne
Attirés par la présence du car-ferry, des dizaines de jeunes et de moins jeunes sont accoudés depuis plusieurs heures aux balcons de la route du port (ex-avenue Reynal). Datant de l'ère coloniale, ces balcons emblématiques de nos villes côtières surplombent le port de Mostaganem et offrent ainsi un parfait point d'observation sur le quai et l'horizon. Les curieux de ce dimanche 13 mars 2016 assistent à une première depuis l'indépendance. Ayant suivi l'embarquement des passagers, ils guettent le départ du navire. Un spectacle inhabituel.
Il est 20h50 quand le commandant Ayad donne l'ordre de larguer les amarres. Sur la passerelle de commande, il supervise les manœuvres. «Larguez les amarres», hurle-t-il presque via son talkie-walkie. «Larguez les amarres», reprend de l'autre côté son équipier. A l'intérieur de la timonerie (salle de conduite), les seconds et tout l'équipage sont en alerte et exécutent à la lettre les ordres du commandant. Le navire s'éloigne du quai et lance ses sifflets. Il quitte lentement le port laissant derrière lui un phare immuable sur son socle, et éclairant l'horizon.
La ville de Mostaganem s'éloigne elle aussi. Seules quelques lumières scintillent de loin avant de fondre dans le voile sombre de la nuit. El Djazaïr II prend le large dans une parfaite obscurité bercé par une mer peu agitée pour un mois de mars. «Vous avez de la chance, il n'y a pas de mauvais temps. Ce soir, la mer est calme», dira le réceptionniste à une jeune fille venue chercher un comprimé pour le mal de mer. Il poursuit, en lui tendant le médicament, «tenez, mais je vous conseille de ne pas le prendre. Il a un effet d'endormissement et ça sera dommage de ne pas profiter du voyage». Après avoir suivi toute l'opération d'appareillage à partir de la passerelle de commandement, les invités de l'ENTMV regagnent le salon bar où règne une ambiance familiale. Le wali de Mostaganem, le PDG de l'ENTMV et ses cadres, des élus nationaux et locaux, des journalistes et autres invités partageaient le thé, le café, un verre de jus ou dégustaient de succulents gâteaux traditionnels. Le dîner ne tardera pas à être servi dans la grande salle à manger du navire. Au menu, des plats traditionnels concoctés spécialement pour l'occasion. Entre la h'rira, les bourek et autres mets délicieux, l'on se croirait presque réunis autour d'un copieux f'tour du mois de Ramadhan. La nuit tombe vite et le calme imprègne le navire qui vogue sur une mer silencieuse.
Bonjour Valence
Lundi 14 mars, tôt le matin, un bip sonore suivi d'une annonce retentissent dans tout le bateau. El Djazaïr II approche du port de Valence. L'annonce extirpe la majorité des voyageurs de leur lit. Tout le monde veut voir la ville et le port de Valence. Tout le monde veut assister au moment où le bateau accostera. Sans prendre la peine d'aller prendre le petit-déjeuner, de nombreux passagers accourent aux ponts. Un sacrifice qui vaut le détour. Tous les ponts sont pris d'assaut. Le port de Valence est visible de loin ; la ville aussi malgré un temps légèrement couvert. De belles et immenses bâtisses s'offrent à la vue des voyageurs au fur et à mesure qu'El Djazaïr II progresse. Certaines architectures futuristes laissent béat. «Regarde là-bas, lance une femme au jeune homme qui se tenait à ses côtés, on dirait le fameux théâtre de Sidney.»
Figés face à la beauté des constructions apparentes et l'immensité du port de la ville, les passagers s'oublient un long moment en rêverie avant de se rappeler l'incontournable prise de photos. Appareils photos et smartphones multiplient les prises de vues. D'agréables instants qui ont fait oublier à nombre d'entre eux d'aller préparer leurs valises pour quitter le bateau. Ce n'est qu'à l'annonce de l'hôtesse qu'ils se décident enfin d'aller récupérer leurs bagages.
Après dix heures de traversée, le navire accoste au port de Valence, le cinquième plus grand port du bassin méditerranéen accueillant bateaux de marchandises et de croisière. La porte s'ouvre sur une longue passerelle qui conduit à la gare maritime où les voyageurs effectueront les démarches portuaires et contrôles douaniers.
Une belle première
Pour l'ENTMV, cette traversée a été plus que «satisfaisante». «Nous ne nous attendions pas à ce résultat», affirment les responsables. L'ouverture de la ligne Mostaganem-Valence permettra, assure Mohamed Denideni, directeur d'hôtellerie et de l'avitaillement, de soulager les usagers des wilayas de l'ouest du pays en leur évitant de longs déplacements par route. Cette nouvelle ligne va également laisser le port d'Oran «respirer». En plus la nouvelle liaison permettra de «basculer les voyageurs à destination de Valence et d'Alicante entre les ports d'Oran et de Mostaganem en cas d'affluence ou de problèmes», explique-t-il.
