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Peuples et armées
Publié dans Le Soir d'Algérie le 18 - 07 - 2016


Par Nour-Eddine Boukrouh
[email protected]
noureddineboukrouh.facebook
«Je conduirai mon peuple par la main, jusqu'à ce que ses pas soient assurés et qu'il connaisse la route. A ce moment, il pourra choisir librement son guide et se gouverner lui-même. Alors mon œuvre sera accomplie et je pourrai me retirer. Mais pas avant !» (Mustapha Kemal Atatürk, discours du 8 août 1926 devant l'Assemblée nationale).
Cette fin de semaine, le soleil d'Allah s'est couché maussade sur l'Occident et levé radieux sur l'Orient. Qu'il est poignant ou agréable, selon la nature des faits, de regarder l'Histoire se faire en mal ou en bien !
Avec le progrès des technologies de la communication, nous avons la chance de pouvoir suivre les évènements marquants de notre temps et de les vivre comme si nous étions sur place. On assiste en direct à l'Histoire se faisant sur le vif et voit les acteurs agir et parfois mourir sous nos yeux incrédules. On peut même choisir la lorgnette par laquelle regarder (la chaîne TV et sa ligne éditoriale) et la langue qu'on préfère.
Ce week-end, l'actualité a été cruelle et généreuse à la fois, offrant successivement au monde deux spectacles de l'extrême, l'un inouï en horreur, le massacre de Nice ; l'autre exaltant en la forme d'un compte-rendu minuté de l'échec de ce qui est probablement le dernier coup d'Etat militaire de l'histoire de la Turquie. Si le premier nous a atterrés et lessivés, le second nous a ramenés à la conscience et ragaillardis.
Aussitôt m'est apparu le point commun entre ces deux pôles de l'émotion : l'islamisme. Dévastateur dans le premier exemple, en voie de normalisation dans le second, puisque le gros de l'armée et surtout l'opposition laïque qui aurait pu profiter de l'élimination de l'AKP par la violence ont tous deux rejeté cette «opportunité», préférant miser sur la compétition démocratique à la loyale.
Dans le premier cas, j'ai passé la nuit à espérer que ce ne soit pas un Algérien quoique sachant que ça n'y changerait rien au fond : il suffit que ce soit un «Mohamed» pour que nous le payions cash ou à crédit, directement ou indirectement. Dans le second cas, j'ai été frappé par l'intelligente riposte du président Erdogan et davantage encore par la réactivité du peuple turc qui a tout de suite envahi les espaces publics et encerclé vaillamment les chars et les troupes déployés par les putschistes, craignant pour la démocratie davantage que pour sa vie.
Nous autres Algériens cumulons beaucoup de raisons d'être à tout le moins tenus en suspicion dans le monde : en raison de notre guerre de libération dont les plaies sont encore vives en France, à cause de notre singularisation dans la barbarie terroriste dans les années 90, au vu de notre forte implantation en France, pour notre classement dans les dernières places en tous domaines et, enfin, en vertu de notre «qualité» de musulmans capables de basculer à n'importe quel moment ou endroit dans la radicalisation sous une brusque impulsion, celle d'aller sans tarder jouir des félicités du paradis. Peu importe alors le mobile : prêter allégeance à Daech ou venger, au choix et selon l'inclination de chacun, les Beurs, les Palestiniens, les Syriens, les Libyens, les immigrants illégaux, Kunta Kinté ou les Peaux-Rouges.
S'agissant des Turcs, ils traversaient une phase difficile conséquente aux errements de la politique d'Erdogan envers Daech, la Syrie, la Russie, les Kurdes, les immigrants illégaux et l'Union européenne, errements qui se sont soldés par un fléchissement économique et une vague d'attentats massifs. C'est au moment où Erdogan montrait une volonté de redresser la barre, signant un accord avec l'Union européenne sur la question des immigrants, présentant des excuses à Poutine pour relancer des secteurs de son économie touchés par la brouille et rétablissant ses relations avec Israël avec la bénédiction de Hamas, qu'est survenue la tentative de coup d'Etat qui croyait mettre à profit ces lacunes pour se débarrasser de celui en qui on voyait un nouveau calife ottoman.
