Les événements du Printemps noir de Kabylie constituent l'alpha et l'oméga de la contestation citoyenne de l'histoire poste-indépendance de l'Algérie. Avril 2001. En ce deuxième printemps du vingt et unième siècle commençant, la Kabylie a entamé un cycle long de protestation-répression, avec des pics de tension qui ont atteint une ampleur quasi insurrectionnelle à laquelle les autorités ont apporté une réponse répressive d'une ampleur jamais égalée. Le bilan est lourd et sanglant : 126 morts et plus de 5 000 blessés par balles réelles. Les victimes dont une femme sont toutes des jeunes. Une répression aveugle qui a suscité l'indignation et la colère de toute la population de Kabylie qui, à son tour, s'est emparée de la rue pour dire non aux dépassements et à l'usage des armes de guerre contre les jeunes manifestants. Des cadres d'organisation émergeront pour donner plus de lisibilité et de cohérence aux revendications et accroître la mobilisation de la rue pour les faire aboutir. Des comités populaires prennent forme. Les villages et les quartiers des villes dans les wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Brouira et Boumerdès éliront leurs délégués. De réunions en conclaves itinérants, ces délégués parviendront à créer un cadre fédérateur, le mouvement citoyen des Arouch, où les décisions sont prises par consensus. Une liste de revendications est consignée dans un document, la plateforme d'El-Kseur, adoptée lors d'un conclave tenu à El-Kseur, dans la wilaya de Béjaïa. Dès lors, une batterie d'actions fut initiée, au soutien de ces doléances de portée sociale et politique. Le 14 juin 2001, la Kabylie, dans sa quasi-majorité, s'est mobilisée. Une marée humaine évaluée à trois millions de personnes, selon les estimations du mouvement citoyen, déferlera sur les routes en direction d'Alger. Dans le viseur des manifestants, les autorités publiques au niveau central dont le silence ajoutait à la colère des citoyens indignés par le déferlement, sans précédent, de la violence institutionnelle. Autre objectif de la marche sur Alger : porter jusqu'aux portes du palais d'El-Mouradia les revendications contenues dans la plateforme d'El-Kseur. La suite on la connaît. La répression fut inique et unique dans les annales de la gestion des foules et des mouvements de contestation populaire. Un arsenal répressif féroce sera déployé contre les marcheurs qui n'échapperont pas au piège qui leur a été tendu à l'intérieur et hors les murs d'Alger. Mobilisation de centaines de brigades motorisées de policiers anti-émeutes et incitation de hordes de voyous pour mater les manifestants. Les médias publics et des journaux de langue arabe connus pour leur hostilité aux revendications de la Kabylie se sont mis de la partie et participeront à la curée répressive. De véritables «fetwas» médiatiques incriminant l'indignation citoyenne pour l'empêcher de s'exprimer ont été relayées par ces médias qui verseront dans la manipulation grossière et éhontée et le mensonge, désinformant sur les faits et les objectifs de la marche pour avaliser la répression. On se souviendra des appels lancés par l'ENTV incitant les Algérois à défendre leur ville contre les manifestants kabyles.