Par Touhami Rachid Raffa Neville J. Mandel rapporte, dans The Arabs and Zionism before World War 1 (Berkeley UCP, 1976, p. 258) que Theodor Herzl, père du sionisme, avait été reçu en mai 1901 par le sultan Abdülhamid II qui avait refusé ainsi l'offre de l'effacement de toute la dette de l'empire ottoman contre la cession de la Palestine : «Je préfère être pénétré par le fer que voir la Palestine perdue.» On connaît la suite : empire dépecé au fer rouge et Palestine conquise dans le sang. Il est essentiel de répéter qu'Israël n'a jamais eu l'intention de devenir une greffe compatible sur le corps mou et malade du Moyen-Orient. Rappelons qu'en pleine crise antisémite aiguë durant l'affaire Dreyfus que Herzl avait couverte de près, ce dernier répétait : «Nous construirons là-bas un mur contre la barbarie.» Alors qu'il vivait dans la barbarie du racisme qui l'affectait lui-même, en tant que juif, sur place, en Europe. Le mur symbolique et physique est complété et la barbarie tout autour est attisée sans relâche. Une autre remarque d'importance s'impose : la paix s'avère dangereuse pour l'Etat sioniste ; c'est la raison pour laquelle il lui est vital de perpétuer la guerre et la dépossession pour raffermir le ciment national qui se résume à nier et à haïr l'autre, le Palestinien, l'Arabe, le musulman. En effet, la paix signifierait la fin du projet colonialiste et ségrégationniste, la société israélienne implosant car en proie à ses contradictions internes jusqu'ici contenues sous le couvercle du danger, réel ou supposé, et d'une mentalité d'assiégé sans cesse alimentée. Il est donc illusoire de s'attendre prochainement à un règlement juste et durable du drame palestinien qui perdure. Les appels à l'émotion arabo-berbère musulmane n'y feront rien, comme illustré dans les quelques constats ci-après : - 36 milliards US $ viennent d'être alloués sur 10 ans à l'armée israélienne par les Etats-Unis devenus leur puissant vassal obligé. Il s'agit seulement de la contribution au plan militaire à laquelle il convient d'ajouter bien d'autres programmes d'aide et de collaboration de la part des Etats-Unis et de tout le monde occidental aux ordres. Cela sans compter les dons aux organisations juives sionistes d'Europe et des Amériques, déductibles d'impôt et donc à la charge de tous les contribuables d'Occident. Ces derniers sont autant captifs que leurs gouvernements de ce qui est devenu une obligation que de très rares voix politiques et médiatiques ont le courage de dénoncer, souvent à leurs dépens. En effet, les classes politiques occidentales sont quasiment toutes en faveur d'un sionisme toujours conquérant. - Israël est en voie de dépasser plusieurs pays d'Europe dans la vente d'armes à travers le monde et dans les technologies de pointe et les services de sûreté. - Interdiction dans plusieurs pays occidentaux de toute tentative de boycott commercial de produits israéliens provenant des territoires palestiniens occupés illégalement. - Avec l'exploitation du pétrole et du gaz offshore, Israël couvrira bientôt, en tout ou en partie, ses besoins énergétiques. - La question de l'eau est en voie de règlement définitif avec la multiplication des usines de dessalement d'eau de mer. - Il suffit de lire The Zionist Plan for the Middle East qui détaillait il y a déjà 40 ans la programmation de la destruction des Etats arabes, ce qui a été réalisé au Soudan (coupé en 2 et aux prises avec des groupes armés séparatistes), en Irak, en Syrie et en Libye. Le parachèvement sera atteint une fois le Moyen-Orient vidé de toutes ses communautés chrétiennes et autres minorités, devenant ainsi et enfin une masse ethno-religieuse homogène forcément hostile et servant alors davantage de champ de bataille sans retenue aucune. Tout cela à l'exception, pour le moment du moins, des monarchies et Emirats collaborationnistes. Mais même celles-ci sont fragilisées pour le bénéfice de la cause hégémonique occidentale et son fer de lance israélien : financement de la destruction des Etats cités plus haut ; bases armées et contingents américains et européens ; décision du Congrès autorisant la poursuite judiciaire du royaume d'Arabie Saoudite pour les morts et autres victimes du 11 septembre 2001, etc. - La servilité moyen-orientale a fait en sorte que l'ennemi n'est plus Israël mais l'Iran, dernier Etat du «front du refus» avec la Syrie d'Al-Assad et le Hezbollah. Seul ce dernier a pu freiner la réalisation du plan israélien financé par un Occident «Shabbes Goy» (non-juif de service), au Liban seulement, bien entendu. Le Liban est le cauchemar et la bête noire d'Israël car il incarne l'absolue antithèse de l'Etat sioniste du fait qu'y cohabitent – tant bien que mal et en s'affrontant de temps en temps – des communautés diverses. Un voisinage antithétique insupportable ! Jusqu'à quand ? Cette liste lancinante peut paraître désespérante. En vérité, ce n'est qu'un constat sans complaisance qui se veut prélude à une prise de conscience salvatrice, celle de l'engagement individuel. Il s'agit de bâtir la citoyenneté active et de renouer avec un patriotisme sain et solidaire de causes aussi prenantes que celle de la nation palestinienne, seul peuple au monde qui vit, en partie, comme réfugié dans son propre pays.