Le président turc a eu beau multiplier les erreurs en matière de politique intérieure et extérieure, le peuple, et non seulement l'électorat de l'AKP, n'entendait pas laisser l'armée le renverser. C'était à lui d'en juger et d'en décider selon les voies démocratiques, et non à l'armée ou une faction de celle-ci. Même les adversaires de l'AKP qui auraient pu tirer quelque gain d'un rebattage des cartes ont refusé la perche tendue par les militaires. Ils ont condamné sans tergiversations le coup de force et sont sortis dans la rue pour défendre, au péril de leur vie, la démocratie qui doit être arbitrée par les urnes et non les armes. L'armée, prétendant dans le communiqué diffusé dans la soirée de vendredi, voler au secours de l'ordre démocratique et garantir le respect des droits de l'homme et de la laïcité, constitua dans cette perspective un «Conseil» pour diriger le pays. Aussitôt le peuple sortit en masse et se dirigea vers les positions occupées par les factieux autour des aéroports et sur les places des grandes villes pour leur jeter au visage avec aplomb : «Rentrez dans vos casernes, on n'a pas besoin de vous !»
Si on ne voit dans certains évènements décisifs que leur aspect informationnel au lieu d'une avancée humaine, d'une matière à réflexion ou d'un exemple utile à sa propre gouverne, si on ne regarde l'Histoire au moment où elle se fait qu'à la manière de vaches affalées dans un pré, ruminant et regardant les trains défiler sous leur regard éteint, sans émotion ni interrogation sur le rapport avec leur condition, on n'est pas meilleur que ces vaches. Mais si l'on est des êtres humains conscients et responsables, on doit rabattre les évènements de Nice et d'Istanbul sur notre propre situation pour en tirer les enseignements utiles au drame de la populace tenue en laisse depuis notre indépendance par des garde-chiourmes que nous sommes.
Les évènements d'avant-hier nous ont démontré une fois encore que là où existe un peuple l'armée n'a rien à faire dans la politique, la protection de la Constitution et les droits de l'homme. Le peuple et ses inépuisables ressources humaines y suffisant amplement. Mais, comme dirait l'autre, il y a peuple et peuple, armée et armée, chaque pays ou semblant de pays ayant celui et celle qu'il mérite.
Faut-il qu'un peuple perde pour que son armée gagne, ou qu'une armée perde pour que son peuple gagne ? Il n'y a que dans les pays sous-développés sur tous les plans qu'existe cette perception dialectique, ce clivage, et nous en sommes un. Aucun régime militaire n'a développé son pays comme l'ont attesté les dizaines d'expériences tentées sous toutes les latitudes au siècle dernier, et les armées les plus fortes sont indubitablement celles des Etats de droit et des régimes démocratiques.
Le peuple turc n'a pas tué son armée ni ne l'a licenciée, il l'a renvoyée à ses missions naturelles après lui avoir donné une bonne leçon, comme l'avait fait avant lui le peuple burkinabé il y a un an dans des circonstances similaires. Et en tête de ces missions il y a la défense du territoire contre les menaces extérieures. Elle ne le fera que mieux quand elle se concentrera sur son métier de base au lieu de conspirer en permanence pour maintenir sous sa tutelle par l'abrutissement et la peur le peuple via de faux partis et la fraude électorale.
Il n'y a plus que dans le douar algérien où l'on pense que sans l'armée le pays est perdu. Si c'était vrai, alors nous mériterions de disparaître le plus vite possible de la surface de la terre pour n'être ni un peuple, ni une société, ni une nation mais un troupeau humain, une végétation (puisqu'on se plaît à se définir avec orgueil comme étant une «hchicha talba m'îcha»), acceptant de vivre dans n'importe quelles conditions pourvu qu'on ait une «loqmat-al-aïch» et le loisir de se reproduise sans raison, fonction ou but.
L'armée, le peuple et les partis politiques algériens communient «patriotiquement» depuis toujours dans le dogme que l'ANP est la garante de la Constitution, de la souveraineté nationale, de l'unité du peuple et de l'intégrité du territoire, ce qui est universellement faux, concrètement irréalisable et néfaste à notre santé mentale, intellectuelle et morale. La dernière preuve nous a été administrée en quelques heures avant-hier par la Turquie. Ces choses-là, ces responsabilités-là, sont du ressort de l'ensemble de la communauté et non d'une institution quelle qu'elle soit : armée, présidence, hommes d'affaires, syndicats, opposition... C'est à l'ensemble des forces vives de la nation, à la «souveraineté populaire», comme c'est illusoirement affirmé dans notre Constitution, qu'il incombe de protéger la Constitution et l'ordre légal comme vient de le faire le peuple turc.
Aucun peuple au monde ou dans l'Histoire n'a jamais porté atteinte à sa Constitution, à la légalité de ses institutions politiques quand elles sont légitimes, justes et efficaces.
Ce sont toujours des individus assoiffés de pouvoir et de richesses, des despotes mégalomanes ou des comploteurs à la courte vue qui, profitant de leur position de détenteurs des moyens militaires mis entre leurs mains par la collectivité pour la protéger d'agressions extérieures, les retournent contre elle pour satisfaire leur ego et leurs intérêts personnels ou claniques comme c'est le cas chez nous depuis l'origine.