La compagnie maritime nationale prévoit ainsi deux départs par mois jusqu'à fin mai avant de lancer trois voyages par semaine dès juin prochain, une période où la demande augmente considérablement. Applicables à partir du 1er juin, le billet première classe coûtera 27 220 DA et ceux de la classe économique seront cédés à 21 220 DA pour la catégorie couchette et à 18 620 DA pour le fauteuil.
Le tarif du transport du véhicule a été, quant à lui, fixé à 33 000 DA. Des annonces que la communauté algérienne à Valence accueille avec beaucoup de joie à l'exemple de Sonia, installée dans cette ville depuis deux ans. «L'ouverture de cette ligne est une excellente chose. Nous ne serons plus obligés d'aller jusqu'à Alicante pour nous rendre en Algérie. Cela nous permettra de gagner du temps et d'éviter de nombreuses dépenses», raconte cette trentenaire qui espère tout de même voir prochainement le lancement d'une ligne aérienne Valence-Alger ou vers d'autres villes côtières.
C'est vers 19h que le navire national commence ses manœuvres pour quitter le grand port de Valence.
Le retour se fera avec 242 passagers à bord et 172 véhicules dans les cales d'El Djazaïr II. En s'éloignant lentement des quais de la troisième ville d'Espagne, le bateau trace sûrement sa route vers le port de Mostaganem.
Ry. N.
Le pavillon algérien se renforce en Méditerranée
A l'occasion de l'ouverture de la toute nouvelle liaison Mostaganem-Valence, le P-dg de l'Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV), Ahcène Grairia, détaille pour les lecteurs du Soir d'Algérie les perspectives de développement de son entreprise. Avec la création de nouvelles dessertes, l'achat ou le fret de nouveaux navires, la compagnie nationale couvrira toute la partie occidentale de la Méditerranée, de Gênes à Alicante et d'Oran à Annaba.
Le Soir d'Algérie : L'inauguration dimanche 13 mars de la ligne Mostaganem-Valence augure-t-elle de l'ouverture d'autres nouvelles liaisons maritimes ?
Ahcène Grairia : Effectivement. Afin de répondre à la forte demande de transport de notre émigration en France, nous prévoyons en juin prochain, l'ouverture de la ligne Mostaganem-Alicante et l'année prochaine celle de la ligne Mostaganen-Marseille.
Quelles sont les perspectives de développement de l'ENTMV ?
Il y a deux ans, nous avons lancé la liaison avec le port de Gênes, en Italie, à partir de Skikda. Avec cette ligne, nous nous sommes rapprochés aussi de notre émigration installée en Allemagne et en Suisse. Auparavant, nous avions ouvert la ligne Annaba-Civitavecchia, au sud de l'Italie. Son exploitation a enregistré de bons résultats. Idem pour la ligne Skikda-Gênes où nous avons plus que doublé le nombre de passagers et de véhicules transportés, en 2015. Les nouvelles traversées au départ du port de Mostaganem permettront en effet de renforcer le développement de nos activités.
Ce développement nécessite l'acquisition de nouveaux navires ?
Le projet d'acquisition d'un navire est actuellement en examen au niveau du ministère des Transports. Il porte sur l'acquisition d'un bateau neuf d'une capacité de 1 500 passagers et de 500 véhicules. Nous avons abandonné l'idée de nous doter d'un navire de 2 000 passagers et 700 véhicules car nous risquions de ne pas pouvoir le rentabiliser.
Un seul nouveau navire suffira-t-il à faire face à toutes les nouvelles lignes que vous mettez en place ?
En été, nous affréterons un navire pour renforcer nos capacités. Un navire qui desservira dix ports, ce qui nous permettra de couvrir toute la partie occidentale de la Méditerranée : Annaba, Skikda, Béjaïa, Alger, Mostaganen, Oran, Alicante, Valence, Marseille et Gênes.
Y a-t-il du nouveau côté lignes maritimes nationales ?
Oui, quelques adaptations s'imposent. Nous pensons particulièrement à la ligne Alger-Béjaïa. Nous comptons ainsi la faire passer par Azeffoun ou Tigzirt. Nous sommes en train d'étudier la possibilité de l'ouvrir dès le mois de mai prochain.
Côté ouest, il y a le projet de la ligne Oran-Aïn Turck. La structure maritime d'Aïn Turck est justement en voie d'achèvement. Son lancement dépend des délais de la construction du quai d'accostage. L'entreprise a des possibilités mais nous restons tributaires de la réalisation de cette structure.


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