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LE PRESIDENT DU MSP, ABDERREZAK MOKRI, AU SOIR D'ALGERIE :
«Aboudjerra Soltani ne m'a jamais inquiété»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 21 - 01 - 2017


Entretien réalisé par Mohamed Kebci
Le président du MSP s'inscrit en faux contre tout ce qui se dit à propos de la capacité de son prédécesseur à pouvoir lui succéder de nouveau. Du moins actuellement, avec l'assurance de Abderrezak Mokri qui dit que l'ex-président du mouvement «ne l'a jamais inquiété» du fait de l'appui renouvelé à chaque fois, du conseil consultatif du parti. Comme ce fut le cas lors de la résolution portant projet de fusion avec le Front du changement que Soltani n'a pas approuvée, lui qui avait, pourtant, paraphé, il y a quatre ans, le tout premier document de ce projet. Certainement qu'il flaire une manœuvre de Mokri pour lui barrer la route d'un retour aux affaires du mouvement, ce que le président du MSP récuse formellement.
Le Soir d'Algérie : Avant de vous lancer dans votre projet de fusion avec le FC, vous avez dû certainement évaluer l'expérience de l'alliance parlementaire, celle de l'Algérie verte concoctée avec Nahda et Islah à l'occasion des élections législatives de mai 2012.
Abderrezak Mokri : C'est exact. Nous au sein du MSP, dans un cadre interne, on en a fait le bilan et nous estimons que c'est une expérience parlementaire réussie, fructueuse. Il y avait une grande cohérence entre les trois partis. Cela dit, nous avions une vision beaucoup plus lointaine, des perspectives plus importantes. Ce pourquoi nous avons proposé à nos collègues de Nahda de développer cette alliance en une union entre les deux partis, car on ne pouvait rester dans une simple alliance parlementaire, du moins en ce qui nous concerne au MSP. Ce n'était pas intéressant car nous voulions développer notre union, avec davantage de députés. Et puis il y a la nouvelle loi électorale qui n'arrange pas les partis qui entrent dans des élections avec une autre dénomination car contraints, à chaque occasion électorale, à la collecte des signatures d'électeurs pour valider les candidatures. Un effort de plus inutile qui n'a pas lieu d'être car fourni pour rien.
Donc le projet de fusion était à l'origine avec Nahda, pas avec le FC ?
Oui, sauf qu'avec le premier, le projet n'a, fort malheureusement, pas abouti. Même si nous étions dans des perspectives diverses avec des discussions avec d'autres partis, notamment avec le FC et El Binaa. Le rythme a été, par moments, lent avec ce dernier et ça a fini par aboutir avec le premier.
Justement, à propos de ce projet de fusion avec le FC, beaucoup pensent que cette fonte du FC dans le MSP n'est qu'une manière de barrer la route à Aboudjerra Soltani qui ne perd pas espoir de reprendre, un jour, les rênes du mouvement, surtout que vous partagez avec Abdelmadjid Ménasra la même attitude à son égard.
C'est une réflexion erronée qui n'a aucun sens, car on était dans un processus de réunification de ces deux partis avant ma venue à la tête du MSP. Ce que ces gens ignorent, c'est que, primo, c'est Soltani qui a signé cet accord de principe en mars 2013, soit un mois avant la fin de son mandat comme président du MSP. Moi, je n'ai fait que poursuivre l'œuvre. Secundo, Soltani ne ma' jamais inquiété car je bénéfice d'un soutien inégalé des membres du conseil consultatif national. A chaque différend, un désaccord avec lui, cette instance vote à 80, voire à 90% pour le bureau national et le président du parti. Je gère le parti avec une majorité écrasante des membres du conseil national consultatif, comme ce fut le cas pour le projet de fusion avec le FC avec pas moins de 125 voix pour.
Justement, on dit que Soltani a voté contre cette résolution...
Toute le monde le dit, moi, je ne veux pas entrer dans ces considérations. Cela dit, Soltani a le droit de voter oui ou non comme il a le droit d'avoir un avis différent, mais dès que le Conseil consultatif national l'a décidé, il s'est plié à cette option et il l'a fait sienne.
Et que répondez-vous à ceux qui soutiennent que ce projet de fusion MSP-FC comme celui ayant vu le FJD, Nahda et El-Binaa convenir d'un similaire projet n'auraient jamais pu aboutir si l'ex-premier responsable du défunt DRS avait été encore en poste ?
L'effritement de la mouvance était une situation malheureuse totalement interne et l'union est une décision totalement interne et autonome. En ce qui concerne au moins la première dissidence au sein de notre parti, elle était interne avec un processus qui a duré dix ans qui a commencé avec le décès du fondateur du parti, Mahfoud Nahnah. Une dissidence liée à des circonstances et à des situations internes, sans facteurs externes.
Parlons, maintenant, si vous le voulez bien, des élections législatives prochaines. Vous avez décidé d'y participer en dépit de vos nombreux soupçons de fraude et de chkara ...
Il n'y a pas que le chakra, il y a d'autres effets négatifs qui influent sur les résultats : il y a l'administration, il y a le vote des divers corps constitués. Il y a un grand risque de fraude. Il faut prendre ses responsabilités et avoir une opinion selon une vision de l'avenir. Pour nous, ce qui est plus bénéfique pour l'Algérie et le parti, c'est de prendre part à ces élections.
Mais d'aucuns y voient une manière de cautionner un scrutin dont on connaît d'avance l'issue.
