Par Kader Bakou C'était le temps des vaches grasses. Le très cher or noir coulait à flots et les gens jetaient l'argent par les fenêtres. Dans ce pays, un dicton dit : «Quand le ventre est plein, il dit à la tête de chanter». Alors, les festivals de la chanson poussent comme des champignons. Les budgets sont très élevés en ces temps où l'important c'est la quantité pas la qualité. Quand les caisses et les tiroirs-caisses sont pleins, l'Etat est là pour dépenser sans compter. Mais, il y a toujours une exception. Dans la ville des Ponts, l'association Limma tient le pari fou d'organiser avec peu de moyens, un festival de jazz indépendant et quasiment sans subventions. Les concerts dans le plus pur esprit free jazz ont un succès fou auprès d'un public connaisseur. Ça marche tellement bien que ce festival, qui voit la participation de grosses pointures mondiales, est inscrit sur l'agenda des grands rendez- vous musicaux à l'échelle internationale. Un jour, le ministère de la Culture décide de parrainer et d'institutionnaliser ce festival. Un commissariat créé à cet effet va désormais l'organiser. L'argent, outre le fait qu'il n'a pas d'odeur, a aussi le pouvoir de cacher les défauts et d'adoucir (provisoirement) certaines mœurs. Sans tambour, ni trompette, le temps des vaches maigres est venu presque sans s'annoncer. L'Etat et son ministère crient sur tous les toits : «C'est l'austérité et les dépenses, il faut les rationaliser !» Chaque partie maintenant doit compter ses sous, jusqu'au moindre douro. Dorénavant, ce sont seulement les bons comptes qui font les bons amis, finies les salles à titre gratuit. Les puristes et tous ceux qui aiment vraiment le jazz ont, eux, la nostalgie du bon vieux temps du Dimajazz tel que l'avait pensé, lancé et fait évoluer l'association Limma. K. B.