Qui a jamais violé la Constitution en dehors de Ben Bella, Boumediene et Bouteflika, non dans l'intérêt du peuple mais du leur, prioritairement et exclusivement ? Quand est-ce que le peuple algérien a été impliqué ou consulté dans la rédaction des dispositions constitutionnelles ? A quand l'heure de sa délivrance du despotisme et de l'offense permanente qui lui est faite en le maintenant de force dans la culture du douar sous la menace de gardes champêtres sans vergogne et aux appétits insatiables ?
En 1979, je me suis rendu en Iran pour vivre la révolution iranienne de l'intérieur et, de retour au pays, j'ai publié un long reportage à l'intention de mes compatriotes pour partager avec eux les impressions ramenées de mon séjour et de mes contacts avec les acteurs et les dirigeants de la révolution.
L'année d'après, je me suis rendu en Turquie juste après le coup d'Etat, mais je n'ai rien écrit à mon retour car il n'y avait rien à dire sur un pays ravagé par la misère et la terreur et où les mosquées, laminées par Mustapha Kemal, étaient aussi vides que des lieux hantés par des esprits frappeurs.
Entre le dernier en date des coups d'Etat turcs réussi (1997) et celui qui a avorté avant-hier, il s'est écoulé une vingtaine d'années durant laquelle s'est développée une expérience démocratique originale qui vient de prouver sa fiabilité. Ce laps de temps a vu naître aussi une société civile, une société politique et un peuple de citoyens patriotes et travailleurs conformément à l'espérance du fondateur de la Turquie moderne exprimée dans l'extrait mis en exergue de cet article.
Quel est le dirigeant algérien qui a tenu de tels propos, se voyant pour la plupart comme l'ombre de Dieu sur la terre alors qu'ils n'étaient que de pauvres bougres en termes d'équation personnelle ?
C'est le premier coup d'Etat militaire que l'armée turque ne réussit pas et ce sera très probablement le dernier car dans le même laps de temps, la vieille idée que l'armée est la «garante» des intérêts supérieurs de la nation est progressivement sortie de l'esprit de l'encadrement militaire ; elle est en voie d'effacement de leur culture personnelle et disparaîtra avec l'épisode sanglant d'avant-hier et l'arrivée au commandement de nouvelles générations élevées dans le respect de la démocratie.
A l'avenir, c'est l'armée turque qui sera aux ordres du peuple souverain qui n'a que l'urne pour champ de manœuvre mais qui, quand il vote, fait respecter son choix par tous les moyens.
Ce n'était finalement qu'un accroc : quelques centaines de victimes, malheureusement, mais la Turquie peut reprendre son chemin, sûre de ses pas et du cap jadis tracé par Atatürk.
Il n'y a que nous qui en sommes encore à l'époque des Janissaires qui faisaient et défaisaient les califes à Istanbul et les deys à Alger, alors province ottomane tenue par quelques milliers de janissaires, ceux-là mêmes que l'armée française a balayés en trois semaines en juillet 1830.
Le coup d'Etat, chez nous, a été fait contre le peuple qui a été disqualifié, exclu, humilié, réprimé une fois pour toutes, avant même d‘avoir respiré profondément l'air de l'indépendance.
A la première inspiration, on lui a fermé le clapet. «On», c'est-à-dire le «système», a décidé qu'il ne choisira jamais ses dirigeants, qu'il ne saura rien de la gestion de ses affaires, qu'il ne connaîtra en aucun cas les vrais résultats de son vote et qu'il ne contrôlera pas l'utilisation des deniers publics.
L'ALN n'était pas une organisation tombée du ciel pour sauver le peuple algérien, elle a été formée par le peuple algérien avec des moyens de fortune et un idéal sain, celui d'une Algérie où régneraient la justice, la dignité, le mérite, la démocratie et les valeurs sociales, comme c'est écrit dans la Proclamation du 1er Novembre 1954.
Une fois devenue une organisation militaire, c'est encore le peuple qui l'a financée, nourrie, renseignée, protégée et sauvée des ratissages ennemis.
La différence entre nous et le peuple turc était visible, éclatante, attristante, gênante même.
Nous savons tous qu'on peut, en 2019 ou avant, mettre à notre tête un voleur par centaines de millions de dollars, par milliers de milliards en monnaie algérienne, un ignorant dont la seule vue fait honte, un aliéné inconscient de son handicap et se prenant pour une lumière unique, un valet de chambre de naissance ou un fantôme sans réalité physique sans que rien arrive et que personne ne bouge. Jusqu'au jour où Dieu héritera de sa terre, comme dit le Coran...


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