Nous respectons les autres avis, mais pour nous, les élections suivrons leur cours avec ou sans nous. Si le pouvoir veut frauder, ce n'est certainement pas le boycott qui l'empêchera puisque celui-ci lui donnera, au contraire, l'occasion d'arriver à ses fins sans frauder. Pourquoi frauder si les partis décidaient de bouder ces élections ? Nous lui permettrons d'organiser des élections libres mais qui n'ont aucune crédibilité et légitimité. Il y a deux possibilités : ou bien il n'y aura pas de fraude, à ce moment-là, l'occasion sera donnée à l'Algérie d'entamer une transition démocratique comme nous l'avons proposée. Des élections qui donneront des groupes parlementaires représentatifs et soutiendront un gouvernement de consensus qui entamera la transition démocratique et économique aussi pour passer d'une économie de rente à une autre diversifiée.
Vous, vous y croyez vraiment ?
C'est une éventualité. Si le pouvoir recourt, une fois de plus, à la fraude comme il l'a toujours fait, nous serons exempts de tout remords vis-à-vis de l'Algérie.
Mais les gens vous diront qu'on vous a avertis.
C'est un risque, c'est une résistance politique car nous n'avons pas d'autre issue. Si nous boycottons ces élections législatives, nous devons boycotter les élections locales de l'automne prochain et l'élection présidentielle d'avril 2019, car ce seront les mêmes situations organisationnelles.
Et rebelote après cinq ans, puisque nous devrons boycotter de nouveau et, au final, nous devons plus parler d'élections. Un parti qui ne participe pas aux élections, que doit-il faire d'autre ? Doit-il sortir dans la rue pour changer de méthode de lutte ou rentrer chez soi ? Nous, nous voulons rester sur le terrain, sur la scène politique, nous voulons résister et continuer le combat jusqu'à provoquer le changement. Aller vers la rue, c'est une éventualité politique légitime mais qui n'est pas possible actuellement car elle n'est pas acceptée et souhaitée par les Algériens et les partis au vu de la situation du pays et de celles à l'échelle régionale et internationale. Il y a également l'expérience des années 1990 du siècle dernier et du niveau de la culture politique qui font que la possibilité de sortir dans la rue pour changer n'existe pas pour le moment et rentrer chez soi n'est pas notre choix. Nous avons choisi cette option de résister politiquement et de pousser le pouvoir à deux éventualités.
Lesquelles ?
Soit laisser les élections libres et transparentes et nous entamerons alors la transition démocratique soit pousser le pouvoir à la fraude et nous le priverons de la crédibilité et de la légitimité. Car le pouvoir sait bien qu'il n'a pas de partis qui pourront gagner les élections sans fraude.
Mais il a le FLN, le RND et la flopée de partis périphériques.
Que l'on se détrompe, le pouvoir n'a pas de partis qui peuvent gagner des élections sans recourir à la fraude. Surtout avec la situation qui est celle de l'ex-parti unique et le RND qui est un parti de l'administration sans ancrage social. S'il n'y aura pas fraude, tant mieux pour l'Algérie et dans le cas contraire, ce sera tant pis pour le pouvoir politique car nous le priverons de la légitimité et de la crédibilité et nous continuerons à travailler car nous serons dans la même situation que celle prévalant actuellement.
Vous avez évoqué dernièrement la possibilité pour votre mouvement de rejoindre le gouvernement à nouveau.
Mais c'est le propre d'un parti politique. Un parti participe à des élections sur la base d'un programme. Et si ces élections sont libres et transparentes et les gagne, il mettra en œuvre son programme seul ou dans le cadre d'une coalition.
Quid de la dernière sortie du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales qui invitait les partis à faire preuve de «dynamisme» ?
Je ne sais pas ce qu'il peut demander à un parti comme le nôtre qui, chaque week-end, remplit des salles dans une ou deux wilayas. Un rythme qui dure depuis au moins trois ans. Nous sommes sur le terrain et nous sommes dans le travail de proximité. Nous avons des commissions sectorielles qui ont ficelé leurs programmes dans 36 secteurs et ses membres ne se contentent pas de la seule activité partisane puisqu'ils interviennent dans l'activité publique dans tous ses échelons. Mais le ministre, qui n'ignore pas cette réalité, doit nous montrer ce que font les partis du pouvoir. Cela dit, nous le comprenons, c'est de bonne guerre comme on dit, et cela ne nous inquiète pas outre mesure.
Un avis sur les partis qui ont décidé de boycotter les prochaines élections législatives ?
L'ensemble des partis les plus représentatifs ont décidé de participer à ces élections législatives. Quand on parle du parti des Avant-gardes des libertés, il est nouveau sur la scène. Cela dit, nous respectons les avis des autres, quoiqu'il faille rappeler que nous sommes dans une situation inverse que celle ayant prévalu en avril 2014 quand Ali Benflis et Soufiane Djillali étaient de l'élection présidentielle et nous, nous avions boycotté ce rendez-vous. Ce qui ne nous a pas empêchés de nous retrouver pour travailler ensemble. Si la fraude est du rendez-vous des prochaines élections, nous serons dans la même logique, plus réconfortés, plus renforcés que jamais.
Qu'en est-il justement de l'action de l'opposition, partagée entre participants et boycotteurs ?
Nous étions en réunion au sein de la CNLTD (Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique) et lundi prochain, l'Icso (Instance de concertation et de suivi de l'opposition) se réunira chez nous. Nous allons évoquer des élections et des perspectives. Nous estimons que même les boycotteurs peuvent participer au contrôle de ces élections pour confirmer leur option et nous les appellerons pour ce faire. Nous avons un projet dans ce sens qui est au stade de maturation.


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