L'Italie est au bord du gouffre. Battue par la Suède en barrage aller (1-0), elle devra chasser ses doutes et retrouver ne serait-ce qu'un peu de sa superbe lundi à Milan pour décrocher sa place en Coupe du Monde, celle qu'elle occupe sans discontinuer tous les quatre ans depuis 1962. «Il faut que tout change pour que rien ne change», comme dans Le Guépard, le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa adapté au cinéma par Luchino Visconti. L'équipe d'Italie a un match pour montrer un visage radicalement différent de celui qu'elle présente depuis des mois et pour maintenir l'équilibre du monde du football, celui où l'Italie va toujours au Mondial. Jusqu'à vendredi et la défaite de Solna, les Italiens chassaient d'ailleurs la perspective d'une élimination comme un improbable mauvais rêve. «Ce n'est pas possible. On ne peut pas y croire. Sincèrement, l'idée ne nous avait même jamais effleurés. Un Mondial sans l'Italie, dans notre imaginaire collectif, c'est plus improbable que l'atterrissage place Saint-Pierre d'un aéronef venu de Saturne», écrivait ainsi la semaine dernière la Gazzetta dello Sport. Alors à la veille de la deuxième manche à San Siro, l'Italie en est là, un peu hébétée, à se demander à quoi peut bien ressembler un été de Coupe du Monde sans son équipe nationale. La dernière fois c'était en 1958, et seuls quelques grands-pères s'en rappellent. Pour les autres, c'est l'inconnu. Mais le vide se ferait aussi sentir en Russie, car l'Italie est un vrai géant de la compétition avec ses quatre titres (1934, 1938, 1982 et 2006), ses deux finales (1970 et 1994) et ses deux places dans le Top 4 (3e en 1990, 4e en 1978). Mais comment la Nazionale, encore très séduisante il y a à peine plus d'un an à l'Euro-2016 en France (quart de finaliste) a-t-elle pu tomber si bas ? Logiquement devancés en poules par une Espagne infiniment supérieure, Gianluigi Buffon et les siens sont en fait restés traumatisés par la défaite concédée début septembre à Madrid (3-0). «Être féroces» En crise totale de confiance, mal guidée par Gian Piero Ventura, sélectionneur sans expérience du très haut niveau et qui semble aujourd'hui à court d'idées, la Nazionale a désormais bien peu d'éléments auxquels se raccrocher pour croire à un renversement de situation. Le premier reste la qualité très relative de l'adversaire. Bien organisés et costauds, les Suédois n'ont pas non plus semblé invincibles à Solna et avec un peu de vitesse et d'audace, les Italiens peuvent probablement changer la dynamique de ce barrage, comme la France l'avait fait face à l'Ukraine avant la Coupe du Monde 2014 (défaite 2-0 à l'aller, victoire 3-0 au retour). Cette vitesse et cette audace peuvent être incarnées par Lorenzo Insigne, l'ailier de Naples, qui devrait être titulaire quel que soit le système choisi par son entraîneur. A l'aller, celui qui est l'élément offensif le plus talentueux de la sélection n'était entré qu'à un quart d'heure de la fin, remplaçant poste pour poste Marco Verratti (suspendu ce soir) dans l'incrédulité générale. Mais au-delà des schémas tactiques et des qualités individuelles, l'Italie va surtout devoir arriver à San Siro avec un supplément d'âme. Buffon, dont l'immense carrière internationale s'achèverait lundi soir en cas d'élimination, a lancé le mot d'ordre : «Nous devrons être féroces. Nous et toute l'Italie. On enlève tous nos maillots noir et blanc, rouge et noir ou bleu et noir et on enfile tous le Bleu». La réponse du stade San Siro, où l'Italie n'a jamais perdu, est désormais attendue. Ils seront plus de 70 000 à pousser très fort, pour faire que l'été 2018 ne ressemble pas à l'été 1958.